"La formation des maîtres de 1940 à 2010", une histoire, souvent, de leur non-formation (sous la direction d'A. Prost)
Paru dans Scolaire le lundi 22 décembre 2014.
"La formation des maîtres de 1940 à 2010", oeuvre collective de plusieurs spécialistes sous la direction d’Antoine Prost pourrait être un classique pour les étudiants des ESPE tant les différents enjeux d’une formation spécifique au métier y sont évalués sur une période historique longue, et malgré l’absence de l’enseignement agricole. Nombre de tableaux statistiques viennent souligner les particularités du système français où "on recrute d’abord, on forme ensuite". Cette formule prend tout son sens lors de la démocratisation du collège : "plus de 6 PEGC sur 10 ont été recrutés sans formation. C’est décidément une tradition. L’histoire de la formation des maîtres est aussi, voire d’abord, une histoire de leur non formation." Et Lucie Tanguy parle "d’une institution de formation qui revendique la nécessité de la formation pour l’ensemble de la population, mais s’avère incapable de respecter cette règle pour elle-même".
Bien entendu, l’Education nationale ne s’en est jamais satisfait, comme le soulignent plusieurs contributions qui évoquent le Colloque d’Amiens, les IUFM ou la formation des maîtres de l’enseignement catholique, mais aussi les enjeux politiques, quand Georges Pompidou ne veut pas "primariser" le secondaire, syndicaux, avec l'absence des syndicats hors SNESUP au colloque d’Amiens, ou institutionnels, la place des disciplines, des filières et des corps. S'y ajoutent les représentations des enseignants heurtés dans leur identité par des propositions qui mettent en cause leurs compétences pédagogiques.
Ce livre d’histoire de la formation des enseignants est donc aussi un livre d’actualité puisqu'il permet de voir à l'oeuvre les mêmes blocages, notamment ceux qui sont liés à l’opposition primaire polyvalent / secondaire disciplinaire; mais il permet aussi de percevoir une volonté continue de mettre en place, à l’aide de réformes successives, une formation professionnelle des enseignants commune (et non pas unique). Et il met en garde contre les risques de modélisation : "Le dressage et les recettes sont ici impuissants. Tout se joue dans une relation quotidienne impossible à prévoir dans le détail. C’est toute la grandeur et la difficulté du métier d’enseigner. Et celle d’y former les maîtres."
La formation des maîtres de 1940 à 2010, sous la direction d’Antoine Prost, Presses universitaires de Rennes, novembre 2014, 20 €.