Le Musée de toutes les confluences : un socle pour la culture ?
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le samedi 20 décembre 2014.
A Lyon, le "Musée des confluences" ouvre ses portes au public ce samedi 20 décembre 2014. Et si ce musée, dont certains relèvent d’abord les dépassements de coût de construction, ou manifestent leur étonnement devant une architecture forte, était d’abord un "musée nouvelle génération" pluridisciplinaire face à la complexité du monde, un formidable point d’appui éducatif, - tant par ses contenus que par sa médiation -, pour l’acquisition du socle commun de connaissances, de compétences et de culture ? Et pas seulement parce que trois espaces structurent son espace : le socle, le cristal, le nuage…
Pour Hélène Lafont-Couturier, sa directrice, ce musée est animé par "une philosophie de la rencontre, un goût de l’échange mais aussi une intelligence des regards croisés, qui ambitionne d’interroger le temps long de l’aventure humaine". Pour Jean-Jacques Pignard , vice-président du conseil général du Rhône qui retrace 18 ans d’élaboration de ce projet (à l’origine un double projet lorsqu’en 1996 Michel Mercier lui avait demandé un comité de réflexion sur le devenir du Musée Guimet et Raymond Barre un comité pour doter la ville d’un musée des sciences, des techniques, et des sociétés ), c’est "un musée singulier, extraordinaire.. Un musée sur le mystère de l’homme, presqu’un un musée de philosophie, à la fois musée pour public et musée de collection
Un musée de toutes les confluences.
Ce musée est certes un musée des confluences géographiques, situé au confluent du Rhône et de la Saône, mais aussi musée des confluences historiques, avec 4 racines dont la plus ancienne remonte à un cabinet des curiosités au XVIIème siècle, enrichi par des éléments scientifiques que la ville de Lyon transformera en académie des sciences et belles lettres en 1777, base du muséum qui cohabitera avec le musée des beaux-arts au Palais Saint-Pierre. Au XIXème siècle, un nouveau musée est financé par Émile Guimet en 1879, consacré aux religions, doublé d’une école des langues, mais qui part à Paris (place d’Iéna sur les mêmes plans). Édouard Herriot fera revenir à Lyon les collections (1913) pour deux institutions : le muséum et le musée Guimet, ajoutant un musée colonial qu’il ouvre en 1927, et qui fermera en 1968. A la fin des années 70, le musée hérite des collections ethnographiques de l’œuvre de la propagation de la foi. Puis sera menée une politique d’acquisition active depuis le début du projet Confluences. Au total, ce sont 2,2 millions d’objets qui sont réunis depuis 4 siècles… !
Mais de ces différentes racines historiques il restait à faire, pour reprendre l’expression de Bruno Jacomy, directeur scientifique, "une confluence des savoirs, une confluence des regards, une confluence des disciplines". Il mentionne les approches croisées : scientifiques, symboliques, de confrontations de collections différentes. Un accélérateur de particules côtoie des monnaies océaniennes. Il s’agit de questionner les différences et les invariants entre époques, cultures. Un conseil scientifique international et des conseils scientifiques pluridisciplinaires ont conduits les travaux : paléoanthropologues, astrophysiciens, philosophes, exégètes,… "La pratique pluridisciplinaire n’étant pas la pratique la plus courante pour les chercheurs. Ce fut une formidable aventure !".
Plusieurs entrées permanentes sont proposées, en sus d’expositions temporaires : Origines, les récits du monde ; Espèces, la maille du vivant ; Société le théâtre des hommes ; Éternités, visions de l’au-delà.
Une médiation …humaine
Hélène Lafont-Couturier explique pourquoi elle n’a pas choisi d’externaliser toute la médiation comme d’autres 
structures muséales récentes, gardant en interne la conception et la programmation culturelle. Pour elle, qui a connu le métier de conférencière, il s’agit d’abord "d’une médiation humaine". L’émotion, l’émerveillement, sont fondamentaux. On "raconte des histoires" et on "met en scène" pour rendre lisibles des sujets difficiles, et s’ouvrir à d’autres disciplines. Pour mieux appréhender cette pluridisciplinarité, elle a recruté des médiateurs à profils différents,
Magali Moret, en charge de la programmation et de la médiation, qui vient des sciences de l’éducation et de l’éducation artistique et culturelle, rappelle que "l’éducation est au cœur du musée". Elle montre une approche originale cohérente avec le projet du musée. Des espaces/ateliers avec 400 objets de médiation que peuvent toucher les élèves. Les médiateurs présentent des objets, avec des dispositifs interactifs entre objets et animations numériques : la relation à l’objet favorise "la curiosité, ainsi que l’émotion, éléments essentiel pour apprendre"! Des conférences seront aussi organisées pour les parents : qu’est-ce que le savoir ? comment on le transmet ? Le musée va accueillir des classes culturelles, patrimoniales, avec séjour scientifique, culturel. Ont été analysés tous les programmes de l’Éducation nationale (histoire, géographie, histoire des arts, mathématiques, sciences et techniques, philosophie…). Un centre de ressources et des professeurs relais aident à travailler sur les compétences transversales, par exemple "voir en minuscule avec les microscopes : techniques et histoire des sciences". Avec l’ENT (espace numérique de travail) des collèges du Rhône "laclasse.com", un professeur de philosophie travaille sur la relation homme-animal en CM2-6ème avec 6 binômes écoles-collèges dans le département. Un programme "croyances et religions du monde" est travaillé en lien avec les programmes de collèges et de lycées. Un espace médiation est prévu sur le site afin que chaque enseignant puisse avoir son compte dans un espace collaboratif, en relation avec les ENT.
Le numérique est au cœur de partenariats avec l’ENS Lyon, membre fondateur de l’établissement public, et l’FE (institut français de l'éducation), avec le Centre Érasme et Canopé Lyon (pour les expérimentations sur tables), avec le rectorat, l’ESPE, et avec d'autres musées comme le MUCEM, le musée des arts asiatiques, le musée des beaux-arts de Lyon… Il s'agit de construire des voies originales pour la médiation éducative
Claude Baudoin