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Congrès de l'UNETP (enseignement technique privé) : "Faire reculer la souffrance au travail... de l'élève"

Paru dans Scolaire le lundi 08 décembre 2014.

"Il faut apprendre à se taire....pour écouter, autoriser." Pour les responsables de l'UNETP, l'heure est au "pilotage participatif". Ils l'ont dit à ToutEduc à l'occasion du 80ème congrès de l’Union nationale de l’enseignement technique privé, les 3 et 4 décembre à Lyon, Quelque 200 chefs d’établissement représentant 1 069 structures de formation professionnelle et technologique, dont 91% de catholiques et 9% de non-confessionnels, formant 190 000 élèves et 8 900 apprentis, étaient réunis au lycée "Aux Lazaristes", un établissement symbolique pour un retour aux sources du catholicisme social. C'est le 14 décembre 1934 que le Père La Mache, directeur d’une école technique à Lyon, fondait l’UNETP.

Les thèmes des cinq derniers congrès témoignent d'une triple préoccupation : les jeunes en formation, l’innovation, et les valeurs du chef d’établissement. C'était cette année "vivre les écoles plurielles pour des hommes singuliers" et le nouveau président, Bernard Michel, annonce d’emblée "une révolution de l’éducation" tandis que Dominique Campana, vice-président, exprime "la volonté et la nécessité de prendre en compte chacun des membres d’une communauté éducative, particulièrement les élèves, et de faire évoluer notre posture d’enseignant et nos établissements". Christophe Audard, délégué UNETP Rhône Alpes plaide pour "l'accueil de tous !". Pour Gilles de Bailliencourt, directeur diocésain de Lyon, "les chefs d'établissement sont condamnés à être des têtes chercheuses, proposant des pédagogies toujours plus motivantes pour les jeunes qui ont besoin d'être mis en confiance". Mais il ajoute que la réorganisation administrative qui accompagnera la réforme territoriale "constitue une occasion pour remettre en cause des formations obsolètes".

Patrice Gaillard, DAFPIC (délégué académique à la formation professionnelle initiale et continue) reconnaît d'ailleurs que "les établissements privés jouent un rôle important dans l'accompagnement des publics fragiles". Il  ajoute que "l'apprentissage est une vraie opportunité pour faire réussir les jeunes", y compris au sein des lycées, et qu’il faut "changer les représentations en développant chez les jeunes la culture de l'entreprenariat", par un "parcours information-découverte du monde professionnel plus incitatif".

Des recteurs, des chefs d’établissement sur les voies de l’innovation collaborative

L'UNETP ne remet pas seulement en cause les formations, mais aussi le modèle "un maître, une classe, un programme". Thierry Magnin, le recteur de l’université catholique de Lyon, propose "la transformation d'une approche transmissive en une approche collaborative, même si c’est difficile pour les enseignants (…) L'apprenant travaille à la construction de ses compétences, le formateur est facilitateur (…) Le professeur doit aussi être dans cette posture d'apprenant (…) Il y doit y avoir partage de savoirs (...) Les théories de la complexité, ce n'est pas magique, et le rôle de l'enseignant est capital en ce domaine."

Dans la salle, les chefs d’établissements multiplient les exemples qui vont dans le même sens : en Terminale, la nouvelle option ISN (informatique et système numérique), où il n’y a aucun cours mais co-construction ; en Mayenne, où les élèves techniciens d'usinage ont créé une plate-forme collaborative avec les industriels ; en BTS ESF (Économie sociale familiale) où on pratique travail de groupe, pédagogie de projet, usage d’un ENT (espace numérique de travail), mais où on relève trois freins : le "sacro-saint programme", la question de l'évaluation, la question de confiance. Un chef d’établissement va jusqu’à… sa fonction : "Peut-on transférer ce mode collaboratif sur le pilotage de l'établissement pour aller vers une sorte de co-gestion ?"

Mais d’où vient ce puissant désir de transformation de la forme pédagogique traditionnelle ?

Répondant aux questions de ToutEduc, Dominique Campana, vice-président, estime qu' "il y a de la souffrance dans certains lieux d’enseignement, collèges, lycées et même dans le supérieur, et cette souffrance est liée à la manière dont on installe l’apprenant dans sa condition d’élève. Même s’il y a une histoire de la bienveillance dans le catholicisme social et même si l’innovation pédagogique se développe depuis 10 ans au sein de l’UNETP, l’objet du congrès est de faire mesurer que les changements de l'école de demain sont déjà en chemin. Il faut que les élèves soient acteurs et que la classe ne soit pas un espace clos. L'école 3.0 peut constituer une onde de choc pédagogique."

Un autre dirigeant évoque les évidences du quotidien : "Pourquoi on est en mouvement ? Parce que le système ne marchait plus du tout ! Le collège n’est pas autonomisant et on récupère en LP des élèves qui étaient déjà déficients dans ce système. De toutes façons il faut bouger car les gamins ont bougé…"

Le changement, c’est comment ?

Gervais Sirois, expert au Centre d’étude et de développement pédagogique du Canada, remarque : "Autrefois, on recherchait l'élite. Aujourd’hui, on passe d’un système d’instruction à un système d'éducation qui cherche à faire émerger le plus de capacités possible, sans se débarrasser des élèves qui ne réussissent pas." Il propose de faire des "intelligences multiples", un cadre d'analyse et de retenir "le principe de l'amélioration continue de la qualité en entreprise : garder ce qui fonctionne bien, mais remplacer ce qui ne fonctionne pas, trouver de nouvelles manières de faire (…). L’innovation c’est pour aller… un petit peu plus loin. Dans les organisations apprenantes on met en place des pratiques nouvelles qui permettent des transformations en profondeur, ça ne peut venir de l‘extérieur." Bernard Michel confirme : "Au sein des organisations apprenantes, le changement n'est pas que la somme des efforts individuels : on met en place des pratiques nouvelles qui débouchent sur une transformation en profondeur. Il faut changer un modèle mental par la collaboration."

Pour un autre dirigeant, les démarches collaboratives favorisent "un retour à nos valeurs, un retour aux sources , valeurs issues du christianisme et de l’enseignement technique (…) Face à un modèle taylorien, on retrouve la liberté au profit de l’élève"

"Les chefs d'établissement condamnés à être des têtes chercheuses"

Pour Dominique Campana : "L’UNETP cherche à éveiller sur les changement à l'œuvre, en mettant l’ensemble des chefs d’établissement dans un travail collaboratif, avec échange des pratiques. On va s’appliquer à nous-mêmes ce que nous tentons de mettre en place dans nos classes de lycées. Il faut un pilotage participatif qui respecte l’imagination et la créativité des enseignants."

Mais le président Bernard MIchel n’oublie pas que les chefs d’établissements ont des préoccupations plus "terre à terre": ils s’inquiètent des effets de la réforme de la collecte de la taxe d’apprentissage : 52% de cette taxe va être affectée d'office aux régions, alors qu'avant elle était gérée par le paritarisme. La part éligible collectée va baisser. "Il y aura nécessité de travailler avec les régions sur ce dossier, ainsi que sur les investissements immobiliers et la carte des formations", mais il ajoute, en fataliste optimiste : "La crise engendre le génie..."

Claude Baudoin

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