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Un "collège" connecté témoigne de ce qu'apporte le numérique aux élèves... et aux enseignants (Salon Educatice)

Paru dans Scolaire le lundi 01 décembre 2014.

Le Collège Val-d‘Argent, à Sainte-Foy l’Argentière, fait partie des 72 "collèges connectés" (4 dans le Rhône) qui, visent à "l'intégration du numérique dans les enseignements et la vie scolaire". Situé en zone rurale, il fait partie de ces établissements "accélérateurs d'innovation et de changement'. Au Salon Educatice, le 27 novembre 2014, une classe de 5ème, quatre professeurs, la principale, et les principaux partenaires (Conseil général du Rhône, Centre Érasme, Canopé Lyon et le délégué académique au numérique) faisaient la démonstration qu’il ne s’agissait pas d’une simple expérimentation techno-pédagogique connectant table tactile interactive (multitouch) et tablettes tactiles, mais des voies d’un processus de changement...

Comme le rappellent Célia Bonnet-Ligeon, chef de projet transmedia à Canopé Lyon, et Patrick Vincent chef de projet du Centre Érasme, qui co-pilotent le projet c’est, en 2010, un logiciel conçu par le Centre Érasme pour les musées qui a servi pour l’expérimentation. Début 2014, le pari est lancé de l’utiliser sur une table tactile avec des enseignants pilotes, en utilisant un logiciel open source, personnalisable. Les enseignants élaborent la scénarisation avec une logique d’édition où les contenus sont publiés tout au long de l’année par les enseignants eux-mêmes. Le scénario correspond à un corpus, constitué d’un ensemble de fiches numériques produites par Canopé, en réfléchissant ensemble à quels fonctionnalités, degrés de difficulté, utilisant des widgets (window et gadget)… Pour Valérie Couriol, professeur documentaliste, "la table, située au CDI, est un outil de communication et de production d’élèves : le reste de l’établissement peut profiter de leur travail, ce qui n’est pas le cas avec un TNI (tableau numérique interactif) utilisé seulement en classe. C'est le cas notammant de ce qui a été fait par un groupe d’élèves pour le Concours de la Résistance. Les interviews, vidéos et les fiches de jeu-enquête sont consultables par tous."

Une synergie d’acteurs dans la durée

Pour Danielle Chuzeville, présidente du conseil général, c’est "un aboutissement et un départ. En arrivant au collège Val d’Argent, j’ai eu l’impression que toutes nos expérimentations, depuis de nombreuses années, avaient eu du bon et avaient été un vrai levier. Quand on voit les élèves, pour moi c’est un vrai bonheur; quand on agit de manière conjointe entre Éducation et collectivités, on peut faire bouger les choses. J’ai vu le nombre d’enseignants qui se sont saisis des tablettes, mais aussi de tous les outils à leur disposition comme la table multitouch,… on ressent dans cet établissement une ambiance différente." Joël Moulin, professeur de mathématiques au collège depuis 20 ans, l’un des deux référents pour le numérique éducatif précise : "chez nous le numérique n’est pas arrivé par hasard, il est arrivé petit à petit. Il est vrai que la proximité du Centre Érasme a compté." Ce centre se définit en effet comme le "living lab. du Département", le "centre d’expérimentation numérique du Rhône, dont l’objectif est de faire émerger des outils et des services à partir d’expérimentation locales " (ici). Marie-Claire Thomas, directrice de Canopé Lyon, confirme : "c’est une belle collaboration entre l’institution, la collectivité locale, les enseignants, Canopé (ex-CRDP) et la DANE (ex-mission TICE académique). Je crois beaucoup à ce partenariat ; lorsqu’on accole des compétences différentes et complémentaires on est beaucoup plus fort."

Pour Danielle Chuzeville, "le collège de Sainte-Foy a toujours été l’un des premiers pour toutes les expérimentations, depuis des années dans la démarche, en particulier avec l’ENT (environnement numérique de travail, ndlr) 'laclasse.com' où ils ont été précurseurs, et la majeure partie de l’équipe pédagogique est impliquée dans le développement du numérique." Joël Moulin précise à ToutEduc l’entrée par l’ENT : "on a travaillé sur 'laclasse.com' bien avant les autres collèges du Rhône : on a tenu un cahier de texte en ligne un an avant que les instructions ne le demandent, et c’est par le cahier de texte que tous les collègues sont rentrés ; et depuis qu’on est un 'collège connecté' où on a harmonisé les tableaux numériques, les collègues s’impliquent davantage avec une demande assez grande au niveau des tablettes. Aujourd’hui, en usage pédagogique du numérique par les élèves, c’est 70 à 80% des professeurs; en simple utilisation du vidéoprojecteur, on est à 100% !"

Les élèves doivent se mettre d'accord entre eux

Selon l'enseignant, pour un scénario pédagogique, il y a deux pistes : "soit, de manière classique, le professeur crée son scénario et les élèves l’utilisent, soit les élèves sont créateurs du scénario. La table favorise le travail en équipe : 4 élèves actifs, debout, qui peuvent toucher l’écran." En mathématiques, il a pu initier au raisonnement logique en géométrie avec un scénario qui s’est enrichi au fur et à mesure, en lien avec Canopé et la délégation au numérique éducatif… Il demande aux élèves de justifier, de définir les propriétés, ce qui les conduit à se mettre d’accord entre eux, se convaincre… "C’est essentiellement la dimension collaborative, les élèves par groupe et en autonomie : ils ne se réfèrent plus au tableau, ils ne se référent plus au professeur, ils se réfèrent… entre eux." Et Célia Bonnet-Ligeon d’ajouter : "le professeur est médiateur, et on peut revenir au CDI pour réviser. »

Ambre, Johan, Renaud, Sameo, Amélie, Lilou, Axel  ont confié à ToutEduc leur intérêt pour le numérique : "le collège connecté, ce n’est pas un collège comme les autres, on a plus de possibilités", "on apprend mieux, "on peut mieux voir les choses au tableau", "on se sent plus à l’aise", "le numérique, ça nous intéresse plus et du coup, on regarde beaucoup plus et on écoute mieux", "la table, ça nous apporte de travailler un peu plus vite, c’est plus drôle et on apprend un peu mieux", "c’est mieux parce que ça donne envie d’apprendre, on fait des exercices sur les tablettes", "c’est mieux parce qu’on est en groupe et ça permet d’être aidé si on n’y arrive pas", "c’est bien parce qu’on évolue dans le temps et on ne reste pas des heures et des heures à écrire, on touche le numérique". Indéniablement, au-delà d’un aspect ludique, les sens davantage en éveil (vue, toucher, ouïe), l’attitude plus active et la relation collaborative et solidaire, rendent les élèves réellement acteurs de leurs apprentissages.

Le professeur de mathématiques ajoute "avec le numérique, on apporte une attraction, c’est certain, mais on apporte aujourd’hui un regard critique sur le numérique, par exemple on publie des photos, on va parler du droit d’auteur, du droit à l’image,…, sujets que les ados ont besoin d’aborder avec les réseaux sociaux ; en termes de compétences, en math., pour un exercice sur un logiciel de mathématiques dynamiques, j’ai un outil que je ne peux avoir par papier ; pour la construction d’un triangle, on peut déplacer les points, déformer les triangles, voir ses propriétés,.. Enfin, le travail sur la table est très intéressant au niveau de la gestion du groupe : en groupe 'format papier', il y avait un élève qui était l’animateur, prenait la parole, et imposait ou presque sa solution aux autres ; là ils sont plus à égalité, ils ont tous les mains sur la table, ils peuvent tous agir et la discussion est beaucoup plus riche." Quant aux parents ? "Ils sont ravis."

Le CDI, centre de l’attention

Pour Valérie Couriol, le professeur documentaliste, le CDI n’est pas seulement le centre des ressources et des usages pédagogiques, c’est "le centre de l’attention". Il n’y avait pas d’autre lieu pour installer la table tactile, car c’est à la fois un centre et un lieu de passage. "Le Français, l’Histoire-Géographie et les SVT travaillaient déjà en lien avec le CDI, et ça a fait venir les Maths. La part des compétences spécifiques du professeur documentaliste ? Ca se développe :…le droit à l’image, la construction de l’autonomie, aider à construire un texte. Avec des classes entières, l’usage de la table est d’environ 5h par semaine, mais elle est sollicitée à toutes les récréations, les temps de midi, tous les temps où les élèves sont en accès libre au CDI, y compris les heures de permanence. Actuellement une table nous suffit, car les élèves réinvestissent par groupes de 4 ou 5 qui viennent voir ou revoir ce que les copains ont fait en cours de Maths ou d’HG. Le flux se gère bien, ça ne provoque pas d’embouteillage au CDI."

Pour la directrice de CANOPE Lyon, "cet outil permet de changer de posture. C’est un peu le cheval de Troie que l’on met au CDI, un bel outil de partage". Et la responsable du projet numérique d'ajouter, "la méthode s’est construite au fil de l’eau avec les intervenants". Les ateliers Canopé permettent "de tester de nouvelles méthodes de travail avec les enseignants. On produit des ressources, on édite des ouvrages, des sites web, des DVD, mais on peut aussi avoir un volet d’expérimentation où on va être enrichis par les apports des enseignants, mieux recevoir les besoins du terrain, nous adapter et nous mettre aux service des enseignants. Pour le transfert vers d’autres équipes, on commence par une formation interne pour que tout le personnel soit à même de travailler sur la table tactile, faire des démonstrations, de la médiation, comprendre à la fois le niveau technique, la méthodologie de travail, les contenus,… On sait qu’il y a d’autres projets sur table tactile, mais on croit beaucoup à notre méthode de travail transversale et pas commanditaire, vraiment à l’écoute des enseignants ; en 8 mois d’expérimentation ça a vraiment été un plaisir de travailler comme ça ; on imagine travailler en partenariat avec le Musée des Confluences, les Archives départementales,... Nous serons là pour accompagner les enseignants et scénariser."

Des élèves en difficulté très à l'aise

Brigitte Bacconnier, personnel de direction passée par un collège de Vénissieux puis un gros lycée de Mayotte, a pris ses fonctions de principale du collège Val d’Argent à la rentrée 2014. Son enthousiasme est convainquant : "La table multitouch produit des scénarios de qualité qui peuvent aussi servir de support à l’acquisition de plusieurs compétences du socle commun. Les corpus produits sont réutilisables par l’ensemble des usagers du CDI. Il y a une adhésion unanime de tous les élèves qui accordent autant d'importance à la conception des scénarios en classe qu'à la manipulation de la table. Ils acquièrent un vocabulaire technique précis en très peu de temps. Les élèves habituellement en difficulté repartent à zéro face à l'utilisation de la table et laissent derrière eux les échecs. Ils trouvent leur place, sont très à l'aise dans le positionnement autour de la table, dans la réalisation pratique des fiches, et développent un regard différent de 'l'élève classique'. La coopération entre enseignants se fait indépendamment de la discipline enseignée."

Claude Baudoin

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