Salon de l’Éducation: Les propositions de la Ligue de l'enseignement pour tendre vers une formation partagée de tous les acteurs et partenaires de l’Éducation
Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 28 novembre 2014.
Lancer des appels à projets ouverts ou former les stagiaires à la mise en place de protocoles scientifiques dans leurs classes pour les inciter à travailler en lien avec la recherche, amener, dans le cadre de la formation continue, les enseignants et les autres acteurs de l'éducation à se former ensemble, mettre en place des décharges d'enseignement pour que les enseignants "de terrain" puissent intervenir dans la formation des étudiants... Ce sont autant de pistes qui ont été évoquées, ce jeudi 27 novembre 2014, à l'occasion d'un atelier consacré à la formation initiale et continue des acteurs de l'éducation. Cet atelier était inscrit dans le cadre de la rencontre nationale organisée par la Ligue de l'enseignement sur le thème "Refondation de l’École: deux ans... Et après?", à l'occasion de la 16e édition du salon européen de l'éducation qui se tient à Paris jusqu'au 30 novembre.
Si le principe de faire des ÉSPÉ de véritables écoles professionnelles formant à l'ensemble des métiers de l'éducation a été acté par la loi de refondation, les intervenants s'accordent à dire qu'il n'est toujours pas mis en œuvre. Il en va de même du développement d'une "nécessaire culture commune et partagée". Pour Philippe Watrelot, le président du Crap-Cahiers pédagogiques, il faut "être en mesure de proposer une analyse réflexive, un retour de pratiques". "On enseigne comme on a été formé", explique-t-il. "Cela suppose de se mettre ensemble, de collaborer". L'un des freins actuels à la construction de cette culture commune tient, selon lui, au fait que "les ÉSPÉ ont été conçues comme des agences, des espaces virtuels qui rendent difficile le fait d'agréger des structures et personnes différentes". Celui-ci évoque aussi "un certain nombre de vices cachés" dans la réforme, qui risquent de freiner le développement de cette culture commune. L'un d'entre eux étant, par exemple, "le concours qui renforce l'ancrage disciplinaire alors que l'enseignant de demain va devoir avant tout travailler en équipe".
Des décharges d'enseignement pour permettre aux enseignants d'intervenir dans les Éspé ?
Les intervenants ont évoqué plusieurs initiatives qui pourraient servir d'exemples pour tendre vers cette culture commune. Celle des établissements innovants qui mettent la dimension collaborative et transdisciplinaire au cœur de leur organisation, en inscrivant les temps d'échanges dans les emplois du temps, temps qui ne sont donc pas laissés à la bonne volonté de chacun. Eric Charbonnier, le responsable du département éducation de l'OCDE cite l'exemple de la Finlande où "chaque enseignant peut développer ses supports, validés par des structures, et les rendre accessibles en ligne aux enseignants et aux étudiants". Une "culture de la collaboration" qui "n'est pas vraiment dans la mentalité française". Un autre évoque l'exemple de décharges de service accordées à des enseignants de terrain pour leur permettre d'intervenir à l'université auprès des étudiants.
De la même manière, les intervenants ont souligné que la notion de transfert de la recherche à la formation puis dans les pratiques professionnelles n'était toujours pas intégrée par le secteur éducatif. Pour Daniel Filâtre, président du comité de suivi des ÉSPÉ, initier des appels à projets "à la fois ouverts et très ciblés, par exemple sur des problématiques de décrochage des jeunes" alors que "de nombreux travaux portent sur des concepts d'apprenance" permettrait de favoriser le développement de la recherche-action. Pour Brigitte Marin (ÉSPÉ de l'académie de'Aix-Marseille), "plutôt que de donner des recettes pédagogiques", il faudrait, "de façon modeste en M2" que les stagiaires soient initiés à mettre en place des protocoles scientifiques de recherche-action au sein de leurs classes. Et que l'on rende plus lisibles l'apport et les résultats de la recherche alors que la plupart des stagiaires sont septiques à ce sujet.
Le CAPE associé "officiellement" à la formation dans les ÉSPÉ
Enfin, tous les intervenants sont revenus sur la nécessité de former, dans le cadre des ÉSPÉ, tous les acteurs de l’Éducation, et pas seulement les enseignants, quels que soient leurs statuts, métiers, temps d'intervention dans le temps éducatif, afin de "former des professionnels en capacité de dialoguer avec les autres partenaires et de créer une continuité entre tous les temps éducatifs". Étienne Butzbach, qui a animé la rencontre de la Ligue, a fait une proposition concrète à Najat Vallaud-Belkacem ce vendredi 28 novembre, afin d'assurer dès la rentrée prochaine "la convergence des deux filières actuelles, celle de l’Éducation nationale et la filière animation, pour permettre une meilleure cohérence des référentiels éducatifs entre ces deux types de professionnels". A ainsi été suggéré que 3 ou 4 ÉSPÉ "volontaires" mettent en place, dès la rentrée 2015, des formations de responsables de l'animation périscolaire, en lien avec les collectivités et les associations d'éducation populaire.
Dans la continuité, une convention a d'ailleurs été signée ce jour entre le ministère, le réseau national des ÉSPÉ et le CAPE (Collectif des associations partenaires de l’école publique), qui permet d'associer ce dernier à la mission de formation des ÉSPÉ. Cette convention prévoit, entre autres, que les associations membres du CAPE pourront proposer "des modules de découverte et de formation sur plusieurs thèmes: partenariat, relations avec les parents, innovation, découverte des pédagogies nouvelles, 'éducations à…'". Elle pourront aussi enrichir en master la 4e mention Ingénierie de la formation, avec des modules de formation et de stages proposés par les associations membres du CAPE.
La convention encadre d'ailleurs la mise en place de stages dans les associations membres du CAPE dès le L3, dans le cadre de la pré-professionnalisation, et en 1re année de master MEEF (Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation), dans le cadre des stages d’observation: parmi les lieux d'accueil cités figurent les IME, ITEP, structures d’accompagnement périscolaire, structures de loisirs...
Camille Pons