Lecture : pas de guerre des "méthodes" (N. Vallaud-Belkacem, A. Bentolila, R. Goigoux)
Paru dans Scolaire le samedi 15 novembre 2014.
En matière d'apprentissage de la lecture, Najat Vallaud Belkacem ne veut pas "d'une méthode officielle". La ministre de l'Education nationale préfère "de bons professionnels combinant les différentes méthodes" et elle annonce "un effort conséquent en 2015 pour la formation continue". Elle intervenait hier 15 novembre, lors de l'ouverture des "Controverses de Descartes". Organisées par Alain Bentolila, professeur de linguistique à l'université Paris-Descartes, elles mettent en scène sur un thème donné deux chercheurs ou responsables qui s'opposent. C'était cette année sur "le socle commun", Philippe Meirieu (sciences de l’éducation) et Jean-Michel Blanquer (ancien directeur général de la DGESCO), sur "le numérique et la mémoire", Bruno Falissard (INSERM) et Boris Cyrulnick (neuropsychiatre), sur "l’École à l’ère du numérique", François Taddei (INSERM) et Denis Kambouchner (Paris-I) et donc sur la lecture, l'organisateur lui-même, responsable d'une collection de manuels de lecture, "Gafi le fantôme" et Roland Goigoux, professeur à l'ESPE d'Auvergne.
Ce dernier conduit une recherche dans 136 classes de cours préparatoire, soit 2 900 élèves; les résultats devraient être prochainement publiés. Elle porte sur la réalité des pratiques des enseignants au cours préparatoire, lesquelles ne correspondent pas toujours aux manuels employés ou aux principes affichés. Tous deux se sont demandé ce qui motive les enfants dans l'apprentissage de la lecture. "C'est le pouvoir sur les autres", assure Alain Bentolila. "Non, c'est le pouvoir sur soi", répond Roland Goigoux. Mais tous deux ont affiché, point par point, leurs convergences sur l'importance de la lecture à voix haute en maternelle, sur les liens entre intégration du codage et travail de compréhension et surtout sur la nécessité de mettre fin à la guerre des méthodes. Tout dépendrait en réalité de l'apport des professionnels, de ce qu'ils font concrètement et de leur formation.
Roland Goigoux met aussi en évidence le rôle de l'école maternelle. "Selon la recherche en cours, à la rentrée en CP, la variance selon le milieu sociodémographique est de 6% côté lexical grâce notamment à la lecture à haute voix en grande section. Elle de 28% du côté de la compréhension. Les résultats sont différents (selon l'origine des enfants, ndlr), mais on a une réponse : enseigner, enseigner plus". Les enseignants observées par les chercheurs que Roland Goigoux a mobilisés, consacrent en moyenne 6h28 à l'enseignement de la lecture, dont 3h pour l'encodage-décodage et près d'une demi-heure sur la compréhensionce qu'il considère comme correct au regard des 10 heures inscrites dans les instructions officielles. Pour Alain Bentolila, la formation des enseignants doit leur permettre "de ne pas s'en laisser conter avec des ambitions plus grandes que le déchiffrement".
M. Delachair