Formation et recrutement des enseignants : vers "un échec certain" (E. Gentaz, revue ANAE)
Paru dans Scolaire le mercredi 15 janvier 2020.
En ce qui concerne le recrutement et la formation initiale des enseignant.e.s, "on aurait pu s’attendre à une réforme qui allait favoriser les aspects professionnalisants". Mais, "malgré les intentions affichées", la réforme prévue va "dans la mauvaise direction" et annonce "un échec certain du point de vue de la professionnalisation des futurs enseignants", estime Edouard Gentaz dans l'éditorial du prochain numéro de la revue ANAE dont il est le rédacteur en chef. Professeur de psychologie du développement (Université de Genève), il rappelle que seules 40 heures sont actuellement consacrées à l’apprentissage du français et des mathématiques" durant l'année de M2. Comment imaginer qu’un étudiant qui a reçu si peu d'heures de formation concernant ces deux matières puisse l'année suivante proposer des activités pédagogiques pertinentes en lecture et mathématiques à tous les cycles et à tous les élèves" ? Il appelait donc à une réforme "radicale". Pourquoi ne pas s'inspirer des filières santé, "soit un concours académique préalable très sélectif puis une formation académique et pratique en alternance dispensée durant plusieurs années" ?
Mais le fait de placer le concours au semestre 4 du master (au lieu du semestre 2), loin d'améliorer la situation actuelle risque de l'aggraver. Elle va engendrer automatiquement "une pression du concours" qui "aura un impact direct sur les priorités et centrations des candidats" et qui se traduira par "un report des besoins de professionnalisation". Le mémoire était "adossé à la pratique du stage en responsabilité" durant l'année de M2. "Les maquettes en cours de construction le placent en M1 (même s’il sera statutairement validé en M2)" et il sera adossé "à un stage de pratique accompagnée d’un volume maximum de 6 semaines" durant lequel il sera bien difficile aux futurs enseignants de mettre en place "une expérimentation en lien avec une problématique professionnelle" ou "d’analyser leur posture, leurs gestes professionnels et leurs effets".
Edouard Gentaz s'inquiète aussi d'une diminution de l'attractivité du master MEEF (celui qui est préparé dans les INSPE, ndlr) qui va se trouver en concurrence avec d'autres masters. N'est-ce pas "la porte ouverte à des formations par un institut privé" ?
L'éditorial est en accès libre sur le site de l'ANAE (Approche neuropsychologique des apprentissages chez l'enfant) ici. Le n° 163 évoquera les apports des sciences cognitives pour l'apprentissage de la production écrite et de l'écriture à l'école primaire.