Revue de la presse et des sites

L'Ecole est de plus en plus inclusive dans tous les pays du monde, la revue de Sèvres en analyse les difficultés

Paru dans Scolaire le mercredi 24 mai 2023.

La Convention de l’ONU sur les droits de l’enfant (1989) et la Déclaration de l’Unesco à Salamanque sur les besoins éducatifs spéciaux (1994) ont amené de très nombreux pays à adopter des législations "en faveur de l’inclusion des élèves présentant des besoins éducatifs spéciaux". Mais les moyens ne sont jamais à la hauteur des ambitions, estiment Abdeljalil Akkari (U. de Genève) et Jean-Claude Kalubi (U. de Sherbrooke) qui coordonnent le dernier numéro de la Revue internationale d'éducation de Sèvres, consacré à "l’expérience du handicap à l’école : entre représentations, principes et actions".

Ils décrivent "un paradoxe universel" : "Plus les années passent, plus se multiplient des mesures d’aide qui contribuent à réduire les obstacles et incapacités. Pourtant, la plupart des auteurs affichent un sentiment d’insatisfaction, devant un maigre bilan en matière de transformation des situations sur le terrain." Indépendamment de la question des moyens, financiers et en ressources humaines, une question qui "mine le débat" sur le bien-fondé des politiques d'inclusion, se pose celle d'un changement de paradigme. "Alors que les valeurs traditionnelles ou conservatrices sont encore axées sur l’individualisme, l’indépendance et la compétitivité, la culture inclusive voulue pour faire face aux situations de handicap met plutôt l’accent sur la communauté, la collaboration et la communication."

La situation de Melissa, une enfant québécoise souffrant d'une grave déficience auditive illustre bien ce bouleversement. Elle commence par fréquenter une école spécialisée et développe "de solides compétences de communication en langue des signes" quand sa famille choisit de la scolariser dans "une école régulière" pour qu'elle ait davantage d’interactions avec des enfants entendants. Mais "les enseignants et les élèves ne connaissaient pas la langue des signes", la petite fille est isolée, ses notes baissent, elle subit des moqueries. Avec l'aide d'un interprète, elle initie les enseignants et ses camarades à la langue des signes et à la "culture sourde" qui met l'accent sur la communauté plutôt que l’individualisme.

"L’Italie a été un pays pionnier dans l’abandon des classes différenciées pour les élèves à besoins particuliers" et les enseignants "ont considérablement modifié leurs opinions et croyances concernant les élèves avec handicap, qu’ils voient ces élèves comme des personnes à part entière au-delà de l’étiquette ou du handicap (...). Ils ont appris à saisir la valeur de la famille, à ne pas considérer les parents comme envahisseurs, à profiter de leur contribution, sans autre forme de préjugé."

Lors de la présentation à la presse de ce numéro, les deux universitaires sont loin de présenter un tableau idyllique de la situation. Ils notent que ce qui fait "le plus plaisir" à un jeune enseignant, c'est d'avoir "sa" classe, d'être autonome. Or, le travail est devenu de plus en plus collectif, il leur faut accepter un regard extérieur, en France par exemple, celui de l'AESH, il leur faut faire alliance avec leurs collègues, avec la direction de l'établissement, avec les parents tandis que les tâches administratives se multiplient...

Dans de nombreux pays, des législations très ambitieuses ont été adoptées, mais sans que soit réellement posée la question des moyens qu'une société est prête à y consacrer, et les familles qui ont vu ces politiques leur ouvrir des perspectives ont souvent déchanté.

Les deux coordonnateurs se refusent pourtant à tirer un bilan négatif de ce mouvement planétaire. Nous sommes, estiment-ils, dans "une période d'ajustement" des ambitions et des moyens, mais plusieurs points sont acquis, il est à présent généralement admis que tout enfant est éducable, que l'Ecole ne transmet pas seulement des connaissances, qu'elle forme des citoyens, que "l'inclusion est l'affaire de tout le monde, pas seulement des enseignants". Ils ajoutent : "la présence des apprenants handicapés à l’école ordinaire demeure salutaire pour tous. Elle garantit l’expression de leur voix et l’enrichissement de l’expérience sociale collective. Elle aide à maintenir la pression commune dans la lutte quotidienne contre des exclusions et discriminations. Elle appelle la mise en place des 'interventions pédagogiques' spécifiques afin de 'promouvoir la réussite scolaire et le bien-être' pour tous, dans une perspective didactique inclusive qui implique la participation, la citoyenneté active, l’apprentissage par des stratégies coopératives, etc."

Revue internationale d'éducation de Sèvres, n° 92, 173 P., 19€, abonnements et bons de commande ici

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →