Freinet pour enseigner la philosophie en terminale (ouvrage)
Paru dans Scolaire le lundi 21 novembre 2022.
La "méthode Freinet" permet-elle d'enseigner la philosophie en terminale ? Célestin et Elise Freinet ont développé des pratiques pédagogiques pour des élèves d'écoles élémentaires, certains philosophes, comme Michel Tozzi, se sont demandé comment amener des enfants, très jeunes, à philosopher, mais Denis De Casabianca est sans doute le seul professeur de philosophie* se réclamant de Freinet pour préparer des élèves à l'épreuve de philo du baccalauréat général.
Il décrit, de manière détaillée, la conduite de la classe, ses hésitations, les moments de doute, quand, par exemple, il a décidé de ne plus noter leurs copies, le chemin que ses élèves ont parcouru... "Je ressens que l'année passe et que nous avançons dans le programme de philo, les choses deviennent plus concrètes et je comprends de plus en plus pourquoi nous étudions des textes d'auteurs", note ainsi l'une de ses élèves. Dans ces conditions, la dissertation cesse d'être "un exercice scolaire, imposé scolastiquement, elle devient un exercice d'écriture parmi d'autres et tous ces exercices s'éclairent mutuellement pour ce qui nous importe : comment exprimer au mieux nos pensées, comment y voir clair dans ce que l'on veut dire aux autres pour appréhender un problème qui nous concerne tous ?"
Il s'agit donc de passer du "texte libre" cher à Freinet à la dissertation, exercice obligé le jour de l'examen, sans que la philosophie cesse d'être "une manière de penser" et redevienne "une discipline" parmi d'autres. L'auteur n'a-t-il pas choisi une autre forme pédagogique que celle qui a habituellement cours, magistrale, parce qu'il était exaspéré de voir ses "trucs pour faire passer la méthodologie de la dissertation" échouer, "même chez les élèves bien intentionnés". Il doit alors choisir, "soit l'on dit que la philosophie est à elle-même sa propre pédagogie (...), mais alors, que fait-on des élèves qui ne deviennent pas philosophes (...) ? Soit l'on dit que la pédagogie existe en elle-même (...), mais alors il faut bien que le professeur de philosophie reconnaisse qu' (...) il met en oeuvre des pratiques qui n'ont rien de 'philosophiques' en soi." Dès lors il reconnaît "que l'enfant est de même nature que l'adulte", que le maître apprend des autres maîtres "et aussi des élèves" et que les élèves "apprennent de leurs pairs et des maîtres"...
"Apprendre autrement à philosopher, la pédagogie Freinet pour s'émanciper au lycée", Denis De Casabianca, ESF Sciences humaines, 192 p., 24 €
* Quoiqu'il ne se réclame pas explicitement de Freinet, Bernard Defrance lui a ouvert la voie dans les années 90, avec des classes de la voie technologique. Voir notamment Le plaisir d’enseigner, éd. Quai Voltaire, 1992 - rééd. Syros 1997