Recherches et publications

L’Ecole telle qu’on l’a vue pendant le confinement (ouvrage collectif)

Paru dans Scolaire le jeudi 18 novembre 2021.

"Début 2020… tu as décidé de venir en France. Je respecte ta décision. Je te comprends : la France, pays des libertés où convivialité et bien vivre sont les maîtres mots. Mais sache que tu as gâché notre vie et mon adolescence". Ainsi commence la lettre de Lola, 15 ans, destinée au virus et incluse dans "L’Ecole sans école", un ouvrage collectif qui vient de paraître chez C&F Editions.

Comme le souligne l’éditeur, "les articles réunis dans ce livre se veulent des constats, des comptes-rendus vivants de cette expérience Covid" qui a plongé soudainement l’Ecole dans un grand bain du numérique plus ou moins maîtrisé. Il a fallu passer à la transmission des connaissances sur les réseaux, que "la machine marche, que les élèves soient présents derrière leurs écrans" quitte à ce que "les services numériques publics s’écroulent sous la surcharge et que les services privés, plus encore qu’à l’accoutumée, mettent un pied dans la porte de l’Ecole".

Raillant la "continuité pédagogique", l’éditeur affirme que "c’est avant tout de l’isolement physique et relationnel qu’ont souffert les enfants et les adolescents. Et cela plus encore dans les familles dysfonctionnelles, dans les zones blanches de la connexion, dans les familles dont les parents ne pouvaient assurer la prise en charge pédagogique". Ils ou elles sont devenus des "décrocheurs", cette "méthode qui consiste à faire porter la responsabilité sur les victimes", "symbole d’une société qui a perdu de vue la notion essentielle d’empathie".

La forme scolaire

"L’école, c’est l’espace où on apprend le vivre ensemble avec ses points cardinaux : l’amitié, l’empathie, la solidarité, la responsabilité et l’entraide", insiste Gilles Braun, inspecteur général honoraire, qui fut conseiller de Vincent Peillon sur le le numérique. Un espace que le confinement a fait disparaître : "désormais inaccessible, la salle de classe s’est transformée en chambre, cuisine, salon, jardin pour les plus chanceux, seuls ou partagés avec ses sœurs, ses frères, ses parents voire ses grands-parents." Mais la fermeture des écoles, ce n’est pas seulement la fermeture des salles de classes, c’est aussi.la disparition du préau, de la cour de récréation, de la cantine, des couloirs, des salles de permanence… de tout ce "périphérique qui est le supplément d’âme de l’Ecole"

Après ce bouleversement, Gilles Braun s’interroge : "Assistera-t-on à l’installation d’une nouvelle forme scolaire comme le fut, au XIXe siècle, le passage du modèle de l’école mutuelle à celui de l’enseignement simultané ? Une école qui intégrera le ‘distanciel’ à sa juste place, au bon moment ; la classe sera-t-elle renversée avant d’avoir été inversée ?" Stéphanie de Vanssay, professeur des écoles en REP, constate elle aussi que "le côté tout à fait déstabilisant de la situation a fait surgir des questions de fond sur notre Ecole, son sens et son fonctionnement" et que "le numérique est l’arbre qui cache une forêt de de questions".

Au-delà du numérique

Lors de la veille quotidienne qu’elle a effectuée pendant le confinement sur les forums et les réseaux sociaux elle a constaté par exemple que les enseignants voulaient surtout "maintenir le lien" avec leurs élèves, qu’ils ne jugeaient "pas urgent de noter les élèves dans ce contexte", qu’il fallait réguler la quantité de travail, motiver et travailler l’autonomie des élève et surtout ne pas creuser les inégalités… Autant de "questions posées par la continuité pédagogique sans les masquer derrière le numérique". Le numérique dont la place à l’école et dans la société a été une fois encore interrogée : "Notre société est plongée dans l’écosystème numérique qui est devenu dominant", rappelle l’éditeur. "Elle est également appelée à faire face à de nombreuses crises sanitaires ou climatiques, pour lesquelles les compétences et les comportements ouverts, développant l’empathie, l’échange, le soutien mutuels se révèlent fondamentaux".

"L’Ecole sans école", C&F Editions ; 20€

 

Colette Pâris

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