Recherches et publications

Dialogues et controverses autour de l'école (ouvrage coordonné par Eveline Charmeux)

Paru dans Scolaire le jeudi 28 octobre 2021.

"S’il est bien vrai que seul, le politique peut faire changer les choses, alors que, pour mille raisons bien connues, il n’a aucune envie de le faire, et n’en voit pas l’intérêt ; s’il est bien vrai aussi que ceux qui en voient l’intérêt, ce sont ceux de la base (...); alors la solution repose sur les épaules de ceux qui peuvent être les intermédiaires entre les deux, et faire remonter les demandes, jusqu’aux politiques." Tel est le projet de l'ouvrage coordonné par Eveline Charmeux, "Pour que la démocratie entre à l'école".

Ancienne élève de l'ENS, agrégée de lettres, ancienne formatrice en école normale et IUFM, figure du militantisme pour un autre enseignement de la grammaire, de l'orthographe et de la lecture, le domaine pour lequel elle est surtout connue, elle anime un blog, "l'amie scolaire" sur lequel elle réagit avec toute la force de ses convictions à l'actualité, surtout depuis que Jean-Michel Blanquer est revenu comme ministre "rue de Grenelle". Chacun de ses billets provoque des commentaires, le plus souvent mais pas toujours amicaux, qui provoquent à leur tour d'autres commentaires... L'ouvrage propose un choix de ces dialogues et controverses, où se mêlent émotions, réactions à l'actualité des réformes et réflexions de fond sur plusieurs thèmes, les notes et leur possible suppression, la poésie et la place, trop faible, faite dans l'Ecole à la culture,"l'enseignement explicite" et ses illusions, les tests de CP considérés comme "une espèce de crime contre l’humanité enfantine", la note sur l’École maternelle qui a plongé le groupe "dans un profond désespoir"...

La querelle des méthodes de lecture occupe une place importante dans les diverses contributions. Pour E. Charmeux, "enseigner le déchiffrage est un crime contre l’intelligence des enfants du peuple", d'autant qu' "on entretient aussi bien chez les élèves que chez les parents le fait que lire ce serait faire du bruit avec sa bouche". Et surtout, il convient de distinguer "méthode" et "démarche". La première "rigide, servie clés en mains (...), la même pour tous et tous les ans" et "où tout est prévu (...), à commencer par l’absence évidente de l’enfant". La seconde est "un outil souple qui s’adapte aux variations des situations de classe". Pour les contributeurs, il est clair qu' "enseigner la reconnaissance des mots et la compréhension comme deux concepts distincts rend les élèves nuls en lecture".

Ils s'inquiètent du fonctionnement de l'Ecole à la française qui "est censée instruire par mémorisation sans agir, sans échanger, sans donner, sans partager et sans faire : apprendre à lire sans lire, sans bibliothèque et sans correspondant épistolaire, à écrire sans écrire et sans communiquer avec un interlocuteur distant, à faire des opérations de calcul sans rien produire de quantifiable pour personne (...). Dans l’école à la française, rien ne doit être appris qui n’ait d’abord été enseigné. Nul ne doit faire avant d’avoir appris à faire. Aucun enfant ne doit lire avant d’avoir appris à lire."

Mais dès lors, que serait "une école démocratique" ? Comment associer au triptyque "liberté, fraternité, égalité", les mots "solidarité, partage, souci des autres, lesquelles impliquent un fonctionnement largement horizontal" alors que "son fonctionnement reste 'vertical' : les ordres viennent d’en haut, pratiquement sans que la base n’ait réellement le pouvoir de 'faire remonter' des propositions venant d’elle", alors qu' "elle ignore la séparation des pouvoirs : les inspecteurs dont la fonction est de juger les enseignants sont en même temps des formateurs, et le ministre s’arroge le droit d’imposer des méthodes qui sont hors de ses compétences".

Mais "depuis qu’elle existe, l’École (n'est-elle pas) agitée de turbulences, nées d’un conflit, tantôt sourd, tantôt éclatant au grand jour, celui qui oppose deux modèles : celui qui vise l’instauration d’un monde d’adultes libres, riches culturellement, et capables de protéger une démocratie toujours plus ou moins en danger ; celui qui vise l’instauration d’un monde d’adultes bien formés et bien adaptés aux exigences, notamment économiques, de la Société où ils vivent." Et les auteurs en appellent à un sursaut démocratique. ils combinent les formules d’Héraclite et d'Edgar Morin : "Eveillés, ils dorment. Alors, il faut les réveiller, n’est-ce pas ?..."

"Pour que la démocratie entre à l'école, Quelques amoureux de l’école observent, s’interrogent, débattent et proposent...", collectif sous la direction d'E. Charmeux, éditions du Croquant, 256 p., 18€

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