Recherches et publications

Formation des élèves à la démarche scientifique : l'inspection générale identifie les freins

Paru dans Scolaire le lundi 22 mai 2023.

La formation des enseignants du premier, mais aussi du second degré à la démarche scientifique est insuffisante, estime l'Inspection générale de l'Education nationale, des sports et de la Recherche dans un rapport qui vient d'être publié. Les auteurs constatent pourtant que "presque tous les enseignements peuvent être considérés comme contribuant, chacun à sa façon, à la formation des élèves et des étudiants à la démarche scientifique", mais que "cette formation reste implicite, sauf pour les disciplines scientifiques, qui, seules, inscrivent leurs démarches dans une approche qui dépasse leur discipline".

Ce serait l'une des causes des faiblesses des élèves français, que révèlent notamment les comparaisons internationales, alors que "plus de 6 élèves sur 10 déclarent aimer regarder des émissions de télévision, des films à caractère scientifique ou visiter des musées ou expositions scientifiques", que l'appétence est donc là. Il faudrait donc "inscrire dans le corps des programmes (...) des connaissances exigibles relevant de la dimension épistémique de la démarche scientifique (compréhension de la nature et de l’origine des connaissances scientifiques)". Il faudrait notamment "systématiser des questions testant les connaissances épistémiques dans les sujets de DNB".

Les connaissances épistémiques en effet, "même si elles figurent dans les programmes, sont très rarement abordées par les enseignants dans le cadre de leurs enseignements disciplinaires". Au lycée, "les raisons invoquées sont les mêmes que pour le collège", elles ne sont "pratiquement jamais évaluées à l’examen", "les enseignants éprouvent des difficultés à sortir du cadre disciplinaire" et eux-mêmes "maîtrisent insuffisamment la dimension épistémique de la démarche scientifique".

La mission d'inspection générale relève aussi que les enseignements de sciences et de technologie "restent très marqués par les frontières disciplinaires". C'est ainsi, par exemple, qu'au lycée, l' "enseignement scientifique" du tronc commun donne lieu à "un découpage en sous-parties traitées par les enseignants spécialistes de chaque thème, les professeurs de SVT, physique-chimie et mathématiques prenant seulement en charge les éléments thématiques qui relèvent traditionnellement de leurs disciplines respectives. Ces choix, contraires à l’esprit interdisciplinaire des programmes, conduisent à un enseignement très morcelé, avec des professeurs qui ne voient leurs élèves que très peu de temps par semaine". De même, seule une minorité des INSPE (deux sur les six sondés) "déclarent avoir mis en place une UE de formation à l’interdisciplinarité". Le mission propose "d’introduire explicitement l’interdisciplinarité (...) dans les épreuves des concours de recrutement d’enseignants."

Autre cause des mauvais résultats des élèves français, l'insuffisance du temps consacré aux enseignements scientifiques : "Deux heures hebdomadaires sont règlementairement réservées à l’enseignement des sciences à l’école élémentaire, soit un total annuel de 72 heures", mais les enseignants déclarent "ne consacrer que 47 heures en CM1 à l’enseignement des sciences" (contre 67 en moyenne dans l’Union européenne). "Par ailleurs, environ quatre enseignants sur dix mentionnent qu’ils ne réalisent que rarement ou jamais des expérimentations ou des recherches documentaires (...). Parmi les obstacles à la pratique expérimentale, la très grande majorité des enseignants (88%) considère le manque de matériel comme l’obstacle le plus important. L’organisation spatiale de la classe est également un frein pour 75% d’entre eux."

Mais il faut aussi compter avec "une certaine fragilité didactique et pédagogique des professeurs des écoles en sciences et technologie". "60% des professeurs des écoles déclarent n’avoir pas reçu de formation continue en sciences depuis plus de cinq ans." Moins de 15 % des étudiants inscrits en première année de master MEEF premier degré ont "obtenu une licence relevant du domaine des sciences, alors que les trois quarts de ces étudiants ont obtenu une licence de lettres, langues ou SHS", les INSPÉ réservent de 18 à 60 heures à la formation en sciences et technologie sur les deux années de formation.

Le rapport met aussi en évidence la grande hétérogénéité de "la formation à la démarche scientifique reçue au lycée" puisque "plus du quart des lycéens en sont pratiquement exclus", qu'il s'agisse des élèves issus de la voie professionnelle ou de la série technologique relevant du domaine des services : "La mission estime qu’une formation à la démarche scientifique doit être explicitement assurée à tous les lycéens, quel que soit leur parcours."

Enfin les inspecteurs posent la question de la pédagogie : "L'approche pédagogique de la démarche d'investigation a pour ambition d'amener l'élève à être acteur de la construction de ses apprentissages (...). Cette pédagogie s’inscrit dans une approche socio-constructiviste de l’apprentissage" puisque "l’apprentissage n’est pas seulement une affaire individuelle, mais qu’il implique une interaction sociale avec d’autres personnes". C'est pourquoi "le travail en effectifs réduits devrait être généralisé, pour faciliter des activités expérimentales mais aussi pour favoriser le travail collectif" et "laisser plus de place aux débats entre les élèves".

Mais "cette pédagogie est très exigeante pour l’enseignant" qui "doit en effet parfaitement maîtriser la dimension scientifique du sujet abordé (...), être capable de répondre à des questions imprévues (...). D’autres approches, comme celle de la démarche explicite, combinent de façon plus aisément gérable par l’enseignant, une mise en action des élèves autour d’activités expérimentales et l’explicitation de contenus par l’enseignant."

Le rapport (ici) fait 18 recommandations pour lever ces freins au développement de la culture scientifique des élèves.

 

 



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