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Santé mentale des enfants : la Défenseure des droits met en cause l'Education nationale (rapport)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le jeudi 18 novembre 2021.

“Un mal-être structurel, trahissant le niveau d’investissement insuffisant que, de manière récurrente, notre société et ses institutions concèdent au bien-être des enfants.“ Le rapport de la Défenseure des droits sur la santé mentale des enfants est sans appel, tant il multiplie, même si les efforts du gouvernement sont reconnus, les critiques sur la politique menée en la matière.

Claire Hédon indique que 3 000 saisines sont reçues chaque année par le Défenseur des droits concernant les droits et l’intérêt supérieur des enfants. Ces réclamations “dénoncent de manière récurrente le manque de professionnels du soin et de structures adaptées“ : manque de psychologues, de médecins et d’infirmiers scolaires, liste d’attente de plusieurs mois voire années pour intégrer un suivi en centre médico-psycho-pédagogique (CMPP) ou un institut médico-éducatif (IME), manque de places en pédopsychiatrie, fortes disparités territoriales.

Elle ajoute que “les saisines du Défenseur des droits illustrent également la difficulté pour les professionnels, au-delà de leur spécialité propre, d’avoir une approche globale de la situation d’un enfant, notamment du fait d’un manque de coordination de leurs actions“.

De plus, “de nombreuses saisines mettent en cause des violences dites ‘ordinaires‘. En lien avec la culture de la performance et de la discipline, ces violences s’inscrivent souvent dans des méthodes d’enseignement rigides, voire archaïques (…). Sans prendre les mesures qui s’imposent (évoquer les faits avec le professeur, lui rappeler ses obligations professionnelles, mettre en place un tutorat, voire prendre une mesure conservatoire de suspension si les faits allégués sont suffisamment vraisemblables et graves, etc.), trop d’établissements tendent encore à banaliser les violences qui leur sont signalées.“

“Il apparaît régulièrement, note la défenseure des droits, que peu d’attention est accordée au ressenti des enfants et à leur état psychologique, en particulier les plus jeunes enfants, qui sont souvent attachés à leur enseignant et peuvent être très affectés par un défaut d’attention ou de considération de sa part.“ Elle recommande aux services départementaux de l’Éducation nationale “de faire preuve d’une diligence accrue pour assurer aux enfants concernés par la violence physique ou morale d’un enseignant une possibilité de suivi psychologique par des professionnels de santé formés à cet effet“.

En matière de harcèlement, alors que 700 000 enfants en sont victime chaque année, les observations recueillies auprès des professionnels de l'éducation “illustrent leur manque de formation dans le repérage des faits et leurs difficultés à se saisir des protocoles à leur disposition afin de les appliquer aux situations d’espèce. S’y ajoutent la réticence des professionnels à intervenir parallèlement à une procédure pénale en cours et leur refus de prendre des mesures lorsque les faits dont l’élève est victime se poursuivent en dehors du cadre scolaire. Or, les situations de cyberharcèlement, par leur nature (anonymat, ininterruption spatiale et temporelle des violences sur la victime, sentiment d’impunité), peuvent entraîner des conséquences d’autant plus lourdes sur l’enfant.“

La Défenseure des droits observe une augmentation du nombre de saisines concernant des enfants transgenres qui peinent à faire accepter, avec bienveillance, leur identité dans le contexte scolaire. Ces difficultés se rencontrent aussi bien à l’égard des autres élèves (rejet, injures, harcèlement, discriminations) que de l’institution elle-même, qui ne parvient pas toujours à les accompagner dans leur nouvelle identité. Elles peuvent être sources de décrochage et de troubles ou de détresse psychologiques.

“Dans un département comme Mayotte, il n’existe qu’un seul médecin scolaire pour plus de 106 000 écoliers, collégiens et lycéens (chiffres 2021 publiés par l’académie l’occasion de la rentrée).“ La médecine scolaire et le service social scolaire sont également matière à critique. La Défenseure des droits observe “non seulement que leurs effectifs sont très largement insuffisants pour couvrir la totalité des besoins des enfants, mais qu’ils ont également globalement reculé (69% de taux d’occupation des postes de médecins en 2020 contre 83% en 2013, soit 14 points en moins à l’échelle nationale). En outre, dans le premier degré, la présence de médecins, psychologues, infirmières scolaires ou assistante sociale est résiduelle, ce qui peut être particulièrement préjudiciable pour les enfants, notamment s’agissant de situations de harcèlement ou violences.“

Interrogés, les enfants font notamment “mention de la pénurie des structures, des listes d’attentes pour pouvoir bénéficier de soins, des obstacles rencontrés par les enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance, du manque d’adaptation de la prise en charge.“ L’école est mentionnée “comme un environnement source de difficultés, affectant leur santé mentale : la pression scolaire, l’échec scolaire, le nombre d’heures de cours, des effectifs trop importants, les relations avec les équipes éducatives parfois difficiles, le manque de soutien pour construire son avenir, les situations de harcèlement qui ne sont pas bien prises en charge.“

Même si est noté un début de prise en compte par les pouvoirs publics, “les annonces attendent encore d’être concrétisées, dans un contexte où les moyens envisagés, ‘humains‘ notamment, avec le recrutement de 400 postes dans les centres médico-psychologiques, soit 4 postes par département, sont en décalage avec les manquements constatés sur le terrain.“

Le rapport propose par ailleurs un focus sur les effets de la crise sur la santé mentale des enfants, et soumet 29 recommandations, comme celle d'augmenter les moyens accordés au réseau de protection maternelle infantile ainsi que le nombre de centres sur le territoire de chaque département“, face à “un enjeu de société aujourd’hui pour les adultes de demain“. La défenseure des droits propose notamment de “faire réaliser une étude approfondie sur le phénomène et les conséquences de toutes les formes d’addiction liées aux écrans, dans l’objectif de mieux cibler et d’adapter les campagnes de communication à destination des familles, des enfants et des professionnels.“

Le rapport “Santé mentale des enfants : le droit au bien-être“ ici

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