Petite enfance » Actualité

Le service public de la petite enfance, des petites avancées et de grandes incertitudes (ouvrage)

Paru dans Petite enfance le mercredi 23 août 2023.

En matière de politiques publiques, le secteur de la petite enfance est “très certainement celui qui a connu les évolutions les plus caractéristiques ces dernières années“, explique Martine Long dès l'introduction de son ouvrage paru en mars dernier.

En 2019 étaient comptabilisées en France quelque 1 345 700 places d'accueil pour les jeunes enfants. Mais 61 % des tout-petits sont toujours pris en charge la majeure partie du temps par leurs parents. Or, “derrière les modes d'accueil, ce sont la place de la femme dans la société et la construction identitaire de l'enfant dans son environnement qui sont en jeu“, poursuit-elle.

La spécialiste du droit du service public et de l'action sociale explore alors les arcanes et les difficultés de ce qui représente le service “public“ de la petite enfance, un terme lui même assez ambigu car faisant davantage référence “à un système de valeur“ qu'à une conception précise qui se matérialise comme pour la justice.

Suivant l'évolution de la société, et notamment le développement du travail féminin, ce “service“ est né dans les années 70 avec le remplacement des nourrices par la création de crèches parentales dans le but d' “offrir une réponse coordonnée et dans un objectif militant“, raconte l'universitaire. Elles ont été reconnues par l'Etat en1981, suivies par la création un an plus tard des crèches, haltes-garderie ou autres multi-accueils par les communes, mais toujours de manière facultative. Le secteur est libéralisé au privé lucratif en 2004, quand est décidée l'ouverture des aides à la CAF à des grands groupes et des hôpitaux dans le but de répondre aux horaires atypiques de certains personnels.

Les considérations financières

Aujourd'hui, il s'agit donc de “répondre aux besoins des parents“ tout comme à 'importance de la “socialisation“ et de l' “éducation“ des enfants, mais Martine Long constate la complexité d'un système où coexistent plusieurs acteurs aux stratégies et statuts différents. Ainsi, constate-t-elle, du côté des pouvoirs publics le service dédié à l'accès au mode d'acceuil “reste trop largement soumis à des enjeux de régulation et d'objectifs fixés dans le cadre de conventions d'objectifs (COG) et de moyens signées entre l'Etat et la CNAF“ tandis qu' “à l'échelle locale, les considérations financières priment bien souvent dans les analyses.“ D'ailleurs, les résultats de la COG 2013-2017 “ont été décevants sur le volet action sociale“ et le nombre de places créées “a été bien en deçà des objectifs“ surtout en raison de la baisse des dotations aux collectivités. De même, l'objectif de 30 000 places créées de la COG 2018-2022 n'a pas non plus été atteint, moins de la moitié d'entre elles ayant vu le jour sur la période.

“Malgré un discours politique volontariste, le fait est que les modes de garde qui se développent aujourd'hui bénéficient essentiellement à des familles disposant de ressources confortables“, estime l'universitaire. En effet, actuellement 55 % de l'offre d'accueil se fait à destination des assistantes maternelles, mais le nombre de places offertes par celles-ci diminue et le secteur connaît des difficultés de renouvellement. Les EAJE représentent 35 % de l'accueil, le mode collectif étant le souhait que les familles plébisciteraient davantage de nos jours, mais pas celui qui progresse le plus. Si sa part du marché n'est que de 18 %, plus de trois quart des nouvelles places seraient dans le secteur du privé lucratif.

Mais alors, “comment aujourd'hui construire une politique publique de la petite enfance et quels moyens de régulation sont offerts aux élus“ ?

Le problème est qu'il n'existe pas de service public global obligatoire de la petite enfance, qui ne constitue pas non plus un droit opposable, car une telle création “répond à une logique spécifique mais ne donne pas en soi l'accès à une place“ : “il s'agit de prendre acte des défaillances du système afin d'imaginer une mesure compensatrice et faire pression sur les acteurs afin de créer un cercle vertueux qui amènera à trouver des solutions."

Mais l'on constate “une dichotomie entre les objectifs nationaux en termes de création de places et les modes d'organisation à l'échelon local“. Et malgré les affirmations politiques, les contraintes budgétaires pour les collectivités territoriales entraînent une hiérarchisation des priorités, et une logique gestionnaire qui “prend aujourd'hui le pas sur le terrain sur les enjeux sociaux et éducatifs“.

Faisant état de 59 places d'accueil pour 100 enfants “avec des inégalités territoriales difficiles à justifier aujourd'hui“, pour l'auteure “les chiffres montrent que l'ambition (politique) n'est pas toujours suivie d'effets“ et que les textes “ne mettent pas toujours l'enfant au cœur du dispositif“. Si “les résultats en termes de création de place, de dynamiques territoriales et de réflexion ne sont pas à la hauteur des objectifs“, c'est bien la pluralité d'acteurs et l'inflation normative qui expliquent en grande partie les difficultés de mise en cohérence des discours et de la pratique.

Pour y remédier, on notera le souhait des pouvoirs publics “d'aller vers une logique de réponse aux besoins des familles par la création d'un guichet unique et également par l'imposition d'exigences communes, quel que soit le statut de l'opérateur“. Il s'agit encore de publier en ligne les critères d'attribution des places, “avancée certaine“ mais qui n'est “pas effective à ce jour“ commente Martine Long. Car “malgré le souhait de mettre en place une gestion partenariale, la complexité demeure et la régulation peine à atteindre les objectifs qui lui sont assignés.“

Le service public de la petite enfance, Martine Long, éditions Berger-Levrault, 192 pages, 35 euros.

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →