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Ciivise : Face au fléau de l'inceste, des témoignages bouleversants qui pressent à agir

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice le jeudi 22 septembre 2022.

“J'ai passé 10 ans dans le noir“ ; “Les viols se passaient alors que ma grand mère était juste à côté“ ; “Aujourd'hui je suis comme invalide“ ; “Les actes sexuels ont commencé, j'avais tout juste 15 ans“. Ces paroles déchirantes sont celles de femmes et d'hommes qui sont venus témoigner hier 21 septembre lors d'une des réunions publiques ouvertes une fois par mois en France par la Ciivise, et à laquelle ToutEduc a pu assister.

Le 21 septembre, une date justement symbolique car il y a tout juste un an en effet, la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants lançait son premier appel à témoignages. Résultat, une parole qui se libère, et en an selon le dernier bilan de la Ciivise, ce sont en tout 16 414 témoignages qui ont été recueillis (6 754 appels, 2 850 mails et courriers, 6 526 questionnaires et 284 témoignages lors de réunions publiques).

Elle rappelle que 5,5 millions de femmes et d'hommes auraient été victimes de violences sexuelles dans leur enfance, soit environ une personne sur dix en France. 90 % des victimes sont des femmes, et 13 % sont en situation de handicap.

“Depuis l'âge de 4 ans j'ai été condamnée à me taire“

La commission a constaté que les actes sexuels débutent très tôt (25 % des victimes avaient moins de 5 ans au moment des faits), se réitèrent et perdurent, en particulier lorsqu’ils se sont produits dans le cadre de la famille ou de l’entourage proche. Elle ajoute que dans l’entourage proche et au sein des institutions, “les agresseurs usent de la relation de confiance établie avec la jeune victime pour commettre des violences sexuelles“. Ceux-ci sont le plus souvent un membre de la famille (dans 81 % des cas) ou de l’entourage proche (22 %) ou d’une institution (11 %), certaines personnes ayant été victimes plusieurs fois dans des contextes différents. Dans les cas d’inceste, lorsque la victime est une fille, l’agresseur est le plus souvent le père, le grand frère/demi-frère, l’oncle, le grand-père, le cousin, le beau-père.

Souffrance

Pour la Ciivise, ces témoignages constituent 'un “mouvement d’une ampleur exceptionnelle qui montre à quel point cet espace était nécessaire“ et dont l'analyse “conduit aujourd’hui à insister sur les souffrances exprimées par les femmes et les hommes qui ont été victimes de violences sexuelles dans leur enfance".

Sont en effet évoquées, conséquence des violences subies, “des souffrances encore contemporaines et vives qui s’immiscent dans toutes les sphères de l’existence“, sur la vie familiale, affective et sexuelle, sur la santé psychique et physique ou encore sur les études et le travail et ce tout au long de la vie. Car “il ne s’agit pas d’un souvenir lointain, que l’on pourrait facilement oublier, poursuit-elle, mais d’un présent perpétuel de la souffrance qui rend toujours contemporaine la trace du passage à l’acte.“

Une réalité et une gravité dans la souffrance qui “appelle une prise de conscience collective pour mettre en œuvre les mesures permettant de lutter contre l’impunité des agresseurs, de restaurer les victimes et de prévenir les violences sexuelles afin que les enfants puissent grandir en sécurité.“

“Je veux parler pour sortir de la culture de l'inceste“

A travers leurs témoignages, les victimes expriment tout, leur vécu, leurs émotions, mais aussi leur rage et leurs incompréhensions. Cette femme estime qu' “on est dans un système qui broie la victime“ tandis que pour cette autre “vous vous adressez à des gens, ce sont des murs“. “C'est beau vos préconisations, mais sur le terrain y'a personne pour les appliquer“, dira plus tard une autre femme.

La Ciivise explique en effet dans son rapport que pour protéger les victimes, il faut “aller les chercher“, ce qui sous-entend avoir des professionnels spécialisés et formés. Elle indique que “la mise en sécurité de l’enfant implique une réponse pluri-disciplinaire médicale, psychologique, socio-éducative et juridique qui doit le plus souvent être donnée dans l’urgence“, aussi des conseils doivent pouvoir être donnés par une cellule de soutien disponible par téléphone sur l’ensemble du territoire national, “or les professionnels sont souvent isolés et auraient avantage à bénéficier de conseils et d’outils partagés lorsqu’ils et elles sont confrontés à des situations d’enfants victimes de violences sexuelles, et notamment d’inceste". Avec seulement 5,7% des appels au 119 qui en 2020 provenaient de professionnels, “il est essentiel que soit créée une cellule nationale de soutien aux professionnels confrontés à des situations d’enfants victimes de violences sexuelles“, préconise la commission.

Plus globalement, elle considère que la mise en oeuvre de cette stratégie de protection ambitieuse “nécessite le renforcement des moyens humains dans tous les espaces de vie fréquentés par les enfants : médecins et infirmier.e.s scolaires pour les entretiens de dépistage, assistant.e.s sociaux.ales, éducateur.rice.s, ce qui passe également par la formation initiale et continue de tous ces professionnels.“

Mais surtout, la prise de conscience de la société “doit aller jusqu’à l’exigence de réparation à laquelle ces enfants ont droit, même s’ils sont devenus adultes“, ce qui passe notamment par le soin. Pourtant, de nombreuses personnes ont affirmé qu’elles avaient dû renoncer aux soins pour elles-mêmes ou pour leurs enfants pour des motifs financiers.

Premières mesures

A noter que le gouvernement a annoncé le même jour la mise en place de cinq premières mesures, sur les 20 que préconise la Ciivise, pour “lutter contre l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants“. Pour “mieux prévenir et repérer les violences“, la Secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance promet la mise en œuvre d’une grande campagne nationale sur les violences sexuelles faites aux enfants et la création d’une cellule de conseil et de soutien pour les professionnels destinataires de révélations de violences sexuelles de la part d’enfants. Éric Dupond-Moretti annonce lui, dans le but de “mieux accompagner et prendre en charge les enfants victimes“, que sera déposée au Parlement “une modification législative permettant le retrait de principe de l’exercice de l’autorité parentale en cas de condamnation d’un parent pour violences sexuelles incestueuses sur son enfant“. S'y ajoute “l’accompagnement de l’enfant, de façon personnalisée et attentionnée, tout au long du processus pénal par les associations d’aide aux victimes et avec l’intervention d’un administrateur ad hoc, en cas de défaillance parentale“. Enfin, le ministre de la santé et de la prévention “prévoit le déploiement sur l’ensemble du territoire national des unités d’accueil et d’écoute pédiatriques (UAPED)“.

Le rapport de la Ciivise ici

Les mesures gouvernementales ici

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