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Avec la pédagogie semi-plein air, “les enfants développent plus d'émotions“ et “les coopérations durent plus longtemps“ pour la chercheuse et éducatrice Valérie Roy

Paru dans Petite enfance le vendredi 14 janvier 2022.

“On se réorganise tous les jours, parce qu'on travaille avec la nature“ confie Valérie Roy alors que le froid de janvier glace les oreilles et empêche les enfants de sa halte-garderie “plein air“ d'aller dehors en ce jour. Au fin fond du 17ème arrondissement, non loin des ateliers Berthiers, la structure “P’tit jardin“ qu'elle dirige depuis 10 ans peut accueillir jusqu'à 26 enfants (en journée ou demi-journée) allant de 12 mois à 3 ans, avec un jardin de 150m2 surplombé d'un grand chataîgnier. Mais surtout, est ici développée une pédagogie “en extérieur“ que Valérie Roy a étudiée sous son autre casquette, de chercheuse cette fois.

Lors de la préparation de son Master 2 en sciences de l’éducation (U. Paris 8), la responsable Eje (éducatrice de jeunes enfants) cherche à améliorer la connaissance de l'impact des haltes-garderies semi plein air sur le développement de l'enfant. Elle raconte un phénomène actuellement en expansion (20 créations de structures similaires seraient en cours à Lyon), pas seulement en raison de la pandémie, de transformations urbaines ou d'aspirations écologiques, mais qui a surtout déjà existé. De 1907 à 1945, de nombreux établissements plein-air vont en effet fleurir en France pour éradiquer la tuberculorse. Jusqu'à 500 seront comptabilisés avant la guerre et le passage à des gouvernements de droite. “Je pense qu'ils ont confondu naturisme avec plein air, explique-t-elle. Ils avaient le souci de protéger le corps de l'enfant.“ La France abandonne cette pratique pédagogique, au contraire de pays comme l'Allemagne, l'Italie ou la Suède.

Pourtant, le fait d'inverser la logique pour passer à 80 % du temps en extérieur et 20 % à l'intérieur change la vision de l'enfant, de son apprentissage, et de toute sa compréhension. “Ce ne sont pas le mêmes comportements“, explique Valérie Roy. “Les enfants pleurent plus quand on rentre que quand on est dehors“. L'éducatrice de jeunes enfants, qui cite volontiers en référence la pédiatre Emmi Pikler, insiste sur l'importance du bruit que l'on retrouve dans un intérieur, notamment pour les professionnelles, avec jusqu'à 105 décibels pour un seul enfant qui crie.

La chercheuse constate les différences que les deux types de structures engendrent sur les professionnelles, car en intérieur, “travailler dans le brouhaha est très épuisant“ tandis qu'en extérieur “le management est différent, on crée un lien nourri par l'émotion et l'apaisement“.

D'ailleurs, elle considère qu'être à l'intérieur induit une pédagogie du contrôle des enfants, du calme, avec une forte idée d'oppression. “On enferme le petit depuis le départ, dès la création de la crèche ouvrière“, ajoute-t-elle, tandis que dans le jardin au contraire, “tout est proposé, rien n'est imposé, on laisse l'enfant être auteur de son activité“. Il y a de nombreuses activités similaires à celles pratiquées en intérieur (dînette, etc.). Il y a des ateliers de motricité fine, des ateliers “terre“ en contact ou en rapport avec la nature (faune et flore). L'agrément donné par la PMI, comme pour la température minimale permise pour laisser sortir les enfants, soumet la halte-garderie à certaines contraintes en ce qi concerne aussi les animaux ou les arbres, par exemple fruitiers.

“Le plus grand pédagogue, c'est la nature“. Les résultats de son étude, réalisée sur deux structures plein air et une témoin, montrent que “les enfants développent plus d'émotions en extérieur qu'en intérieur“ mais aussi plus de liberté. Valérie Roy constate également que “les coopérations durent plus longtemps“, qu'il y a moins d'énervement dehors où les enfants sont plus sereins. De plus, ils marchent beaucoup, donc se musclent davantage, et s'intéressent aux insectes, alors que les enfants sans contact avec la nature ont un “champ d'investigation sensoriel plus réduit“.

Valérie Roy mène actuellement un nouveau travail de recherche concernant l'accueil des enfants en plein air. Elle a publié cet été un ouvrage intitulé “Petite enfance et plein air, potentialités en crèche et halte-garderie“ (éditions Chronique Sociale).

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