Petite enfance » Actualité

Petite enfance : les sénateurs témoins des souffrances des professionnels

Paru dans Petite enfance le dimanche 19 mars 2023.

“Actuellement, les professionnels de la petite enfance sont en souffrance par rapport aux conditions de travail dans lesquelles ils sont“, estimait mercredi 15 mars au Sénat Cyrille Godefroy, co-secrétaire général du syndicat national des professionnels de la petite enfance (SNPPE).

Interrogés par la délégation aux droits de l'enfant sur la situation de l'accueil du jeune enfant, plusieurs syndicats et associations représentant les acteurs de terrain ont à plusieurs reprises évoqué l'importance d'un revalorisation salariale pour les professionnels, afin de faire face au manque d'attractivité de métiers qui souffrent d'une pénurie de personnel.

Salaire

Exemple avec les assistantes maternelles, dont le salaire est de 1 319 euros en moyenne par mois, avec néanmoins de grandes disparités, certaines pouvant gagner 3 000 euros net quand de nombreuses ne vont pas jusqu'au SMIC dans différents secteurs ruraux. De plus, ajoute Marie Noëlle Petitgas, de l'association nationale des assistants maternels, assistants et accueillants familiaux (ANAMAAF), “cela correspond à 50 heures hebdomadaires de travail, donc ramené au taux horaire on est très très en dessous du salaire minimum.“

Nadine Pradier, de la fédération des particuliers employeurs (FEPEM), a de plus souligné le “défi d'ampleur“ que représente le vieillissement de la population des assistantes maternelles, dont 44 % vont partir à la retraite d'ici 2030.

Encadrement

La qualité de l'accueil passe aussi par le taux d'encadrement. En France, a expliqué Pierre Suesser, du syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI), il serait hérité d'après guerre, avec un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas, un pour huit qui marchent. Or depuis la réforme de septembre 2021 les gestionnaires peuvent passer au taux de un pour 6 quel que soit l'âge de l'enfant, ce qui l'a “choqué“ car il se demande comment il est dans ce cas possible de “répondre aux besoins individualisés des enfants“. Il ajoute qu'en Allemagne ils sont à 1 pour 4 enfants, au Danemark 1 pour 3.. et se dit intéressé par le taux de un professionnel pour cinq enfants quel que soit l'âge, comme proposé par la commission des 1000 premiers jours.

Formation

Il a également été question de l'arrêté pris au mois de juillet dernier et qui permet aux professionnels sans qualification petite enfance de venir renforcer les équipes. Si selon la présidente de la délégation il a été mis en place pour cadrer une pratique déjà répandue et “ralentir le recours anarchique aux professionnels non formés“, pour Cyrille Godefroy “une formation minimum ne peut pas se cantonner à 120 heures sur le terrain accompagné par des professionnels qui sont eux-même en grandes difficultés de travail puisque déjà en pénurie d'encadrement.“

Brigitte Prévost (ANPDE, Association nationale des puéricultrices(teurs) diplômé(e)s et des étudiants) fait savoir que les 22 000 puéricultrices en exercice sont déjà infirmières et spécialisées en pédiatrie. Aussi “il serait intéressant que l'on soit considérées en tant qu' ‘infirmiers en pratique avancée‘ (IPA) avec un formation qui soit amenée à 2 ans. Il y a réservoir de professionnels qu'il ne faut pas négliger et que vous pourriez même utiliser, surtout dans des secteurs où il n'y a plus de médecin en milieu rural ou dans certaines poches où il n'y a pas de référence de proximité en matière de santé pour les familles et leurs enfants.“

Attractivité

“9 mois pour avoir l'agrément c'est beaucoup trop long“. Est entre autres demandé par l'association nationale des assistants maternels assistants et accueillants familiaux (ANAMAAF) la création d'un service indépendant et neutre, d'octroi, de suivi, d'agrément et de gestion sous l'autorité du préfet, afin de raccourcir les délais d'instruction des dossiers.

Ce constat d'une profession en souffrance s'ajoute au manque de places pour accueillir les jeunes enfants. En préambule de cette table-ronde, Perrine Goulet, présidente de la délégation aux droits de l'enfant, constatait notamment que “40 % des enfants ne bénéficient pas de solution“ de garde et que “l'offre demeure inégale sur tout le territoire. On voit de grosse disparités notamment en Guyane où on offre 10 places pour 100 enfants de moins de 3 ans tandis que la Haute-Loire en propose 87.“

Parents

Pour Philippe Dupuy, de l'association des Collectifs Enfants Parents Professionnels (ACEPP), il faut que les parents “soient au cœur du système, un interlocuteur reconnu vis à vis des professionnels, notamment dans les commissions d'attribution des places. Ca se fait entre professionnels, en catimini et à aucun moment un représentant de parents n'est présent pour éviter ne serait-ce que certains propos parfois un peu désagréables“. Il considère en outre que l'on devrait “les intégrer à des moments-clefs de la formation des professionnels, avoir à un moment un témoignage de ce que c'est qu'un parent de jeune enfant, quelles sont leurs difficultés.“

Par ailleurs, il décrit chez les parents un système “évolutif“ entre des idées de mode d'accueil avant la naissance, souvent une crèche, mais quand il va naître finalement ils préféreront une assistance maternelle, puis au bout de 6 mois ils auront envie de changer. Cependant “à aucun moment les politiques publiques ne trouvent le moyen de s'adapter rapidement, cela demande une flexibilité énorme et d'accepter que des structures ne fonctionnent pas à 100 %, à aucun moment on ne sécurise le système qui fait que ce n'est pas grave qu'une assistante maternelle n'a que deux enfants, on va maintenir l'offre à niveau pour être en capacité de répondre à un besoin des parents“. La valorisation de la diversité des modes d'accueil est soutenue par les représentants de professionnels, mais elle ne doit selon eux pas se faire au détriment de la qualité, avec une prestation de service visant simplement à proposer des places quelle que soit la place.

Le Service public de la petite enfance (SPPE)

Bruno Roy, de la CASAMAAF, tout comme Marie Noëlle Petitgas, de l'ANAMAAF, déclarent souhaiter un service public de l'enfance, plus global, c'est à dire qui ne serait pas restreint à la petite enfance.

Une bonne entrée, selon Alexandra Andres, de l'UNIOPSS, serait d'avoir “un droit universel pour les enfants d'être accueillis et à grandir dans le respect de leurs besoins quel que soit la situation des familles et le point du territoire sur lequel on se situe". L'objectif quantitatif de création de 200 000 places d'accueil (un chiffre sous-estimé selon plusieurs représentants, qui voient plutôt le double, ndlr), est pour elle important mais “paraît assez réducteur“, alors que ce serait “l'occasion pour notre société de prendre mieux en compte les jeunes enfants, leurs besoins, leurs rythme, leurs parents, etc.. ce qui appelle à dépasser le seul enjeu de conciliation vie familiale-vie professionnelle dans cette réflexion.“

Quant aux concertations qui ont lieu au niveau des territoires, c'est pour Philippe Dupuy “une organisation sur laquelle on a du mal à s'associer car elles sont très locales, il y a beaucoup de difficultés à s'y intégrer, à rentrer dans les thématiques telles qu'elles sont conçues“, à savoir, précise Alexandra Andres, “sans doute pour des questions de méthodologie, de manière un peu morcelée (foncier, pénuries...)“ et sans recevoir beaucoup d'informations.

Le handicap

Par ailleurs, le SPPE “devrait permettre l'accueil de tous les enfants en situation de handicap ou atteints de maladie chronique“, propose Pierre Suesser, du syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI) et devrait se donner les moyens de les accueillir en respectant leurs besoins singuliers, par exemple avec des aménagements tels que prévoir des auxiliaires de puériculture formées à cet effet en crèche, et la question se pose chez les assistantes maternelles, beaucoup le font depuis longtemps elles ont besoin d'être soutenues, c'est parfois fait mais très insuffisamment.“

A cela s'ajoute qu' “il n'y a plus de places“ dans les services spécifiques, déplore Brigitte Prévost, de l'ANPDE. Elle raconte avoir rencontré une députée en Ile-et-Vilaine qui a mis plusieurs mois pour trouver une place à un enfant handicapé.

La vidéo ici

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →