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Les cités éducatives, un fonctionnement “partiel“ ? (INJEP et OZP)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture, Orientation le vendredi 22 mars 2024.

Le nouveau rapport de l'INJEP sur les cités éducatives, publié vendredi 22 mars, fait état d'une “mise en œuvre partielle de l'alliance éducative“. Il est par exemple question d'une “absence“ ou d'une “implication secondaire“ d'acteurs institutionnels centraux (caisses d’allocations familiales, conseils départementaux, Région, agences régionales de santé…) dans les instances de pilotage, faisant courir “un risque que l'offre de la cité éducative se développe en parallèle d'autres offres ou de manière partielle".

Pourtant, cette alliance constitue l’un des objectifs principaux du programme, qui doit rechercher la consolidation d’une communauté éducative autour des professionnels de l’éducation et de l’enseignement, des parents, des services de l’État, des collectivités, des travailleurs sociaux, des associations et des habitants... L'objectif étant d’assurer la continuité entre ces acteurs, les espaces ainsi que les temps scolaires et périscolaires qui composent le parcours des enfants et des jeunes.

Alliance éducative

Mais faute de temps, les territoires “peinent à construire des approches territoriales de dimensions clés comme la continuité éducative, la place des parents ou l'insertion“, c'est pourquoi les institutions feraient “plutôt valoir leurs priorités en termes de politique éducative“, pouvant entraîner “un manque de cohérence de l'offre et une dilution des actions et des objectifs“.

Quant aux partenariats existants, ils se “renforcent indéniablement“ du fait des nouvelles actions en la matière, mais “principalement dans des cadres préexistants“. Il s'avère par exemple que “la mobilisation des acteurs économiques et de l'emploi dans la réflexion et la mise en œuvre du programme est encore relativement limitée“.

Les partenariats sont également l'objet de “rapports de force“, tensions, logiques de concurrence, ou autres rapports de domination “qui peuvent accompagner le développement de partenariats mis en place dans des contextes territoriaux et historiques variés“. Les rapporteurs évoquent d'ailleurs “une asymétrie entre acteurs de l'Education nationale et acteurs de l'Education populaire (au détriment de ces derniers) dans certains contextes.“

Déstabilisation

Si l’un des objectifs des cités éducatives est de “favoriser la construction de politiques locales adaptées au territoire“, notamment par le biais d'orientations nationales “volontairement assez larges pour laisser aux acteurs territoriaux la possibilité de se les approprier“, celles-ci ont plutôt eu pour effet de “déstabiliser une partie des territoires“ qui à l'inverse “craignent de ne pas répondre à toutes les attentes nationales et ne s’autorisent pas toujours à prioriser les actions en fonction des ressources et du contexte local.“

L'analyse des 80 premières cités ferait ressortir une très forte hétérogénéité des thématiques d'actions proposées, même si priment la culture (26 % des actions développées en 2022) et la citoyenneté (22 %). De plus, le développement de ces actions, au vu de leur nombre et de leur diversité “ne s'accompagne pas toujours de la recherche d’une plus grande cohérence des actions ou d'une plus forte priorisation autour d'enjeux partagés“, ce qui peut se traduire par un manque de “lisibilité“.

La pérennisation d'actions déjà existantes

Concernant l'offre éducative, est observée “une évolution essentiellement quantitative de l'offre“, que ce soit par la “pérennisation d'actions déjà existantes, l'élargissement des publics ou des territoires de mise en œuvre ou encore le développement de ‘nouvelles actions‘ qui semblent néanmoins relativement ‘classiques‘ au regard des registres investis habituellement.“

Les actions envers les familles ont “encore tendance à se situer dans une perspective verticale de montée en compétences plutôt que dans une perspective horizontale de valorisation de leurs compétences“, tandis que la continuité éducative “s'organise avant tout en fonction des objectifs, normes et référentiels scolaires“. La place que les thématiques liées à l'insertion-orientation occupe dans les programmations “reste très inégale“ d’une cité à l’autre, de même que “les actions en termes d'insertion ou ciblant les jeunes NEET sont globalement peu développées.“

La dimension de “parcours“ de la naissance à l’insertion professionnelle est “peu mise en œuvre“ poursuivent les rapporteurs, et les actions restent prioritairement centrées sur le public scolaire. Elles sont “avant tout orientées vers un public de collégiens (12-16 ans)“, “reflétant le rôle confié aux principaux de collège“.

Ampleur

Si les actions sont assez nombreuses (près de 35 actions en moyenne dans chacune des 80 cités éducatives de la première vague, mais avec une grande variabilité), elles auraient le défaut de “manquer d'ampleur“. En effet, elles “s'appuient sur un budget annuel moyen d’environ 12 300 €“, ciblent “un nombre de participants pouvant être assez restreint“ et certaines “restent assez ponctuelles (une à trois séances proposées au cours de l'année), questionnant la possibilité d'induire des effets à long termes.“

Côté professionnels, des effets sur les pratiques professionnelles sont bien soulignés, comme le renforcement de l'interconnaissance, une meilleure coordination ainsi que d’une plus grande capacité à travailler en transversalité autour d'un projet, seulement dans la plupart des cas, “les postures et les pratiques professionnelles n'évoluent que peu ‘en profondeur‘ dans la mesure où les occasions d'engager des réflexions de fond sur ces dernières sont finalement assez réduites.“

Insuffisance des “ressources en ingénierie“

En ce qui concerne la place des familles, une des principales carences identifiées est un déficit en moyens humains qui se traduit par “un manque d’ambition pour beaucoup d’actions déployées (caractère novateur, dimension interinstitutionnelle…) et “un risque d’essoufflement, voire d’épuisement des professionnels impliqués dans le pilotage et la mise en œuvre (lorsqu’ils assurent ces fonctions en parallèle de leurs missions habituelles)“.

Le rapport ici

A noter que Mercredi 20 mars, l'OZP organisait une rencontre pour dresser un bilan des cités éducatives près de 5 ans après leur lancement. Aujourd'hui, 208 sont recensées en France et leur généralisation est annoncée pour 2027. “Cette politique continue de se développer, de s'étendre alors que la politique en matière d'Education prioritaire est dans un angle mort du ministère“ a d'ailleurs souligné son président, Marc Douaire.

Un spécialiste de la politique de la ville faisant partie du pilotage d'un cité éducative était invité pour discuter de leur évolution. Il a fait valoir la volonté de s'engager pour six années, donc sur un temps long avec pour priorités l'école et l'emploi mais aussi l'accès aux services publics, d'autant que l'école représenterait le seul service public dans certains quartiers. Si au début les élus locaux “ne sont pas rentrés de plein pied“ dans le système des cités éducatives, désormais cela “fonctionne assez bien“ et ils seraient “relativement contents“. Car au départ, explique-t-il, la cité éducative “est arrivée comme le cheveu sur la soupe, elle n'était pas vraiment construite, pas acceptée par les élus et les équipes“ car elle était vue comme un “catalogue“ d'actions et de prestations. Mais aujourd'hui les personnes qui les dirigent ont “compris qu'il fallait une approche différente“ passant par une articulation forte avec le projet éducatif local.

Des prises de décision davantage collégiales

Il considère que “cet objet n'est plus vu comme un objet hybride“ mais souligne l'importance d'un travail de communication “pour rendre lisible et visible ce qui s'y fait“. Si au début tous “se sont un peu regardés en chien de faïence“, notamment l'Education nationale ayant “peur que la ville ne prenne le dessus“, désormais les prises de décision sont davantage collégiales et unanimes.

Il avoue avoir au départ fait adhérer les chefs d'établissement avec une logique de guichet, et que désormais “ferrés“ ils réussissaient à construire des projets, notamment autour des JO. Quant aux enseignants, “ils ont adhéré car ils ont senti qu'on n'allait pas disparaître“. Le travail se fait en réponse aux difficultés rencontrées à l'échelle de la cité éducative, notamment niveau santé mais, déplore-t-il, “on est train de compenser les problèmes de médecine scolaire, ça n'est pas la solution“. Il évoque encore des actions sur le handicap, le développement des apprentissages des plus jeunes, ou encore de formation des associations à faire du soutien scolaire avec les CEMEA car “depuis 30 ans ça ne marche pas“.

Si certaines cités éducatives tentent de se positionner sur l'aide aux décrocheurs, il estime cela complexe de par l'existance d'une multitude de dispositifs (E2C, EPIDE, associations, service municipal...) et notamment une nébuleuse d'interlocuteurs privés qui gèrent cette question de l'insertion des jeunes. C'est pourquoi la cité éducative “a cette vocation de mettre de la cohérence“, de construire une vision commune des choses entre acteurs, avec par exemple le mois de l'orientation calé sur la temporalité de Parcoursup. L'idée est d'être plus réactifs pour perdre moins de temps et mettre en place des parcours dès la rentrée. Au final, “les cités éducatives qui fonctionnent ont fait ces choix là“, réfléchir, là où il y a des difficultés, à “comment on peut se mettre dans les interstices“.

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