La pauvreté enfantine a plus d'un visage (INED)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice le lundi 30 novembre 2020.
"Il existe plusieurs manières de mesurer la pauvreté dans l’enfance", constate l'INED (Institut national d’études démographiques), et trop souvent, cette mesure est limitée à à son aspect monétaire. A cette aune, "près d’un enfant en bas âge sur dix vit dans un ménage pauvre", c'est à dire un ménage sont le niveau de vie est inférieur à 50 % du niveau de vie médian. Mais cette mesure ne prend pas en compte d'autres aspects de la pauvreté, que révèle l'enquête ELFE (Étude longitudinale française depuis l’enfance, voir p. ex. ici) et qu'ont mis en évidence deux chercheuses de l'INED et une économiste qui soulignent dans un article de la Revue des politiques sociales et familiales que "la France fait état d’un taux de pauvreté, pour l’ensemble de la population, relativement faible par rapport au reste de l’Europe (seuls les Pays-Bas font état d’un taux de pauvreté inférieur pour l’ensemble de la population), mais (que) la comparaison avec ses voisins est beaucoup moins favorable en ce qui concerne la pauvreté des enfants".
"À travers un travail original, elles mettent en place de nouveaux indicateurs qui permettent d’adopter le point de vue de l’enfant (...) : les conditions de vie matérielles comme l’impossibilité d’acheter de nouveaux vêtements, de partir en vacances ou encore de s’offrir des cadeaux ; les conditions de logement telles que le surpeuplement ou les difficultés à se chauffer ; les conditions de logement extrêmes caractérisées par l’absence d’accès à des sanitaires et à l’eau chaude ; et enfin l’implication parentale qui correspond à la qualité des interactions entre les parents et l’enfant, mesurée par l’allaitement ou le 'peau à peau' pour les enfants de deux mois, ou jouer et lire des histoires pour les enfants de un an."
C'est ainsi que la proportion dépasse 12 % lorsqu’on considère les conditions de logement des enfants de 2 mois, mais que parmi les enfants considérés comme pauvres du point de vue de l’implication parentale, moins de la moitié seulement sont considérés comme pauvres monétairement, une donnée importante puisque près de 25 % des tout petits sont "en situation de privation" lorsque l'indicateur choisi porte sur la relation parent-enfant.
Au total, "parmi les enfants de deux mois, 9 % sont pauvres monétairement, 14,4 % pauvres en conditions de vie matérielles (2,4 % sautent au moins un repas par jour), 12,3 % pauvres en conditions de logement, 1,1 % en conditions de logement extrême et 23,5 % sur la dimension parentale ; parmi les enfants d’un an, 9,4 % sont pauvres monétairement, 11,2 % pauvres en conditions de logement, 1,1 % en conditions de logement extrême et 19,3 % sur la dimension parentale." L'INED ajoute, dans la présentation de cette étude que "vivre dans une famille monoparentale est très fortement corrélé à la pauvreté en conditions de vie matérielle et à la pauvreté monétaire", mais pas au risque de pauvreté du point de vue de l’implication parentale deux mois après la naissance, ce qui n'est plus vrai un an plus tard. "Un jeune enfant dont les parents sont issus de l’immigration présente quant à lui un risque de pauvreté en conditions de logement plus fort, mais moindre en ce qui concerne l’implication parentale."
Les autrices en concluent que la pauvreté est un concept "à multiples facettes qui ne touchent pas tous les groupes de population de la même manière, ce qui exige, de la part des politiques publiques, qu’elles n’adoptent pas une approche 'universelle' pour combattre la pauvreté des enfants".
L'étude de Bárbara Castillo Rico, Marion Leturcq et Lidia Panico, "La pauvreté des enfants à la naissance en France. Résultats de l’enquête Elfe" (Revue des politiques sociales et familiales) est téléchargeable ici. Le site de l'étude ELFE ici.