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Petite enfance : les préconisations du Centre de recherche Innocenti d'UNICEF alors que 40 millions d'enfants sont privés d'éducation préscolaire en raison de la COVID-19

Paru dans Petite enfance le lundi 17 août 2020.

Le Centre de recherche Innocenti d'UNICEF a publié, le 22 juillet 2020, une note d'une dizaine de pages consacrée à l'impact de la crise sanitaire liée à l'épidémie de Covid-19 sur l'éducation préscolaire dans le monde. Les trois co-auteurs de la note, intitulée "Les structures de garde et d'éducation dans un contexte global de crise : l'impact du Covid-19 sur le travail et la vie de famille", estiment à 40 millions le nombre d'enfants "privés d'éducation préscolaire au cours de l'année cruciale précédant leur entrée à l'école en raison de la COVID-19", du fait de la fermeture des structures de garde d'enfants et d'éducation de la petite enfance. Or, écrivent-ils, ces dernières "sont essentielles pour fournir aux enfants des services intégrés, de l'affection et des services de nutrition ainsi que pour les protéger et les stimuler, tout en leur permettant de développer des compétences sociales, affectives et cognitives", les bénéfices d'une entrée dans des programmes préscolaires qui intègrent une importante composante pédagogique sont d'ailleurs plus importants et plus systématiques que les bénéfices observés dans les autres systèmes de garde d'enfants, et leur accès est "essentiel à la prospérité des familles et à la cohésion sociale". Alors que "la sortie à moyen terme du confinement ne signifie pas que les choses vont redevenir comme avant", que les mesures de confinement ont forcé de nombreux parents à concilier la garde de leurs enfants et leur emploi rémunéré et que la fermeture de ces structures a plongé les familles avec des enfants en bas âge dans une crise bien plus profonde, en particulier dans les pays à revenu faible et intermédiaire, les chercheurs font plusieurs recommandations qui s'inscrivent dans une grande orientation : le "renforcement global du soutien aux familles avec enfants". Ils invitent notamment les gouvernements à prendre des mesures destinées à améliorer les conditions d'accessibilité, le caractère abordable et la qualité des structures de garde, spécialement pour les familles en difficulté.

La solution idéale face à cette crise consisterait d'abord, selon eux, à proposer des congés parentaux équilibrés, et correctement rémunérés, aux hommes et aux femmes (notamment parce que "les femmes subissent de manière disproportionnée cette situation"), congé parental auquel doit être associé un soutien qui doit immédiatement suivre la fin du congé parental. Cela passe notamment par une amélioration de l'accès à un système de garde non familial, pour donner la possibilité aux deux parents d'assumer, de manière plus efficace et équitable, les responsabilités de soin aux enfants et celles liées aux revenus.

Les coûts des structures d'accueil préscolaires souvent dissuasifs

Il convient aussi de rendre ces programmes préscolaires abordables. Un préalable d'autant plus nécessaire que les inscriptions sont très fortement influencées par les coûts de ces programmes, selon l'état des lieux que dressent les chercheurs. En 2018, c'est l'Amérique latine qui avait le plus fort taux d'inscription, avec 96 % d'enfants inscrits dans des structures de garde. Ce taux aussi important est dû aux tarifs abordables, observent les auteurs, qui indiquent que les parents qui utilisent les services publics dépensent pour la garde d'enfants moins de 20 % de leur budget familial. Si ce taux est similaire en Europe, en revanche, malgré la richesse du continent, 38 % des parents qui utilisent ces services trouvent difficile d'assumer leur coût, observent encore les chercheurs qui indiquent que ce coût important dissuade notamment les femmes de retourner travailler, aux États-Unis comme dans les autres pays à hauts revenus.

Travailler sur l'accessibilité des structures est également important. Les chercheurs signalent ainsi notamment que 39 % d'enfants de 3 à 5 ans ne disposent pas de centres d'accueil dans 6 pays. Enfin, concernant la qualité des programmes, qui se mesure aux qualifications des personnels d'accueil et par le ratio enfants/personnels, les chercheurs observent des situations très disparates. Mais des pays à moyens ou haut revenus parviennent à garder un bon ratio enfants/personnels. En Union européenne, la moyenne se situe à 11 enfants par personnel au pré-primaire et à 6 enfants par personnel pour les programmes petite enfance. C'est aussi le cas au Chili et au Brésil, par exemple, où les ratios s'élèvent respectivement à 12 et 5 enfants par personnel et à 15 et 8 enfants par personnel.

Avant même la crise sanitaire, les structures de garde d'enfants et d'éducation de la petite enfance s'avéraient déjà dans de nombreux pays, soit inabordables, soit de "piètre qualité", soit inaccessibles, observent les auteurs. Ainsi, sur 166 pays, seulement 45 % d'entre eux proposent des programmes d'enseignement préscolaire gratuits pendant au moins un an, et ce chiffre chute à 15 % dans les pays à revenu faible. Une situation qui contraste avec le fait que 95 % d'entre eux proposent en revanche des programmes d'enseignement primaire gratuits.

Aménagement des temps de travail, information et accompagnement direct, et soutien psychologique

Améliorer la qualité de l'accueil dans les structures de garde et d'éducation de la petite enfance passe aussi par un nécessaire investissement en direction du personnel et une amélioration de leurs conditions de travail pour qu'elles soient équivalentes avec celles des autres professionnels qui travaillent avec des enfants. En termes de formation, il faudrait viser les normes les plus hautes aussi bien pour les candidats à ces postes que pour ceux qui y exercent déjà, recommandent encore les auteurs de la note.

L'aménagement des modalités de travail répondant aux besoins des parents qui travaillent est une autre des recommandations importantes que font les chercheurs. Dans le contexte particulier de la Covid-19, et alors que pour faire face à la pandémie de nombreux employeurs ont mis en place le télétravail mais sans que ce soit "synonyme de travail flexible", ces derniers "devraient consulter régulièrement leur personnel pour recueillir leurs besoins et trouver "des solutions qui incluent horaires flexibles, temps condensé, temps d'ensemble réduit et temps échelonné".

Une protection sociale universelle de base pour les familles incluant un soutien à la garde d'enfants

Pendant cette période, les gouvernements et employeurs devraient aussi offrir des programmes d'accompagnement de proximité aux parents, particulièrement à ceux qui bénéficient de faibles revenus. Cela pourrait, par exemple, inclure des campagnes publiques d'information, ainsi qu'un soutien et un accompagnement directs en matière de soins, de stimulation et de jeu. Les gouvernements devraient par ailleurs assurer l'accès à des suivis et soutiens psychologiques pour ceux qui ont été particulièrement affectés mentalement par la pandémie et ces effets socio-économiques, et ce, dans une démarche non stigmatisante.

Enfin, les gouvernements devraient aussi réfléchir à introduire des planchers de protection sociale, avec une protection sociale universelle de base pour les familles qui incluerait ce soutien à la garde d'enfants.

Selon l'état des lieux dressé par les trois auteurs, de nombreux enfants en bas âge qui restent à la maison "n'ont pas la possibilité de jouer et de bénéficier du soutien à l'apprentissage dont ils ont besoin pour bien se développer". Ils estiment à plus de 35 millions d'enfants de moins de 5 ans qui sont parfois privés de la surveillance d'un adulte et observent que dans 54 pays à revenu faible et intermédiaire, près de 40 % des enfants âgés de 3 à 5 ans ne reçoivent aucune stimulation socioémotionnelle et cognitive de la part d'un adulte au sein de leur foyer.

"Childcare in a global crisis : the impact of COVID-19 on work and family life" - Anna Gromadai, Dominic Richardsoni and Gwyther Reesi - UNICEF Office of Research – Innocenti (en anglais) ici

Camille Pons

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