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Les collectivités demandent davantage de déconcentration et la récupération de certaines compétences relevant de l'Éducation nationale (audition de la commission des lois)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le mercredi 13 mai 2020.

"Monstre technocratique" et "protocole national indigeste" pour accompagner la réouverture des écoles, absence "criante" de la médecine scolaire alors qu'est lancée la rentrée, lourdeur de l'État quand il faut prendre des décisions immédiatement... Les représentants de Régions de France, de l'Assemblée des départements de France (ADF), de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) ont fait part à la commission des lois du Sénat, ce mercredi 13 mai 2020, des difficultés qu'ils ont observées et observent encore durant la gestion de la crise sanitaire. La commission des lois les avait invités, comme le soulignait dans son propos liminaire le président de la commission, Philippe Bas, pour "tirer quelques enseignements pour le présent et l'avenir" en se fondant sur la manière dont ces dernières se sont engagées durant le confinement. Une séance justifiée au constat que ces collectivités "ont été parties prenantes de la remise en marche de notre pays et ont fait preuve d'une très grande réactivité et de très grande agileté", selon Philippe Bas qui a souligé aussi qu'elles avaient même "été plus vite que l'État" dans de nombreux domaines, comme pour les commandes de masques, le soutien économique ou encore l'action sociale et leur mobilisation pour les réouvertures des établissements scolaires et les activités périscolaires. Suites aux actions qu'ils ont menées ces dernières semaines, les représentants des collectivités font deux principales demandes : celle d'une réforme plus "musclée" de la décentralisation, selon le terme employé par Dominique Bussereau, le président de l'ADF, et d'une organisation de l'État davantage déconcentrée et la mise en place d'un budget annexe qui prendrait en compte les dépenses qu'ils ont assumées à la place de l'État pour faire face à la crise sanitaire.

Les trois représentants de ces grandes associations de collectivités ont été d'accord en effet d'abord pour dénoncer l'incapacité, durant la période du confinement, des représentants de l'État localement à pouvoir prendre des décisions immédiates. "Avec l'ARS, ça s'est très bien passé, avec le recteur, ça s'est très bien passé, avec le préfet, ça s'est très bien passé pour partager les choix", a ainsi souligné le président de Régions de France, Renaud Muselier. "En revanche, alors que nous avions besoin de prendre des décisions immédiatemment et même s'ils étaient d'accord, nos interlocuteurs en étaient incapables. Parce qu'ils doivent en référer au-dessus à une commission, à une sous-commission, sous-sous-commission...". Pour les trois associations représentatives des collectivités, il faut mettre fin à ces "parapluies à tous les étages".

Les "gestionnaires" des collèges devraient dépendre des Départements et non de l'Éducation nationale

Dominique Bussereau appelle plus précisément à "conforter" le niveau départemental des préfets, à une réforme de l'ARS, devenue autorité de crise durant cette période mais dont le modèle "n'est pas adapté" et "manque de moyens d'organisation". Il invite aussi à une décentralisation du médico-social qu'il justifie notamment avec un exemple : celui, en cette période de rentrée des établissements scolaires, de "l'absence de médecine scolaire criante sur le terrain". Une réorganisation concernant le champ scolaire qui doit également toucher à d'autres domaines, comme l'affiliation des "gestionnaires de collèges". L'élu souligne en effet que "le fait que les gestionnaires des collèges soient sous l'autorité de l'Éducation nationale et pas du Département n'est pas sans poser des difficultés" alors qu'ils sont en train de préparer la réouverture des collèges.

Dans le même champ scolaire mais également dans celui de la petite enfance, le vice-président de l'AMF, André Laignel, a dénoncé l'inadéquation de décisions nationales avec les réalités locales ou l'absence de réactivité. "Nous étions en train de préparer la reprise de l'école et nous avons appris qu'un monstre technocratique de 64 pages était diffusé, alors même que nous n'avions pas fini les discussions !", a-t-il déclaré aux sénateurs, soulignant qu'au niveau local ils avaient dû le réécrire pour qu'il soit "utilisable et lisible". Un "protocole national indigeste", a-t-il encore dénoncé, auquel, "heureusement", ils ont ensuite été autorisés à susbstituer des protocoles locaux. Dans la même lignée, il a regretté que les textes concernant la réouverture des crèches ne soient arrivés que "très tardivement".

Les Départements demandeurs d'un retour à des compétences plus générales

À tous ces titres, les collectivités plaident pour une "plus grande décentralisation", "voire un système fédéral qui permettrait une plus grande agileté", selon Renaud Muselier. Elles ont plus globalement, comme l'a résumé le sénateur Pierre-Yves Collombat, fait "une critique radicale de toutes les réformes faites depuis un peu plus de 10 ans et qui sont toutes allées vers la spécification des compétences et des ressources", une "spécialisation qui pose des difficultés face à des situations comme celles-ci". Ce sénateur évoque à ce titre l'idée, soit de "revisiter tout ça", soit de "penser à une organisation spécifique en situation de crise". Dominique Bussereau a d'ailleurs annoncé que les Départements allaient faire la demande "de revenir à une compétence générale".

Enfin, les collectivités ont formulé des demandes en matière financière. Elles sont aujourd'hui favorables à la création d'un budget annexe ou d'un compte spécial (préféré plutôt par les communes pour "avoir une vision claire", mais pas des autres collectivités qui jugent plus souple de fonctionner avec un budget annexe). Ce budget ou ce compte permettrait de prendre en compte les dépenses du Covid qu'elles ont dû prendre en charge, alors même que cette augmentation des charges se double d'un "effondrement" des ressources. Ces pertes pour les collectivités sont estimées à un milliard d'euros pour 2020 et entre 3 et 4 milliards pour l'année prochaine. Cette situation financière justifie également, selon le représentant de l'ADF, la demande d'un système d'avance faite à l'État afin de permettre aux collectivités de maintenir leurs investissements. Selon le représentant de l'AMF, si les collectivités s'en tenaient à ce jour à ce qu'annonce l'État, ce serait moins de 20 % de remboursement auquel elles auraient droit.

Camille Pons

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