Petite enfance » Actualité

Lutte contre la pauvreté à l'école : les orientations de Jean-Michel Blanquer et Agnès Buzyn

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture le jeudi 08 février 2018.

La lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes sera une priorité du quinquennat, a annoncé hier mercredi 7 février 2018 la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn. Celle-ci était auditionnée avec le ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, par la commission des affaires culturelles et de l'éducation et la commission des affaires sociales, à l'occasion d'une journée consacrée au thème de la pauvreté à l'école. Une priorité légitime selon elle, alors qu'elle dit avoir été "frappée", à son arrivée au ministère, "par le changement de visage de la pauvreté en France" et notamment l'accroissement important de la pauvreté chez ces publics. 3 millions d'entre eux vivent sous le seuil de pauvreté, a-t-elle rappelé, soit environ 20 % des enfants, et 33 % vivent dans des familles monoparentales. Alors que le précédent plan quinquennal avait "porté ses fruits" pour lutter de manière plus générale contre la pauvreté, elle estime aujourd'hui important de "cibler cette population" et de "réfléchir à d'autres actions", notamment parce que la pauvreté chez les enfants et les jeunes constitue un "frein" pour le développement dans leur vie d'adulte et leur insertion. À cet effet, un délégué interministériel a été nommé et a été lancée une consultation citoyenne qui a déjà reçu, dit-elle, plus de 4 000 contributions. Cette stratégie sera présentée à la fin du mois de mars 2018, sur la base des travaux menés aussi par plusieurs groupes de travail, notamment autour des questions du logement, de la santé, de la prévention et de l'insertion. Les mesures à venir et pistes suggérées par les deux ministres ce jour là faisaient écho, pour certaines, à des recommandations ou des interrogations soulevées le matin même à l'occasion d'une table ronde organisée autour de trois "grands témoins" (ici).

Parmi les constats faits encore par Agnès Buzyn, figure celui que, "très tôt", les plus pauvres n'accèdent pas à des professionnels de la petite enfance puisque "seuls 5 % des 20 % les plus pauvres sont en crèche" tandis que la moyenne nationale s'élève à 22 %. En matière de santé d'ailleurs, plusieurs orientations ont été évoquées. Résoudre la question de la visite médicale à 6 ans est une "priorité", ont affirmé les deux ministres, même si cette question reste "difficile", l'Éducation nationale se heurtant à un problème de recrutement. Actuellement, indique Agnès Buzyn, il y aurait un médecin scolaire pour 9 000 élèves en moyenne. Aux difficultés de recrutement s'ajoutent des "partages d'information" insuffisants, ce qui vaut aussi pour la "coordination" entre les acteurs, médecins, infirmiers, assistants sociaux notamment. Le ministère dit vouloir œuvrer dans deux directions : encourager une plus grande "pluriprofessionnalité", mais aussi compenser le manque de médecins en faisant intervenir, par exemple, des centres ou maisons de santé dans les écoles.

Des "services sanitaires" pour permettre l'éducation à la santé dans les écoles par des étudiants

Au niveau du travail sur l'attractivité du métier, les ministres ont confirmé que des stages avaient été ouverts en médecine scolaire en sortie d'internat. Par ailleurs, se développe un "service sanitaire", pour que "des étudiants aillent faire la promotion et l'éducation à la santé, voire du repérage et de la prévention dans les écoles", indique Jean-Michel Blanquer.

Les parcours éducatifs de santé, instaurés sous l'ancien ministère, doivent également être "améliorés", en encourageant notamment la contractualisation entre les rectorats et les ARS (agences régionales de santé), pour "permettre un déploiement plus homogène sur le territoire", indique de son côté Agnès Buzyn.

Possibilité de petit-déjeuner dans tous les établissements ?

Concernant la lutte contre la malnutrition, Agnès Buzyn confirme que le gouvernement envisage de légiférer pour "favoriser la tarification sociale dans les cantines" et "inciter" les collectivités "à harmoniser les pratiques" en la matière. Celle-ci souhaite aussi "étendre" un système de restauration qui proposera dans tous les établissements un petit-déjeuner, dispositif déjà mis en place dans certains établissements. Un "moment" qui "pourrait être financé par l'État".

Le ministre de l'Éducation nationale a de son côté présenté les mesures mises en place et à venir pour lutter contre cette pauvreté au sein même de l'école, ce qui suppose d'avoir une "vision complète de l'école", donc de travailler sur "un continuum" et sur plusieurs mesures. D'abord les CP dédoublés qui concerneront 7500 classes à la rentrée 2018 et 340 000 enfants chaque année à partir de 2019, "soit entre 15 et 20 % d'une génération". Le ministre a aussi fait un point sur la mesure "devoirs faits", lancée à l'automne 2017, pour laquelle 200 millions d'euros sont inscrits dans le budget. Selon Jean-Michel Blanquer, celle-ci est proposée aujourd'hui "systématiquement dans tous les collèges de France". Ces mesures sont complétées par un "travail sur l'accompagnement lors de classes charnières", entre le CM2 et la 6e, et entre la 3e et la 2nde, notamment au travers des stages gratuits proposés pendant les vacances. 15 millions d'euros avaient été fléchés pour ces stages en 2017, 35 millions sont programmés sur le budget 2018, indique-t-il. À ces mesures, s'ajoute la préparation du plan internat "qui permettra d'ouvrir des milliers de lits supplémentaires" et donc également "d'apporter des solutions intégrales".

Interrogé à nouveau sur une éventuelle généralisation de l'uniforme à l'école, qui pourrait être, selon certains députés, "un moyen de lutter contre les inégalités visibles", le ministre n'y est pas favorable, compte tenu de "la société française telle qu'elle est aujourd'hui". En revanche, le port de l'uniforme sera permis dans les territoires où cela fera "consensus".

Aller chercher via les données numériques les personnes éligibles aux prestations sociales

Les PMI sont aussi "un vrai sujet", estime Agnès Buzyn. Alors que le dispositif fonctionne de manière "très hétérogène" sur le territoire, un travail devrait être mené pour redéfinir et cadrer leurs missions, notamment au constat de la "perte d'attractivité" des postes de médecins, à qui l'on donne, selon elle, beaucoup trop de "missions normatives", notamment de contrôle de crèches.

Concernant la lutte contre le non-recours aux prestations, Agnès Buzyn évoque l'idée d'utiliser les données numériques pour "aller chercher par ce biais" les personnes éligibles.

Elle annonce aussi le travail "en cours" d'une mission concernant la question de mineurs non accompagnés (MNA). Celle-ci devra préciser "le rôle de l'État", c'est-à-dire les moyens financiers et humains qu'il devra attribuer aux Départements pour l'accompagnement des MNA.

Camille Pons

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →