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Droits de l'enfant : une éducation à la sexualité insuffisamment abordée, la médecine scolaire et les PMI en péril (Défenseur des droits)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice le mardi 21 novembre 2017.

"L'obligation de conduire des actions d'éducation à la sexualité est très peu suivie et ne développe pas suffisamment une approche globale des sexualités et des relations sexuelles susceptible de contribuer à la lutte contre les préjugés et stéréotypes de sexe, d'identité, de genre et d'orientation sexuelle." À ce constat, fait dans le dernier rapport du Défenseur des droits et de la Défenseure des enfants, intitulé "Droits de l'enfant en 2017 : au miroir de la Convention internationale des droits de l'enfant", sont adossées plusieurs recommandations : s'appuyer davantage sur les enfants et les adolescents et "favoriser une approche globale de la sexualité, intégrant ses aspects affectifs, psychologiques et sociaux en même temps que reproductifs", pour répondre à leurs souhaits et porter des messages de prévention plus efficaces, refondre les outils pédagogiques encore inadaptés, mieux former les professionnels et améliorer les compétences des intervenants. L'éducation à la sexualité constitue l'un des trois volets de ce rapport annuel qui a été rendu public hier lundi 20 novembre 2017, à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant. Celui-ci se penche également sur l'accès à la santé et dresse un bilan du suivi des recommandations qu'avait faites le Comité des droits de l'enfant (CIDE) de l'ONU en février 2016.

En 2014-2015, 25 % des établissements scolaires ne mettaient pas en œuvre d'éducation à la sexualité et pour ceux qui le faisaient, 64 % n'articulaient pas cette éducation avec les actions de promotion de l'égalité entre les filles et les garçons. Une "sensibilisation" et une "information" jugées "insuffisantes" par le Défenseur des droits, et ce au regard de plusieurs indicateurs : les jeunes, et en particulier les filles, connaissent mal leur corps, un tiers des grossesses est non prévu et aboutit 6 fois sur 10 à un avortement, les infections sexuellement transmissibles (IST) ont augmenté de 10 % chez les 15-24 ans entre 2012 et 2014, les violences à caractère sexuel concerneraient 5 à 7 % des élèves, 23 % des agressions physiques homophobes en 2016 auraient touché des jeunes de moins de 18 ans.

Une entrée trop préventive, loin des attentes des jeunes

Le Défenseur fait surtout des recommandations en matière de contenu. Il préconise d'abord de sortir de l'approche préventive, "centrée sur les risques liés à la sexualité" (les IST notamment) au bénéfice d' "une information positive". Il demande aussi de "questionner les normes sociales" qui entourent la sexualité, qu'il s'agisse de "l'identité, des orientations et discriminations sexuelles", des "stéréotypes de sexe", des "violences faites aux femmes". Une approche qui permettrait à la fois "de mieux prendre en compte les attentes des jeunes", du même coup d'aller "dans le sens d'une meilleure efficacité des messages de prévention", mais aussi "de mettre à distance ces normes assignées à chaque sexe, qui se développent fortement à l'adolescence et pèsent dans les rapports entre les jeunes".

Pour ce faire, outre recueillir la parole des enfants et des jeunes "notamment au sein des instances représentatives des élèves et des Comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté", il est indispensable de repenser les outils pédagogiques. Si le guide du formateur, auquel étaient reprochées "une vision biologisante de la sexualité", également "hétéronormée" et "l'absence de réflexion sur l'égalité des sexes et des sexualités", est en cours de réécriture, le Défenseur signale toujours l'absence, dans le guide d'intervention pour les collèges et les lycées réédité en 2017, d'un volet consacré à la lutte contre l'homophobie. Il estime également indispensable de produire des outils "adaptés aux plus jeunes" dès l'école primaire et déplore des "explications incomplètes, voire erronées" dans les manuels de SVT.

Une charte pour éviter des interventions extérieures moralisatrices et stéréotypées

Mieux former les acteurs de l'éducation nationale est également recommandé, en formations initiale et continue, en particulier les professeurs et les infirmiers scolaires, au constat que les "enseignants se sentent encore démunis face à des sujets qu’ils jugent sensibles et complexes à aborder avec un groupe de jeunes", malgré un plan national de formation élaboré avec des partenaires extérieurs et qui s'éloigne de l'approche "médicalisante".

Il faut aussi davantage s'appuyer sur des personnes extérieures expérimentées sur le sujet qui parviennent "généralement à libérer plus facilement la parole des jeunes". Pour autant, ces interventions doivent être cadrées en élaborant une charte d'intervention et en diffusant aux chefs d'établissements "une liste d'associations signataires adhérant à cette approche". Le HCE [Haut conseil à l'égalité] avait d'ailleurs signalé des associations agréées qui avaient pourtant "une approche défensive et moralisatrice de la sexualité imprégnée de forts stéréotypes de sexe".

Le Défenseur regrette enfin la baisse du nombre d'infirmiers et de psychologues dans les établissements alors que "certains enfants sont pourtant placés après avoir vécu des violences sexuelles, et auraient de ce fait besoin d'un accompagnement spécifique".

Médecine scolaire et PMI : des "services en péril"

"L'insuffisance des ressources" concernant la médecine scolaire, mais aussi les services de protection maternelle et infantile (PMI), qualifiés de "services en péril", est d'ailleurs dénoncée dans le volet consacré au droit à la santé, alors que le rapport fait toujours le constat de "difficultés persistantes d'accès à la santé pour les enfants en situation de vulnérabilité". "La PMI se trouve dans une situation inquiétante", écrit le Défenseur. Stagnation ou régression des ressources humaines, "alors que les besoins augmentent", contraignent certains services à abandonner "des pans entiers des actions de prévention primaire, par exemple les bilans de santé en école maternelle" ou encore "les actions de prévention, d'accompagnement à la parentalité, de promotion de la santé".

Mêmes constats du côté de la médecine scolaire jugée "en grande difficulté", et qui peine à recruter un nombre de médecins suffisant. Si les difficultés de recrutement touchent moins les infirmiers scolaires, "la charge de travail et l'étendue de leurs missions constituent d'importantes contraintes qui pèsent, au quotidien, sur leurs actions et leur disponibilité aux élèves". En 2015-2016, seuls 55 % des élèves auraient bénéficié d'un dépistage infirmier et/ou de l'examen médical prévu lors de la 6e année.

Recueillir l'avis des enfants pour la prochaine stratégie nationale de santé

Malgré le progrès majeur que représente la loi de 2016 qui a intégré un volet dédié aux enfants, le Défenseur estime "impératif et urgent de concevoir et mettre en œuvre des politiques de santé précisément dédiées aux enfants et adolescents", d'y inscrire les missions et objectifs de la PMI et de la médecine scolaire et surtout les "moyens nécessaires à leur exercice". Et comme pour l'éducation à la sexualité, le Défenseur invite à "recueillir l'opinion des enfants et des adolescents" notamment dans le cadre de la concertation lancée pour l'adoption de la prochaine stratégie nationale de santé 2017-2022.

Le Défenseur émet de nombreuses recommandations plus précisément en direction des enfants de Guyane et de Mayotte qui cumulent des difficultés pour l'accès à la santé : entre autres, développer la présence des équipes de PMI et assurer, dans l'Éducation nationale, la réalisation des bilans de santé à l'élémentaire, "notamment auprès des enfants précédemment non-scolarisés entre 3 et 6 ans", mais aussi dès leur inscription à l'école maternelle.

Nombreuses recommandations sont faites aussi pour la prise en charge des enfants étrangers, notamment pour les mineurs non accompagnés en errance, dont les difficultés se sont "aggravées", notamment la réalisation d'un bilan complet de santé dès leur repérage et la création d'un administrateur ad hoc, indépendant des départements et financé par l'État, nommé pour le jeune jusqu'à décision définitive le concernant.

Suivi des recommandations de l'ONU : toujours un déséquilibre entre les textes et le terrain

En ce qui concerne les recommandations qu'avait faites le Comité des droits de l'enfant, le rapport constate la persistance d'un "déséquilibre entre les droits énoncés par les textes législatifs et réglementaires et les droits effectivement réalisés pour les enfants", et ce, "en dépit des évolutions positives du cadre juridique et du lancement de différents plans et stratégies nationales".

Quant au système judiciaire pour mineurs que le CIDE avait engagé à mettre en conformité avec les autres normes internationales, si la récente loi de 2016 de "modernisation de la justice du 21e siècle" a permis des avancées, par exemple rendre obligatoire la présence d'un avocat pour les mineurs placés en garde à vue, le rapport observe que le droit français ne prévoit toujours pas de seuil d'âge minimal de responsabilité pénale et que le nombre de mineurs détenus a considérablement augmenté, de plus de 16 % entre octobre 2016 et juin 2017.

Le rapport ici

Camille Pons

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