Enfants en situation de handicap psychique : un rapprochement nécessaire entre sanitaire et médico-social (Afar)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le vendredi 11 mars 2016.
Soigner ou accompagner ? Telle est l'une des problématiques abordées lors du colloque de l'Afar (organisme de formation des professionnels des secteurs sanitaires et médico-sociaux), le 11 mars à Paris. Son thème : "Enfants en situation de handicap psychique : les professionnels au service de la vie". En introduction, Jean Chambry, pédopsychiatre à la Fondation Vallée, souligne le clivage persistant en France entre la dimension sanitaire, avec une perspective curative, et le médico-social axé sur l'accompagnement des usagers.
Jean Chambry rappelle que la loi du 11 février 2005 a permis de passer de la notion d'"enfant handicapé" à la notion d'"enfant en situation de handicap". Cette nouvelle approche relie le handicap au milieu où l'on vit, par exemple un handicap moteur ne sera pas vécu de la même manière s'il y a des escaliers ou des ascenseurs dans un bâtiment. Elle met donc l'accent sur le concept d'accessibilité.
Néanmoins, dans l'accompagnement quotidien, une difficulté demeure entre les notions de maladie psychiatrique et de handicapé psychique. "En France, on est resté sur l'idée que l'on peut parler de handicap lorsque les choses sont fixées. Or, une réévaluation est possible, elle n'oblige pas à une vision déterminée et fixe", insiste Jean Chambry.
"Penser devient douloureux"
Bertrand Lauth, pédopsychiatre au CHU de Reykjavik, souligne qu'en Islande, l'école s'avère très inclusive. Un bilan psychologique préalable fait l'objet d'une réunion avec les parents et les enseignants. Ce processus permet d'élaborer des recommandations pour éviter certaines situations ou répéter des échecs. Remarquant que pour certains adolescents, "penser devient douloureux", Bertrand Lauth évoque "une pathologie de la transformation cognitive". Il cite à ce sujet la phobie scolaire, "difficile à traiter", par ailleurs "à prendre très au sérieux".
Revenant sur le rapprochement nécessaire entre sanitaire et médico-social, Jean Chambry suggère d'"imaginer une créativité interinstitutionnelle", avec plusieurs modèles, plusieurs outils. Face à l'impuissance ressentie parfois par les adultes face au handicap, le projet de vie pour l'enfant constitue selon lui un moyen de "rester dans un processus de créativité".
"Un réservoir à expériences créatrices"
Nadège Sapède, psychologue à l'UDSM-Centre médico-psychologique enfants de Nogent-sur-Marne, estime à ce sujet que les manifestations comportementales débordantes des enfants (agitation psychomotrice, autostimulation...) peuvent incarner "un réservoir à expériences créatrices". Le travail de médiation artistique notamment peut s'appuyer sur les attitudes autocalmantes des enfants. La psychologue cite l'exemple d'un atelier de danse en hôpital de jour : certains enfants proposaient une stéréotypie gestuelle, reprise ensuite par tout le groupe. "Il s'agissait d'un moment créatif partagé", commente-t-elle.
Luc Fossey, directeur régional Nord-Ouest des Apprentis d'Auteuil, présente quant à lui la notion de "handicap social", dont souffrent les enfants victimes de "carences, blessures multiples, précarité, voire grande pauvreté". À leur sujet, il évoque une "cécité culturelle" et "une perte de confiance dans les adultes et la société". "Ces jeunes ont des difficultés à dépasser l'instant présent, à se projeter et à aller vers l'inconnu ; ils ont tendance à rester dans leur quartier", explique-t-il. Luc Fossey précise les trois principes des parcours personnalisés proposés par les Apprentis d'Auteuil : la responsabilité, l'espérance et la bienveillance. "On liste les difficultés et les atouts de l'adolescent puis on essaie de fixer avec lui des objectifs à court, moyen et long terme". Une confrontation s'avère alors nécessaire entre les dimensions individuelles, institutionnelles et collectives pour "trouver un compromis".
Diane Galbaud