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Neutralité religieuse dans les crèches : la proposition de loi votée par l'Assemblée nationale consacre la jurisprudence selon l'Observatoire de la laïcité

Paru dans Petite enfance le mardi 19 mai 2015.

La proposition de loi sur la neutralité religieuse des crêches privées, votée à l'Assemblée nationale le 13 mai 2015, "a simplement consacré la jurisprudence" après la décision de la Cour de Cassation en 2014 dans l'affaire Baby Loup, selon Nicolas Cadène, rapporteur général de l'Observatoire de la laïcité. Vidé de ses dispositions polémiques, le texte revu par les députés prévoit que les crèches privées pourront décider "des restrictions,  de caractère proportionné, à la liberté de leurs salariés de manifester leur conviction religieuse" qui devront figurer "dans le règlement intérieur ou, à défaut, dans une note de service". Il rappelle au passage l'obligation de neutralité pour les structures publiques et les établissements privés chargés"d'une mission de service public". 

La proposition de loi, qui ne fait qu'énoncer ce qui existe déjà, élude le reste selon M. Cadène. "Les acteurs de terrain et les gestionnaires des établissements de la petite enfance sont souvent laissés seuls face aux difficultés et se retrouvent mal 'outillés' ", explique-t-il à Touteduc, proposant qu'ils soient formés à "la gestion du fait religieux et à la laïcité". "Il pourrait être utile que le gouvernement édicte une circulaire rappelant clairement, à destination de tous les acteurs concernés, ce que le droit positif permet et ne permet pas selon la catégorie juridique à laquelle appartient le gestionnaire", note-t-il également, plutôt que de faire une loi.

A l'origine de cette proposition de loi, il y a l'affaire Baby Loup : en 2008, une salariée de cette crèche privée est licenciée pour avoir refusé d'enlever son voile sur son lieu de travail. Elle conteste cette décision mais elle est déboutée devant les prud'hommes et en appel. Pourtant, en 2013, la Cour de Cassation lui donne raison, estimant que, la crèche étant privée, le licenciement constitue "une discrimination en raison des convictions religieuses". Fait rare, la Cour d'appel de Paris a contesté cette décision et, le 25 juin 2014, la Cour de Cassation a fini par soutenir le licenciement, estimant que le règlement intérieur qui obligeait les employés de Baby Loup à respecter un principe de "neutralité" énonçait une restriction à la liberté de manifester sa religion qui était "précise, justifiée par la nature des tâches accomplies, et proportionnée au but recherché". L'arrêt fait jurisprudence. 

Une proposition de loi au départ contre-productive

Alors pourquoi une loi ? Le texte initial, déposé par les radicaux de gauche au Sénat en 2011, "visant à étendre l'obligation de neutralité aux structures privées en charge de la petite enfance et à assurer le respect du principe de laïcité", prévoyait en réalité de bien plus grandes restrictions, en s'adressant à toutes les structures de la petite enfance et de loisirs, et non uniquement les crèches. 

Pour les structures financées par l'aide publique, il imposait une neutralité religieuse, celles sans aides publiques, l'autorisation, "au nom de l'intérêt de l'enfant, à apporter, si elles le souhaitent, certaines restrictions à la manifestations des convictions religieuses de leurs salariés" et pour les crèches se prévalant d'un caractère religieux, pas d'obligation. Jusque là, les principes édictés sont les mêmes dans le texte voté à l'Assemblée la semaine dernière. Sauf que la proposition de loi initiale les appliquait à toutes les structures, avec l'épineuse question des assistants maternelles. 

Des dispositions qui inquiétaient l'Observatoire de la laïcité, pour qui "aller au-delà" de la jurisprudence Baby Loup "et imposer une neutralité générale et absolue pourrait être contre-productif et contrevenir aux principes constitutionnels et de la Convention européenne des droits de l’Homme d’égalité et de liberté de conscience mais aussi s’opposer au principe de laïcité lui-même qui la garantit", explique M. Cadène à Touteduc (voir également Touteduc ici). La version épurée de l'Assemblée nationale lui convient donc davantage, d'autant qu'elle précise que les dispositions "ne sont pas applicables aux établissements et services assurant l'accueil familial non permanent d'enfants de moins de six ans au domicile d'assistants maternels".

Le texte a été voté à l'Assemblée nationale avec les voix de tous les groupes politiques, exceptées celles du Front de gauche. Il va désormais passer en deuxième lecture au Sénat. 

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