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Mouvements pédagogiques : un appel au ministre et des échos de la biennale de Bruxelles (avec les Cahiers pédagogiques)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le dimanche 06 novembre 2022.

Après qu'ils ont participé à Bruxelles à l’édition 2022 des Biennales internationales de l’Éducation nouvelle, les mouvements pédagogiques, CEMEA, CRAP, FESPI, GFEN, ICEM adressent une lettre ouverte à Pap Ndiaye pour "attirer (son) attention sur les baisses drastiques des subventions que (son) ministère a décidé d’appliquer à de nombreuses associations pour cette année 2022 de façon unilatérale et sans explication. Ces baisses ont été annoncées en octobre et concernent l’exercice en cours, les budgets sont déjà bien engagés ! Certaines associations ont vu leur financement baisser de 67 % en 3 ans ; à ce rythme-là, elles ne pourront bientôt plus participer activement à l’expérimentation pédagogique nécessaire à la cohésion nationale et à l'éducation des futurs citoyens et citoyennes de notre pays."

Les signataires rappellent que cette biennale a réuni plus de 500 personnes, venant de 23 pays et qu'elle a été lancée l'an dernier, lors du centenaire de la première grande rencontre des mouvements pédagogiques à Calais, lorsqu'au sortir "de la Grande Guerre, il fallait repenser les modèles éducatifs européens pour faire en sorte que plus jamais des citoyens et citoyennes du monde ne s’entretuent". Les perpectives ajourd'hui ne sont pas moins dramatiques, "urgences climatiques, fascisme aux portes de nombreuses capitales européennes, guerre dans de nombreux pays, lutte pour l’exploitation de matières premières, violence sur les réseaux sociaux, essentialisation de nombreuses personnes, remise en cause de nos valeurs démocratiques… Il y a urgence à (re)penser les modèles pédagogiques de nos espaces éducatifs : école, accueil collectif de mineurs, maison d’enfants à caractère social, institut médico-éducatif…" C'est dans ce contexte que les cinq mouvements demandent au ministre de l'Education nationale "de reconsidérer l’appui de (son) ministère à (leur) action (...) pour démocratiser l’accès au savoir et à la culture, pour lutter contre les discriminations et favoriser l’émancipation intellectuelle".

Les Cahiers pédagogiques rendent compte des conférences de Philippe Meirieu et Laurence de Cock qui "ont tissé des liens entre le propos introductif de Bernard Charlot". Le premier considère que le contexte a beaucoup changé depuis 1921 : "En cent ans, les sociétés ont changé. L’individualisme social a émergé." Ce qui a, tout à la fois, constitué “une première étape de l’émancipation démocratique et contrarié son développement par la frénésie consommatrice et la montée des communautarismes”. Aux mouvements qui se réclament de l'Education nouvelle de construire (ou reconstruire) du commun:  “Dès 1921, éduquer c’était conjuguer le droit à la différence aussi bien qu’à la ressemblance." A présent, il s'agit de faire vivre les droits de l’enfant (tout en) en assurant les belles contraintes, celles qui rendent libres”, et de ne pas céder à "l’injonction permanente" de satisfaire les caprices de tout un chacun. Les pédagogues d'aujourd'hui doivent se méfier "d’un certain scientisme derrière lequel se cache une idéologie justifiant le maintien du désordre social", de la “montée de la singerie d’une éducation entièrement virtuelle, gérée par des algorithmes, enrôlée par le néolibéralisme". D’où l’importance “de se saisir du numérique, de ces outils pour qu’ils créent du lien plutôt qu’ils tuent la solidarité".

Ces difficultés auxquelles est confronté tout éducateur amènent les mouvements pédagogiques réunis dans "Convergence(s) pour l’Éducation nouvelle" à s'interroger sur leurs propositions de réponses, parfois divergentes : "Les questions nous rassemblent quand parfois les réponses nous divisent." Et surtout, il faudrait "renouer le lien entre pédagogie et opinion publique" alors que "l’écart n’a cessé de s’accroitre en un siècle. L’opinion publique en 1930 se passionnait pour l’éducation nouvelle ; aujourd’hui elle se passionne pour le débat sur le 'retour de l’uniforme !'."

L'historienne Laurence De Cock estime d'ailleurs que les mouvements pédagogiques ne peuvent se contenter de "l’entre soi” et qu'ils doivent "sortir des débats stériles et qui ne sont plus prioritaires entre pédagogistes et anti-pédagogistes". Elle s'interroge, "A quelles conditions les savoirs sont-ils émancipateurs ? Est-ce qu’il ne serait pas temps de reprendre la main sur les contenus ? Ne pas seulement se demander comment l’on enseigne, mais ce que l’on enseigne !” Car "enseigner, c’est faire de la politique (...). Sommes-nous prêts à réaffirmer que nos missions doivent s‘inscrire dans une école publique, gratuite pour tous ? Sommes-nous prêts à nous ouvrir aux maux du monde pour nous occuper en priorité des enfants qui en ont le plus besoin ? Allons-nous nous taire face au fonctionnement d’une école élitiste et méritocratique qui laisse toujours plus d’enfants au bord de la route ?" Elle rappelle que l'Education nouvelle a aussi favorisé la création d'écoles privées "à un demi-SMIC par mois" et elle cite Célestin Freinet en 1932 : “Dans quelle mesure, et par quels moyens précis, par quelles méthodes, selon quelles techniques, l’éducation nouvelle peut-elle hâter la venue d’un monde nouveau dans lequel l’organisation sociale répondra au maximum aux besoins pédagogiques de la masse des enfants ?”

Le site des Cahiers pédagogiques ici, la conférence introductive de B. Charlot prochainement accessible à partir du site.

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