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L'école hors l'école, une utopie qui cherche à s'ancrer dans les institutions (Rencontres internationales de Poitiers)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 02 juin 2023.

Les "Rencontres internationales de la classe dehors" réunissent à Poitiers, depuis mercredi 31 et jusqu'au dimanche 4 juin, des enfants, des enseignants et des animateurs, parfois venus de loin, mais aussi des institutionnels comme la maire et la rectrice de Poitiers, deux députées, Francesca Pasquini et Graziella Melchior qui ont mené plusieurs auditions dans le cadre de leur mission d’information sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques, la Mission laïque française qui a fait venir les élèves d'une école française au Maroc, le Réseau Canopé qui y anime une quinzaine d'ateliers, les CEMEA, la Ligue de l'enseignement, le CRAP-Cahiers pédagogiques, de nombreuses associations environnementales... Cet évènement est pourtant organisé par une association, "Faire école ensemble" créée le 15 mars 2020 par quatre amis qui se demandent ce qu'ils peuvent proposer aux écoles qui viennent de fermer leurs portes, et par une association en préfiguration, "la fabrique des communs pédagogiques". Celle-ci se définit comme "une coalition d'acteurs" où l'informel l'emporte et qui, pour lutter contre l'atomisation de la société, propose à chacun d'apporter sa contribution sans aucun cadre défini, où personne ne peut dire qu'il a compris ce qu'ils font, sinon le souci de réunir société civile et école. D'ailleurs, faut-il encore parler d'école ? Pendant quatre jours les discours et les propositions utopistes, foisonnantes s'inscrivent dans le contexte d'une société très organisée et normée. 

Plusieurs des intervenants qui étaient auditionnés par les deux députées ont d'ailleurs insisté sur la nécessité de donner un fondement réglementaire, voire législatif à cette pratique pédagogique qui fait envie à nombre d'enseignants. Ils sont demandeurs. Dans les trois arrondissements de Lyon où l'inspecteur y est favorable, le centre de formation est débordé. Il faudrait au moins que dans les cours de recréation, les enfants aient accès à un espace où ils puissent toucher de la terre, de l'eau, ce type d'aménagement favorise une diminution des accidents et une amélioration du climat scolaire, mais il est loin d'être généralisé. La classe dehors est aussi "un temps pour pouvoir rencontrer un nombre maximal de milieux professionnels", les classes de découverte sont passées de trois semaines à trois jours, dans les classes, on parle beaucoup d'éducation au développement durable, mais on la pratique bien peu, sortir permet aux enfants de comprendre que la santé humaine ne peut être pensée sans la santé animale ou celle du végétal, et l'approche par la santé permet de fédérer toutes les "éducations à" qui sont sinon juxtaposées...

Les enfants des écoles et collèges voisins ou beaucoup plus lointains ont aussi présenté aux deux élues leurs propositions pour une école mais surtout une société différentes. Il faudrait aménager des bâtiments vides pour mettre à l'abri des personnes victimes de violences, développer les commerces de proximité, mettre des balançoires dans les parcs, interdire les pesticides et les cigarettes, mieux payer les éboueurs, avoir "une cour oasis" dans chaque école et des ateliers de bricolage... Bénédicte Robert, la rectrice leur assure qu' "on est de plus en plus attentifs à ce qu' (ils ont) à dire".

Mais aménager partout des "cours oasis" pour d'autres récréations ne va pas de soi. A Lyon, il y a une centaine d'écoles à rénover, c'est un chantier gigantesque, qui va s'étaler sur des années, mais c'est aussi l'occasion d'imaginer d'autres configurations, des bâtiments ouverts à d'autres usages. Faut-il vraiment, se demande l'adjointe à l'éducation, que l'école ait encore la forme physique qu'elle a actuellement ? Conscient du besoin émergent, Réseau Canopé envisage de se donner une nouvelle mission de conseil au collectivité, de faire le lien entre les élus, les architectes, l'Education nationale, la communauté éducative, pour aider à sortir des programmes standardisés... Christine Leconte, présidente de l'ordre des architectes, indique que pour les rénovations du bâti scolaire, les collectivités n'ont pas besoin d'organiser un concours, et le marché va au "moins-disant", donc au moins cher, pas au plus imaginatif.

Dans un coin du "Parc Blossac", qui accueille l'essentiel de la manifestation, les CEMEA ont installé un "terrain d'aventures", un petit espace aménagé pour que les enfants y fassent ce qu'ils ont envie de faire, et il a beaucoup de succès. Le principe est né au Danemark après guerre quand Carl Theodore Sorensen s'est aperçu que les enfants préféraient jouer dans le trous d'obus que sur les toboggans et balançoires installés exprès pour eux. D'où l'idée de les laisser imaginer leurs jeux, de mesurer eux-mêmes les risques qu'ils peuvent prendre, d'utiliser à leur gré les outils mis à leur disposition... Le concept se répand en France après une trentaine d'années où il était presque impensable d'en installer, on en compte aujourd'hui une soixantaine, autant de lieux dédiés, gérés à chaque fois par une association, avec un groupe de pilotage où la mairie, la préfecture, la CAF, le bailleur social si c'est sur son terrain qu'est pris cet espace, un comité de suivi pédagogique, mais avec toujours ce souci d'observer et de n'intervenir qu'en cas de nécessité, sans souci d'orienter, de normaliser les activités des enfants et des parents accueillis "inconditionnellement", souvent des publics qui ne viennent pas dans les espaces de loisirs, souvent payants et où tout a été pensé pour eux.

Le site des rencontres ici

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