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Smartphones en colos : des usages qui servent d'abord des pratiques de sociabilité (INJEP)

Paru dans Périscolaire le mercredi 12 août 2020.

"Loin de concurrencer la sociabilité des jeunes présents en séjour, les pratiques numériques sont souvent l'occasion d'amorcer des échanges, servent la sociabilité en train de se faire, cimentent les liens créés". Émilie Morand, sociologue, fait cette analyse sur la base des premiers résultats d'une enquête réalisée par l'INJEP (Institut national pour la jeunesse et l'éducation populaire) entre juillet 2019 et février 2020. Cette enquête est née d'interrogations que peut susciter, du point de vue des organisateurs de séjours, l'arrivée massive des téléphones portables en colonies de vacances, alors que par ailleurs, observe la chercheuse, "les usages numériques des jeunes suscitent beaucoup d'inquiétudes de la part des adultes et sont souvent envisagés de manière alarmiste". S'appuyant sur des observations de terrain et entretiens menés avec 30 jeunes de 12 à 17 ans et 15 membres des équipes d'animations durant 4 séjours, complétés, durant 4 stages BAFA, par 10 entretiens avec des formateurs et formatrices et l'observation de la formation (notamment concernant la place du numérique et du téléphone portable au sein du contenu de la formation et selon quelles modalités), la chercheuse observe qu'au final "le numérique accompagne le quotidien des jeunes en colonie sans en changer les grandes lignes". Et, "loin des représentations" que l'on peut en avoir, ces usages semblent plutôt permettre d'amorcer des échanges entre jeunes mais aussi avec l'équipe d'animation, d'ouvrir à d'autres pratiques culturelles, d'accompagner les temps collectifs, et même de prolonger temporairement la colonie de vacances après le séjour.

Première grande observation, pendant la colonie, l'usage des smartophones n'entraîne pas un isolement des jeunes mais "servent très souvent le collectif", en ligne et hors ligne. Ainsi, les portables accompagnent "les temps collectifs (musique diffusée à partir des portables sur des enceintes, jeux en réseau, création de 'délires' et de moments mémorables), comme les temps calmes, de retrait (série du soir, communication avec les amis et parents, support de lecture)". Ils servent aussi la sociabilité en ligne, parce que "les moments forts de la colonie de vacances sont enregistrés (photographiés, filmés), commentés au cours du séjour, diffusés sur les réseaux sociaux (au sein de groupes internes à la colo ou non), les commentaires faits en ligne sont ensuite commentés hors ligne, en groupe, dès qu'ils sont constatés".

De même, après le séjour, les médias sociaux "participent à prolonger temporairement la colonie de vacances", via l'échange de photos ou vidéos sur des groupes de discussion de la colonie. "Les usages numériques des jeunes en colonie de vacances ne concurrencent pas – ou très peu - la sociabilité des jeunes à l'intérieur de la colonie. Au contraire, l'enregistrement de moments, de souvenirs, de 'délires' se fait sur le smartphone et cimente les relations créées pendant le séjour", écrit encore la chercheuse.

Partages de pratiques culturelles qui peuvent se prolonger au-delà des séjours

Deuxième usage important que fait remonter l'enquête : la poursuite ou l'ouverture à d'autres pratiques culturelles. Les jeunes se servent en effet du portable pour écouter de la musique, regarder des séries ou des films, lire des BD ou des mangas, aller voir des tutos sur Youtube... Mais parce qu'en colo, "les pratiques culturelles des jeunes sur leur smartphone sont montrées, partagées, échangées", elles "donnent lieu ainsi à des transmissions entre jeunes", observe encore la sociologue. Une ouverture vers d'autres pratiques culturelles qui peut parfois se prolonger au-delà du séjour, comme les liens, l'enquête ayant montré que "les jeunes peuvent ainsi, en restant connectés sur les réseaux sociaux, avoir accès aux pratiques d'autres jeunes de milieux et d'environnements différents notamment via les photos et les stories postées".

Pour autant, l'auteure observe aussi des effets qui peuvent être moins positifs, comme la possibilité "que des parents s'immiscent dans le déroulement du séjour", "bien plus présents dans les séjours qu'ils ne l'étaient auparavant" via notamment les blogs qui leur permettent de suivre au jour le jour les activités et qu'ils peuvent parfois commenter, parents auxquels les organisateurs et animateurs doivent aujourd'hui "s'adapter". Du côté de l'organisation, la chercheuse constate aussi que des règles trop restrictives concernant les usages du portable peuvent être à l'origine de conflits, notamment parce que ces règles entrent "en contradiction avec l'usage quotidien qu'ont les adolescentes et adolescents du portable hors colonie (toujours à portée de main à des fins de réassurance et 'au cas où')".

Camille Pons

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