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"En matière d’éducation, le plus grand risque est de ne pas en prendre" (ouvrage sur "les séjours de rupture")

Paru dans Périscolaire, Justice, Orientation le jeudi 06 février 2020.

Un responsable de la Scop "Educateurs, voyageurs", Thierry Trontin, accompagnateur de séjours de rupture et Olivier Archambault, président d’OSER, une association organisatrice de séjours éducatifs proposent dans un ouvrage collectif une réflexion sur "cette véritable pédagogie du risque" produisant "une transformation profonde de ces adolescents (…) souvent étiquetés comme ‘incasables’, à la frontière entre la psychiatrie et la délinquance".

Même si dix départements seulement ont autorisé et habilité des structures organisant des séjours de rupture pour une capacité cumulée de 200 places sur l’ensemble du territoire national, des expériences anciennes ou récentes ont fait apparaître des opportunités pour ces "incasables", reproduites ensuite par des "essaims d’imitateurs". Cela laisse à présent place à la stabilisation de nouvelles "règles du jeu", ce que propose précisément cet ouvrage.

C'est ainsi que Michel Sparagano décrit l’ "échappée" du cadre des contraintes quotidiennes des jeunes en question puis le "retour", après la transformation du moi par la reconquête de la confiance à l’autre. Il a en effet plusieurs fois traversé l’Atlantique avec des adolescents qui pour la plupart n’avaient jamais mis les pieds sur un bateau ; "impossible de quitter la structure à 17 heures et de remettre les clefs au gardien de nuit. On va ‘vivre avec’ pendant des mois, chaque jour, chaque heure (…) on pense aux limites, on vit aux limites et le risque, bien sûr, c’est de dépasser ses propres limites" : l’accompagnement devient partage avec une quasi parité, même si  article précise "c’est cheminer ensemble mais c’est aussi, pour l’un cheminer vers l’autre et pour l’autre cheminer vers soi".

"On n’apprend pas à être libre sans liberté" disait Kant, "le séjour de rupture participe de cette philosophie humaniste qui considère que chacun est capable d’être libre". Le voyage en bateau va ouvrir "une crise" propice à la pensée des limites individuelles ou collectives, "on y gagne pas mal de temps. Là il ne sera pas facile de tricher longtemps, là les postures se révéleront très vite des impostures !" et, martèle t-il "c’est valable aussi bien pour les jeunes que pour les adultes qui les accompagnent" mais "c’est ainsi que l’on progresse".

Pour Michel Sparagano "en matière d’éducation, le plus grand risque est de ne pas en prendre" et "prendre la mer est un risque". Il donne un exemple : "il faut bien que je dorme" … comment désigner le chef de quart" parmi des jeunes dont certains avaient quatorze ans ? : "Alors j’ai pris mes précautions. Je les ai bien regardés, jaugés, testés. Et puis j’ai pris ma décision et ai confié la barre à un gamin de 14 ans. Bien sûr j’ai un sommeil vigilant (un sommeil lourd serait quasiment une faute professionnelle). Je connaissais les bruits de mes bateaux : celui du vent, des haubans, de l’eau sur la coque, des vagues, de leur orientation etc. Reste le risque. Oui mais quel changement chez le gamin investi d’une telle responsabilité."

L'ouvrage évoque aussi les enjeux institutionnels (notamment liés à l’ASE, la PJJ…), les concepts mobilisés par le compagnonnage éducateurs-adolescents et la pédagogie du risque.

"Les séjours de rupture en questions", Oser l’innovation !, sous la direction de Thierry Trontin et Olivier Archambault, collection trames, Erès, 375 p., 19, 50 euros.

Michel Delachair

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