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Révocation d'un professeur de piano : le Conseil d'Etat rappelle les règles pour un référé-suspension (une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Périscolaire, Culture le mercredi 17 mai 2023.

Un assistant d’enseignement artistique était professeur de piano pour le compte de la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées. Celle-ci l’a révoqué de ses fonctions, car elle lui reprochait des comportements inappropriés à l’égard de plusieurs de ses élèves. Mais le juge des référés du TA de Pau a suspendu l’exécution de cette décision et enjoint au président de la communauté de réintégrer le professeur de piano au sein de l’administration territoriale. En cassation, le Conseil d’Etat désavoue le juge des référés du TA et annule son ordonnance dans sa décision du 5 mai 2023.

On sait que le référé-suspension exige la réunion de deux conditions pour être accueilli. Le juge des référés avait admis l’urgence, au motif que la décision contestée privait l’intéressé d’un emploi qu’il occupait depuis 27 ans et lui faisait perdre 30% de ses revenus, alors qu’il avait des dépenses mensuelles incompressibles. Mais, si le code de justice administrative parle bien de la nécessité d’une atteinte grave et immédiate à la situation du requérant, il vise aussi le même type d’atteinte à un intérêt public. Le Conseil d’Etat reproche donc au juge des référés de n’avoir procédé qu’à une analyse partielle et incomplète, en ne se préoccupant que de la situation du requérant et en négligeant totalement l’argumentation présentée par l’administration, qui soulignait le risque de troubles que pouvait occasionner la réintégration de l’intéressé.

Pour appuyer l’argument tiré du doute sérieux sur la légalité susceptible d’être soulevé à l’encontre de la décision de la communauté, le requérant prétendait que le président de celle-ci s’était estimé à tort lié par l’avis du conseil de discipline. "En retenant ce moyen, alors qu’il ressort des pièces du dossier que le président de la communauté d'agglomération a procédé à l'examen de la situation de M. B... et que sa décision, en dépit d'une rédaction maladroite, précise que la sanction de révocation a simplement été proposée par le conseil de discipline, ce dont il se déduit qu'il ne s'est pas estimé lié par l'avis du conseil de discipline favorable à la révocation, le juge des référés a dénaturé les faits de l'espèce." Enfin, sanctionnant là aussi une dénaturation des faits de l’espèce par le juge des référés, le juge de cassation rejette le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision disciplinaire. Celle-ci, énonce-t-il, mentionne bien les raisons de droit et de fait justifiant la sanction, "en précisant qu'il est reproché à M. B... un comportement inapproprié à l'égard de plusieurs de ses élèves se caractérisant notamment par des gestes déplacés et des contacts physiques répétés sans lien avec l’enseignement du piano".

Annulant l’ordonnance de Pau, et décidant d’évoquer l’affaire, le Conseil estime qu’aucun des arguments invoqués à l’encontre de la décision du président de la communauté n’est de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité (en particulier l’insuffisance de la motivation, l'irrégularité de la procédure suivie, la prescription d'une partie des faits reprochés, leur absence de matérialité, le fait que l’état de santé du requérant interdirait d'engager à son encontre une procédure de sanction et de prononcer sa révocation, le caractère disproportionné de la sanction infligée et l’erreur de droit qui résulterait du fait que l'administration s'est estimée à tort liée par l'avis du conseil de discipline). Il rejette donc la demande de suspension.

La décision 462141 du 5 mai ici

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