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CAP, CQP, bac pro : quels diplômes pour quelle insertion dans l'industrie automobile ? (CPC études)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 24 juillet 2014.

"Avec la montée des inégalités, la reproduction sociale est de plus en plus d'actualité, et les missions locales ont beaucoup de difficultés à trouver des solutions pour aider les jeunes en difficultés à s'insérer." C'est la conclusion d'une étude sur "les jeunes ouvriers de la filière automobile" dont la situation est révélatrice de l'impact de la crise sur l'emploi des jeunes. Cette étude est publiée par le ministère de l'Education nationale (bureau des diplômes professionnels", mais n'engage que ses auteurs, René Mathieu et Armelle Gorgeau qui constatent que "les jeunes en formation servent de volant permanent de main d'oeuvre : ils ne sont pas recrutés après leur contrat mais remplacés par d'autres selon la logique traditionnelle de l'apprentissage" alors que "la plupart des entreprises de cette filière [n'ont] pas embauché en CDI de jeunes depuis de longues années".

Mais s'ils ont manifestement, vis à vis de l'alternance, des réserves, les auteurs en ont aussi vis à vis des diplômes de l'Education nationale, ou plutôt, ils se font l'écho des réserves et des contradictions de leurs interlocuteurs. Pour tel responsable d'une agence d'intérim, "il faut un CAP pour être opérateur. C'est le minimum pour nous. On préfère les bacs pro (...)", tandis que pour un autre, "un bac pro, ce n'est pas quelqu'un de qualifié, il se prend comme un génie. Je préfère un bon CAP, un bon BEP"; un autre encore explique : "quelqu'un de motivé peut travailler dans l'auto, sans CAP. Il faut savoir lire et écrire. En production, on ne demande pas de diplôme de base."

"Le diplôme n'est plus un signal"

La situation varie évidemment selon les entreprises, qui ont chacune leur politique et leur culture, et selon les emplois visés. Le BTS est un minimum pour les postes de maintenance. Toutefois "la détention d'un diplôme semble être moins un pré-requis qu'au début des années 2000, mais pour réussir les tests de français, de mathématiques (...), les candidats doivent avoir un niveau de formation générale relativement important, même si ce sont le savoir être, la dextérité et la rapidité qui sont prioritaires." D'ailleurs, dans certaines usines, "le diplôme n'est plus un signal" et les directions "font toute confiance aux tests des agences d'intérim ou leur fournissent leur propres tests", lesquels sont parfois si exigeants que les responsables ne les réussissent pas toujours!

Dans les filières d'entreprises étrangères, "les certificats de qualification professionnelle (CQP) sont plus appréciés que les diplômes de l'Education nationale". Dans un groupe japonais, les CQPM (les CQP de la métallurgie) sont d'ailleurs un outil de promotion interne "mieux adapté aux besoins de l'usine que les diplômes de l'Education nationale" car ils correspondent "à des métiers précis". De même les usines à capitaux français, "même celles qui exigent des diplômes pour leurs ouvriers, comme Renault", utilisent les certifications de branches "pour valoriser les formations proposées à leur personnel ouvrier dans le cadre de l'évolution professionnelle".

"Des jeunes méprisés à l'école et pas à leur place"

Au total, les auteurs s'inquiètent du clivage entre les ouvriers très qualifiés, pour qui "les diplômes et l'expérience professionnelle gardent une grande importance", et les "opérateurs", pour qui sont surtout prises en compte la dextérité et "l'aptitude à respecter des consignes avec des cadences très élevées". Mais surtout, ils constatent que les métiers "qui relèvent de la mécanique ou du travail des métaux" n'attirent pas les jeunes alors que les besoins sont importants. "L'école serait-elle responsable en ayant considéré les formations mécaniques comme obsolètes, et en ayant supprimé plusieurs diplômes de métiers comme tourneur, fraiseur, ajusteur", voire robinetier ? De plus, "les jeunes qui aiment les métiers manuels et les déplacements se sont sentis méprisés à l'école et pas à leur place, même s'ils étaient bons élèves". Il faut bien voir qu'une "mauvaise orientation scolaire peut conduire au décrochage, à la démotivation et à l'exclusion". D'autre part, "des formations qui permettraient à des jeunes sans revenus d'accéder à un emploi, celui de cariste par exemple, ou de soudeur, métiers où il y a des débouchés (...) sont beaucoup trop onéreuses", tandis les budgets des missions locales sont trop limités pour qu'elles puissent aider ces jeunes à qui elles doivent "inculquer un minimum de règles en matière de savoir-être" et aider à avoir un projet professionnel réaliste, "des tâches qui en principe devraient être celles de l'école".

"Etude de cas sur les jeunes ouvriers de la filière automobile : impact de la crise sur l'emploi, la qualification et les mobilités", étude conduite par René Mathieu et Armelle Gorgeu (Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris). Elle est publiée par le ministère de l'Education nationale (bureau des diplômes professionnels de la DGESCO). CPC études - 2014 n°2, 177 p.

 

 

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