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Les PRE (programmes de réussite éducative) sans effet sur le destin des enfants ? (rapport IPP)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le jeudi 03 mars 2016.

Les PRE ont-ils "les moyens de faire face aux défis immenses présentés par les enfants dans des situations sociales très difficiles" ? C'est la question que pose l'IPP* dans la conclusion de son rapport d'évaluation des programmes de réussite éducative. Et les auteurs précisent : Peuvent-ils y parvenir "en ayant pour principale ressource les associations et l’offre sanitaire du territoire" et sans construire d'actions "structurées par le programme lui-même, conçues en fonction de ses objectifs" ? "La pertinence des interventions sanitaires (psychologue, orthophoniste, etc.) ne fait pas débat", pas plus que les activités sportives, les séjours en centres de loisir, le soutien scolaire, "qui n’ont pas été développées spécifiquement en vue de ce public en grande difficulté". Si les familles finissent "par aller chez l’orthophoniste, même en l’absence de PRE, parce que les enseignants les y orientent en fait assez souvent, la valeur ajoutée des parcours sera limitée". Des programmes américains "proches dans l’esprit" ont en revanche des effets "très positifs", mais ils "coûtent environ dix fois plus cher" et on doit se demander si "l’ingénierie institutionnelle" ne devrait pas être complétée par "des actions spécifiques, adaptées, auxquelles exposer les enfants".

En effet, l'analyse statistique ne permet pas aux auteurs** d'observer "de dynamique plus positive des enfants bénéficiaires d’un parcours par rapport à des enfants dans des situations scolaires, psychologiques et sociales comparables au départ". Ils précisent que "cela ne signifie pas que leur situation ne s’est pas améliorée dans l’absolu, cela signifie à tout le moins qu’elle ne s’est pas davantage améliorée (peut-être même un peu moins), ou pas plus vite, que celle des enfants témoin, c’est-à-dire des enfants ne bénéficiant pas d’un parcours". Et ils concluent à "une absence d’effet du PRE, au sens où le destin (sur 20 mois) des enfants est semblable là où le PRE n’est pas présent".

Une approche globale

Ils rappellent que ces programmes, "institués par la loi de cohésion sociale de 2005", ont pour objectif d’apporter aux enfants des quartiers prioritaires de la politique de la ville "un parcours individualisé reposant sur une approche globale des difficultés rencontrées, en collaboration étroite avec la famille", de façon à "renouer le contact entre les familles et les acteurs du droit commun" dans ces quartiers. Ils concernent quelque 100 000 enfants "pour un coût annuel d’un peu plus de 100 millions d’euros par an". L'étude repose sur la collecte "d’une grande variété de données" à l’automne 2012 et au printemps 2014 sur la qualité de vie des enfants, leur estime de soi, leur motivation, des tests de mathématiques et de français, mais aussi sur les jugements des enseignants tandis que les parents ont été interrogés sur leurs relations avec l’école, avec leur enfant, et sur leur accès aux services publics. L'échantillon de bénéficiaires est composé de 404 enfants qui étaient à l’automne 2012 en CE1 ou en CM1. Le groupe témoin est composé d’enfants "ayant des caractéristiques comparables", même si, sur certaines dimensions scolaires et familiales, "les bénéficiaires sont plus fragiles".

"Si le bien-être psychologique et le comportement des enfants semblent peu affectés par la prise en charge en PRE, d’autres dimensions capturant les relations aux autres (estime de soi sociale, problèmes avec d’autres enfants de l’école reportés par les parents) se dégradent même légèrement pour les enfants en parcours relativement aux enfants du groupe témoin. Sur le plan scolaire, les élèves bénéficiaires d’un parcours connaissent également une évolution moins favorable dans certaines dimensions de la motivation pour l’école, mais leurs compétences en mathématiques et français évoluent de manière similaire au groupe témoin. On constate néanmoins une amélioration de l’assiduité scolaire significativement plus forte chez les bénéficiaires que chez les élèves témoins (...) Les relations entre les parents et l’école n’ont pas évolué de façon significativement différente entre les élèves bénéficiaires et les autres."

Des mécanismes subtils et complexes

Dès lors les auteurs, très soucieux de prévenir les critiques méthodologiques, se demandent si les personnes (le plus souvent les enseignants) qui orientent les enfants vers les PRE le font pour les raisons qui ont présidé au choix des paramètres observés. Ne disposent-ils pas d'autres données qui leur permettraient "d’anticiper que ces enfants vont avoir une dynamique négative" ? Autre point de discussion, l'âge des enfants. "Il semble que les interventions éducatives et sociales sont beaucoup plus efficaces auprès des très jeunes enfants, et ont moins d’effets (...) à mesure que les enfants sont plus âgés. Au vu de la littérature existante, on peut se demander si l’âge scolaire devrait être la principale cible de ce type d’intervention." Finalement, la principale conclusion est que "les mécanismes en jeu dans ce type d’intervention sont extrêmement subtils et complexes" et les auteurs espèrent que leur "analyse quantifiée" permettra "de poser des questions qui peuvent conduire à une analyse plus poussée des mécanismes en oeuvre".

Le rapport est téléchargeable ici

* IPP : Institut des politiques publiques - Ecole d'économie de Paris et Centre de recherche en économie et statistiques)

** Les auteurs : Pascal Bressoux (Université Pierre-Mendès-France, Marc Gurgand (EEP-CNRS), Nina Guyon (National University of Singapore), Marion Monnet (IPP) et Julie Pernaudet (CREST)

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