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Pour Terra Nova, “l’enseignement professionnel secondaire se situe dans un angle mort de notre système éducatif“

Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 20 juin 2022.

Daniel Bloch décrit, dans la dernière note du Think Tank Terra Nova “une période faste allant de 1985 à 2000, marquée notamment par la création et le développement du baccalauréat professionnel (sans doute la principale réforme du système éducatif des quarante dernières années) après laquelle l’enseignement professionnel a connu, depuis, des temps difficiles.“

L’origine de ces difficultés se situe, selon l'ancien président de l’Institut polytechnique, dans la “baisse significative du niveau des élèves de fin de collège, qui entrent dans l’enseignement professionnel pour préparer un CAP ou un baccalauréat professionnel.“

Il ajoute que les enquêtes PISA “attestent que la baisse moyenne du niveau des collégiens provient de la dégradation particulièrement importante du niveau des moins bons d’entre eux, ceux-là même qui, en nombre, rejoignent l’enseignement professionnel“ et il précise même que “ces élèves sont par ailleurs de plus en plus jeunes, les redoublements étant devenus rares“.

Dès lors, le CAP recrute en formation initiale “des élèves de plus en plus jeunes, mais surtout présentant un niveau de plus en plus faible avec, en conséquence, un diplôme qui s’est progressivement déprécié". Quant au baccalauréat professionnel, en 2009 sa durée de préparation a été réduite à trois années, ce qui constitue une “réforme inconsidérée compte tenu de la baisse simultanée de la qualité du recrutement des élèves“ et qui “n’avait d’ailleurs été demandée ni par les milieux économiques ni par les enseignants, et qui ne résultait que d’une politique visant à réduire le nombre de fonctionnaires“.

Valeur marchande

Cette “réforme“ a ainsi entraîné une perte de “valeur marchande“ du baccalauréat professionnel, “une perte particulièrement sensible dans le champ des emplois du tertiaire, ce qui a induit naturellement la plupart de ses titulaires à rechercher un complément de formation, et particulièrement en section de techniciens supérieurs, même si la sélection à l’entrée en est sévère, et les abandons en cours de route particulièrement nombreux.“

Dans l'optique de lui donner un “nouveau souffle“, Daniel Bloch propose un “nouveau schéma d’organisation“ pour l'enseignement professionnel, les réformes “pouvant s’appliquer tout autant aux parcours lycéens qu’à ceux des apprentis.“

L'ancien recteur d’académie fustige une “politique essentiellement paramétrique prenant appui non seulement sur la réduction de la durée de préparation du baccalauréat professionnel, mais plus encore sur une réduction massive des taux de redoublement, accompagnée par une forte et tout aussi paradoxale hausse des taux de réussite aux baccalauréats“, alors que depuis l’an 2000, le taux de croissance du nombre de bacheliers (40 % en vingt ans) est “très élevé“ comparé à celui du nombre de lycéens, toutes filières réunies, qui est “paradoxalement demeuré constant.“

Daniel Bloch considère le bac pro comme “à reconstruire en prenant les élèves à l’entrée de l’enseignement professionnel pour ce qu’ils sont et non pour ce que l’on voudrait qu’ils soient, et en considérant que le baccalauréat ne doit pas sanctionner la seule durée de sa préparation mais en premier lieu la nature et l’ampleur des compétences acquises.“

Il estime en outre que le CAP “connaît lui aussi de considérables difficultés, comme en témoigne par exemple le très modeste taux d’emploi relevé six mois après la date d’obtention du diplôme“, et qu'il “ne peut, lui non plus être laissé en l’état".

Sont alors formulées quatre propositions “à finalités tant économiques que sociales“ qui portent sur la structure des enseignements professionnels et sur leur mode de gouvernance qui “a été défaillante“.

Diplômes pivots

Les “diplômes pivots“ que sont le certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et le baccalauréat professionnel seraient redéfinis, tandis que serait introduit le bachelor professionnel, diplôme “analogue du bachelor universitaire de technologie (BUT), récemment substitué au diplôme universitaire de technologie (DUT), par l’addition d’une année supplémentaire de formation“ et dont le cursus “serait adapté, de façon spécifique, aux acquis des bacheliers professionnels".

Ces trois diplômes pourraient être préparés tant en lycée professionnel qu’en centre de formation d’apprentis. En lycée, les périodes de formation en milieu professionnel verraient leur importance considérablement accrue, en étant doublées, comme le propose le président de la République, atteignant ainsi une année non seulement pour le bachelor professionnel, mais aussi pour le CAP et le baccalauréat professionnel. Ces périodes de formation devraient être rétribuées.

Par ailleurs, l'ex directeur des enseignements supérieur souhaite une planification portant au moins sur les dix années à venir, avec comme socle une loi de programmation budgétaire dont la mise en œuvre prendrait appui sur une structure administrative spécifique.

Le nouveau CAP qu'il préconise durerait 3 ans et inclurait l’équivalent d’une année de périodes de formation en milieu professionnel (contre un seul trimestre de PFMP aujourd’hui), “avec en conséquence une augmentation attendue de 50 % du niveau de compétence associé au CAP actuel qui est préparé en deux ans seulement.“ Il “améliorera les conditions d’entrée en emploi des diplômés car conduisant tout à la fois à des compléments de formation générale et à une formation professionnelle davantage en cohérence avec la réalité du contexte dans lequel ces diplômés auront à exercer leurs activités.“ Et afin de donner de la visibilité et de l’ampleur au CAP en tant que diplôme certifiant, seraient prévus des dispositifs permettant de préparer le CAP en une année seulement.

Les Campus des métiers et des qualifications, “bien répartis sur l’ensemble du territoire, et fédérant les compétences de proximité“, pourraient se voir confier le pilotage territorial de cette fonction porteuse d’avenir.

“Déprofessionnalisé“ par “la réforme très contestée de 2009“ et accentuée par “la récente volonté ministérielle d’écrire les programmes des secondes professionnelles par famille de métiers et non plus par métier“, le bac pro retrouverait sa durée de préparation initiale (quatre ans) “avec une architecture nouvelle, incluant désormais deux semestres de formation rétribuée en entreprise, alors qu’il n’en comportait précédemment que l’équivalent d’un seul.“ A noter que “la baisse du nombre de naissances, observée depuis 2010, devrait permettre d’absorber ici encore, sans trop de difficultés en matière d’effectifs enseignants, cette demi-année supplémentaire en lycée professionnel.“

Est enfin prévu de relier bac pro et BTS avec une augmentation des capacités d’accueil, tant en STS qu’en IUT. Sont en effet comptés 90 000 bacheliers professionnels supplémentaires depuis l'an 2000, croissance à laquelle “n’a répondu qu’une augmentation trop faible du nombre de places de première année en STS : 20 000 seulement.“ Ainsi, “faute de places ouvertes en STS en nombre suffisant, 40 % seulement des bacheliers professionnels peuvent aujourd’hui y être admis alors que les trois quarts d’entre eux auraient souhaité l’être.“

Est proposée l'expérimentation au cours des cinq prochaines années en lycée professionnel d'un “Bachelor professionnel préparé suivant un cycle cohérent de trois années, dont l’une correspondrait ici encore à des périodes de formation rétribuées en milieu professionnel.“ Les Campus des métiers et des qualifications, “qui rassemblent localement des formations secondaires et des formations supérieures, dispensées tant aux scolaires qu’aux apprentis, pourraient utilement servir de socle pour leur mise en place.“

Secrétariat d’État à l’enseignement professionnel et à la planification éducative

Cet important chantier devrait être piloté “selon un mode projet“, avec des personnels “de profils spécifiques, par un ministère délégué ou un secrétariat d’État à l’enseignement professionnel et à la planification éducative“, et sa mise en oeuvre devra être “portée par une loi de programmation pluriannuelle, comme l’avait été, au-delà de 1985, la loi ayant permis le développement du baccalauréat professionnel".

Daniel Bloch estime pour finir que d’autres questions importantes doivent être résolues car les quatres propositions formulées “ne sauraient à elles seules remettre totalement sur pied notre enseignement professionnel“, par exemple le recrutement et la formation initiale et continue des professeurs des lycée professionnel, le recrutement et le statut de ceux d’entre eux qui interviendront dans les formations post-baccalauréat, mais aussi les corps d’inspection, le mode de recrutement des proviseurs des lycées professionnels ou encore les connexions à mettre au point entre les parcours conduisant au CAP et ceux conduisant au baccalauréat professionnel.

La note ici

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