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On attend trop des AESH et l'expérience des enseignants doit être mieux prise en compte : les deux messages de la médiatrice

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le lundi 25 juillet 2022.

On attend trop des AESH, les accompagnants d'élèves en situation de handicap et l'affectation des enseignants ne tient pas suffisamment compte de leurs expériences professionnelles, estime la médiatrice de l’Education nationale et de l’enseignement supérieur dont le rapport annuel, portant sur l'année 2021, est publié ce 25 juillet. Catherine Becchetti-Bizot évoque la nécessité de retrouver confiance dans l’institution alors que les médiateurs académiques constatent "une dégradation sensible du climat scolaire", notamment en termes de harcèlement, au vu des saisines qui leur sont adressées, près de 18 000 en 2021 (dont 1 411 qui n’avaient pas pu être traitées avant la fin de l’année 2020).

Leur nombre a “légèrement diminué“ par rapport à l’année précédente (-5 %) mais il a doublé ces 10 dernières années et l’enseignement scolaire représente 72 % des requêtes, un taux en hausse de 5 % par rapport à 2020. Une part “non négligeable“ de saisines porte sur des situations de harcèlement, en augmentation de 73 % depuis un an. Pour ce qui est du harcèlement des personnels, "on est toujours en attente du protocole de prise en charge", fait remarquer la médiatrice. Les questions liées la vie scolaire ont connu une très forte augmentation (+ 24 % par rapport à 2020). Ces saisines concernent des conflits école-famille, des problèmes de comportement et des litiges liés à l’évaluation.

Affelnet en progrès

La médiatrice note toutefois qu'en ce qui concerne le fonctionnement à Paris d'Affelnet, "les choses se sont considérablement améliorées". De même, 169 saisines ont porté sur la procédure Parcoursup, un chiffre “en nette diminution“ avec une baisse de 39 % sur cinq ans. Elle estime d'ailleurs que les difficultés ne viennent pas de la plateforme elle-même, mais de "l'accrochage" des logiques entre bac-3 et bac+3, en clair d'une communication insuffisante des établissements d'enseignement supérieur sur leurs attendus, et de l'absence de retour aux lycéens des raisons du refus de leurs dossiers.

La dématérialisation de la procédure d’inscription aux examens, par exemple pour les candidats individuels, est un des thèmes de ce rapport qui demande de repenser les services en ligne au bénéfice de l’usager. La médiatrice donne notamment cet exemple : “J'écris en désespoir de cause, car mon inscription en candidat libre à l’examen CAP session de juin 2022 a été annulée par le service des examens au motif qu’elle n’était pas complète. Je ne comprends pas cette décision, particulièrement injuste, d’autant plus que le seul document qu’il m’a été demandé de renvoyer, je l’ai renvoyé en temps et en heure.“

La part de saisines liées aux questions financières et sociales reste stable (15 %) avec cependant une forte prédominance de réclamations portant sur des difficultés dans l’attribution ou le calcul des bourses du supérieur, qui augmentent de 40 % : “la précarisation des familles et des étudiants est visible“.

Reconnaître des expériences professionnelles diversifiées

En ce qui concerne les personnels, 26 % des réclamations portent sur des questions financières, devenues le premier domaine de saisine. Viennent ensuite les carrières ou questions statutaire (en hausse de 61 % sur 5 ans). En hausse régulière depuis cinq ans, 15 % des saisines sont relatives à l’environnement de travail et aux relations professionnelles. En outre, les requêtes des personnels non titulaires augmentent de manière soutenue depuis cinq ans, en hausse de 26 % en 2021.

Le rapport souligne l'importance “des modalités d’affectation et de mutation qui peuvent constituer un frein au recrutement de personnels dont le système éducatif a besoin, comme elles peuvent empêcher une mobilité fonctionnelle ou géographique choisie“. En effet, lorsqu'un contractuel réussit le concours et est titularisé, "les ennuis commencent". Tel.le qui enseigne depuis plus de 10 ans à la Martinique où il-elle a toute sa vie se retrouve dans l'académie de Créteil, tel.le autre qui doit prendre soin de parents âgés est nommé.e à 700 km de chez lui (elle). Un ingénieur qui décide de faire une seconde carrière dans l'Education nationale, qui réussit haut la main le CAPES de mathématiques est traité comme un étudiant dont c'est la première expérience professionnelle. De même un enseignant qui a obtenu, parfois difficilement, son détachement, a été affecté à l'étranger, et qui, à son retour, est considéré comme s'il n'était pas parti plusieurs années. "Le système pourrait tirer bénéfice d’expériences professionnelles diversifiées. Mieux accompagner et mieux reconnaître ceux de ses agents qui ont l’opportunité et la volonté d’exercer des missions variées au cours de leur carrière, ou de contribuer à son rayonnement à l’étranger, lui permettrait de concilier les engagements pris lors du Grenelle de l’éducation avec son propre intérêt.“

Ainsi “dans le contexte d’accentuation de la pénurie d’enseignants et de personnels administratifs, cet objectif implique de prendre pleinement en compte les nouveaux profils et aspirations des agents publics qui choisissent le système éducatif pour une deuxième ou une troisième carrière et de valoriser plus justement l’expérience qui les a construits et amenés à le rejoindre.“ Catherine Becchetti-Bizot reconnaît que l'administration a de bonnes raisons de procéder aux mutations et affectations en fonction d'un barème, et qu'il faut éviter que des nouveaux venus, parce qu'ils ont une expérience professionnelle hors Education nationale, ne prennent systématiquement les places que briguent depuis des années des enseignants titulaires, mais elle fait remarquer qu'autrefois, les commissions paritaires dans lesquelles siégeaient les organisations syndicales, permettaient qu'un dialogue se noue en amont des décisions. Elle plaide pour une meilleure valorisation des expériences acquises. Plus globalement, elle fait remarquer que les enseignants comme tous les salariés attendent de voir leur travail reconnu, notamment mais pas exclusivement en termes de rémunération, et que leur lieu de travail soit compatible avec leur lieu de vie, en tenant compte des questions de santé et des accidents de la vie qu'ils peuvent connaître.

Handicap : "que les équipes éducatives reprennent la main"

Le rapport de la médiatrice met aussi en lumière des difficultés dans l’accompagnement des jeunes en situation de handicap, l’insuffisance des heures allouées par rapport aux préconisations des MDPH (maisons départementales des personnes handicapées) avec de lourdes conséquences pour la scolarité des élèves, mais elle fait remarquer que le système scolaire italien ne connaît pas d'AESH : l'enseignant reçoit le soutien d'un collègue. L'accompagnement de l'élève en situation de handicap n'est pas délégué, il est pris en main par l'équipe pédagogique. Catherine Becchetti-Bizot ne remet pas en cause la politique française, "il faut continuer à renforcer les moyens, rendre la profession d'AESH plus attractive, il y a des progrès à faire pour leur formation", mais les représentations doivent changer, un.e AESH, c'est "une compensation, un étayage, une béquille pour l'élève", mais l'inclusion, l'accessibilité dépend des enseignants, pas des médecins qui ne connaissent pas, comme un pédagogue, la situation de l'enfant. "Il faut que les équipes pédagogiques reprennent la main."

La question des examens en est une bonne illustration. Une circulaire de 2020, qui n'a été que partiellement prise en compte en 2021, prévoit que les aménagements de la scolarité d'un élève en situation de handicap se retrouvent le jour de l'examen, c'est un progrès, mais que penser de ce jeune qui a un problème à l'oral et qui est dispensé de l'épreuve d'anglais le jour du BTS dans une spécialité qui exige un certain niveau en langue vivante ? Ce sont des questions qui doivent être pensées très en amont, lors l'élaboration du PPS (projet personnalisé de scolarisation) avec des enseignants.

La médiation un peu plus obligatoire

A noter que le nombre de réclamations comportant une dimension européenne ou internationale a cette année encore sensiblement augmenté (466 saisines, soit + 33 %). Comme en 2020, les demandes de reconnaissance de diplômes étrangers restent majoritaires, suivies de près par les demandes d’inscription dans des établissements de l’EFE (au Maghreb en particulier).

A noter encore que l'expérimentation menée dans trois académies de rendre obligatoire la médiation avant d'engager une procédure contentieuse est considérée comme positive et cette obligation est étendue à toutes les académies, mais pour un nombre réduit de litiges. Or, dès lors que la médiation est obligatoire, elle suspend les délais prévus pour introduire un recours devant la justice administrative, alors que la perspective, en cas d'échec de la médiation, de se retrouver hors délai pouvait freiner le recours aux médiateurs académiques. Catherine Becchetti-Bizot rappelle que ce sont des bénévoles, cadres supérieurs de l'Education nationale (souvent des inspecteurs généraux) à la retraite, qui n'ont rien à en attendre en termes de carrière et qui sont parfaitement indépendants. Elle souligne que 60 % des saisines ont été prises en compte par un médiateur, et que, dans 78 % des cas, elles ont obtenu un succès au moins partiel.

Le rapport ici

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