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Enseignement professionnel : les réactions syndicales aux annonces d'E. Macron

Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 05 mai 2023.

Les organisations syndicales réagissent au mieux avec des interrogations, pour la plupart très négativement aux annonces d'Emmanuel Macron, hier 4 avril, sur la réforme de l'enseignement professionnel. Toutes dénoncent le pacte qu sera proposé aux enseignants des lycées professionnels.

Pour le SNUEP, "on va vers une transformation en profondeur, sur le modèle de l'apprentissage" du lycée professionnel. Sigrid Gérardin, co-secrétaire générale du syndicat FSU de l'enseignement professionnel, interrogée par ToutEduc, estime que le travail des enseignants est dévalorisé, notamment du fait de l'entrée dans les établissements d'acteurs économiques et des agents de "France travail", "comme s'ils étaient plus compétents que les professeurs". Elle dénonce surtout l'absence de toute référence à une élévation du niveau de qualification. "Les élèves ont besoin de plus de temps d'enseignement. Depuis la mise en place du bac pro en 3 ans, les problèmes n'ont fait que s'amplifier. Le ministère annonce la multiplication des années complémentaires à bac +1, mais c'est du bricolage." Elle s'inquiète aussi de l'obligation qui sera faite aux enseignants du domaine professionnel de "se former en entreprise ou dans un campus des métiers a minima tous les trois ans" et de mesures qui vont dans le sens d'une annualisation du temps de travail. Autre sujet de fond pour le SNUEP, "une individualisation forcenée des enseignements aux dépens du groupe classe".

L'ensemble des syndicats de la FSU (SNUEP, SNES, SNEP, SNETAP, SUI) "dénoncent la forme et le fond de cette réforme" qui "signe un transfert progressif mais avancé de la voie professionnelle scolaire vers le ministère du travail et à la solde des branches professionnelles" : "Les jeunes des lycées professionnels ne sont plus considérés comme des élèves en formation mais comme une main d’œuvre immédiatement exploitable" tandis que les personnels se voient offrir "de vastes plans de reconversion et un pacte pour travailler plus". Les organisations syndicales estiment notamment que "les perspectives de poursuite d’étude en BTS sous statut scolaire sont remises en cause pour l’ensemble des élèves", que "l’évolution de la carte des formations est prise uniquement sous le prisme de l’adéquationisme forcené" et que le pacte constitue "une véritable provocation envers les personnels des lycées professionnels".

Le SNETAA n'est pas moins inquiet. Le syndicat FO de l'enseignement professionnel "s’opposera à toute carte des formations totalement adéquationniste qui limiterait l’éventail de formations pour les jeunes" et il met en garde "contre la concurrence entre apprentis et élèves gratifiés". S'il n'est pas opposé au principe de la gratification qui permet de donner aux élèves "une meilleure estime de soi", il aurait préféré que les entreprises soient encouragées à reconnaitre l’investissement des élèves pendant les stages tandis que l’État pouvait revaloriser les bourses, promouvoir des "incitations pour l’accession à la culture" et "discuter sur un statut spécifique du lycéen professionnel". L'organisation de la classe de terminale lui paraît "impossible" à mettre en oeuvre : "80 % des bacheliers pro s’inscrivent sur parcoursup pour effectuer des études supérieures ; la réponse de parcoursup n’intervenant qu’en juillet, les élèves ne pourront pas choisir avant cette date." Et surtout, l'organisation syndicale estime que la réforme oublie que "le rôle du LP (est) de former le jeune à un métier, pas à un emploi (...). Il ne s’agit pas de donner plus de temps d’entreprises aux jeunes (...) mais de plus d’école et mieux d’école."

Pour sa part, "le SNALC accueille avec de fortes craintes les annonces faites par le président de la République sur une énième réforme de la voie professionnelle". Le syndicat des lycées et collèges dénonce "l’instrumentalisation des lycées professionnels au service des branches professionnelles" et un "adéquationnisme à courte vue". L'organisation syndicale dénonce également "l’allongement de 50% des périodes de formation en classe de terminale, quand bien même il ne concernerait pas 100% des élèves". Elle alerte "sur la volonté de multiplier les mentions complémentaires" plutôt que de "retrouver un parcours en 4 ans pour la majorité des élèves". Quant au Pacte, qui représente "une rémunération supplémentaire loin d’être négligeable", "il demande de s’investir dans tant de missions à la fois (…) qu’il n’est pas dit que le jeu en vaille la chandelle". L'organisation syndicale demande à Emmanuel Macron d’arrêter de vanter "la réussite de l’apprentissage alors même que près d’un contrat sur trois est rompu avant son terme" : "le président ne maîtrise pas ce dossier, et se réfère à des images d’Épinal sur le sujet".

La CGT Educ'action estime de même que "le président mène une charge injuste contre la voie professionnelle sous statut scolaire" lorsqu'il la compare à l'apprentissage. Elle ajoute que "le cœur de la réforme repose sur une posture idéologique : l’entreprise forme et insère mieux". Elle note que "beaucoup de zones d’ombre persistent" et elle estime que "la faisabilité de cette réforme risque de se fracasser sur le mur des réalités scolaires, pédagogiques et économiques". Elle considère qu' "au final, il s’agit surtout de mettre le lycée professionnel au service du patronat" et annonce qu' "elle s’engagera dans la lutte, dans une démarche interprofessionnelle et intersyndicale".

SUD Education dénonce un "passage en force contre le lycée pro" et "des annonces qui font fi de l’opposition des personnels" : "L’adaptation des filières aux réalités économiques locales scelle la soumission de l’enseignement professionnel aux besoins des entreprises et non aux besoins de notre société". Quant aux annonces relatives au Pacte, elles "sont inacceptables alors que la revalorisation prévue pour septembre 2023 ne couvrira pas les effets de l’inflation". Elle appelle à la grève aux manifestations interprofessionnelles du 6 juin.

Le SGEN-CFDT et la FEP-CFDT considèrent que le "super pacte LP" est "un nouveau signe du mépris et de la méconnaissance de la réalité de l' investissement (des enseignants) au service des élèves". La CFDT refuse l'idée d'ajouter du travail à des personnels déjà épuisés. Elle revendique que "l'ensemble des tâches déjà effectuées soient rémunérées à leur juste valeur". Les deux fédérations estiment pourtant qu'elles ont été entendues sur "l'abandon de l'augmentation de 50% des périodes de stage en bac pro" et elles considèrent que "les mesures contre le décrochage et pour l’insertion professionnelle vont dans le bon sens". Au total pourtant, les annonces sont "en partie déconnectées de la réalité des lycées professionnels".

Pour l'UNSA Education, les annonces présidentielles ouvrent "des perspectives intéressantes" et elles "correspondent à certaines de (ses) attentes et propositions : pas d’augmentation généralisée des PFMP, plus et mieux d’accompagnement de nos élèves, une 4e année optionnelle pour l’orientation et la réorientation". La fédération salue "la création d’un bureau des entreprises" à la condition qu'il apporte une aide matérielle et humaine aux DDFPT. Le SE-UNSA estime pour sa part que "le président dresse un diagnostic assez juste des défis posés à la voie professionnelle", lesquels sont "en partie" le résultat de la réforme "conduite sous son premier quinquennat". Mais ces annonces sont "plombées par la vision dogmatique du Pacte" qui lie "la revalorisation salariale à des missions supplémentaires". Avec le pacte, "le président met la pression sur les personnels et prend le risque d’essorer et d’exploser les équipes".

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