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Bac pro, CAP.. Les “petits diplômes“ sont-ils réellement ce que l'on croit ? (ouvrage)

Paru dans Scolaire, Orientation le mardi 30 mai 2023.

“L'état du système scolaire, les savoirs enseignés et la marché du travail font qu'il est difficile de comparer dans le temps un diplôme “, explique Gilles Moreau, en réponse à la question de savoir si le bac, serait devenu un “petit diplôme“.

Mais si celui-ci s'est en effet largement démocratisé, avec un taux d'accès de 90 % en 2020, le double par classe d'âge par rapport à 1990, le professeur de sociologie (U. Poitiers) considère que “les diplômes rendent plus compte des savoirs appris, des mobilisations organisées par les enseignants en vue de l'examen, et donc des valeurs éducatives dominantes à un moment donné, que d'un état du savoir qu'on pourrait mesurer sur un ligne immuable du temps.“

De plus, si une fraction de la jeunesse, “notamment celles et ceux qui préparent le bac pro, voit le baccalauréat comme l'aboutissement d'un parcours d'éducation, souvent assez chaotique, pour d'autres il est le début d'une vie étudiante qui, à l'université ou en grandes écoles, va les tenir dans un état d'apesanteur juvénile pendant de longues années.“ Ainsi, “à défaut d'être petit, le baccalauréat est donc désormais éclaté“, du fait que son sens et son usage social varieront fortement d'un groupe à l'autre.

A partir d'analyses comme celle de la sélection dans le recrutement des professeurs de lycée professionnel (PLP) ou de l'accès des jeunes à certaines filières, 19 chercheurs en sociologie ou en sciences de l'éducation battent en brèche les idées reçues sur ce que certains appellent les “petits diplômes“, c'est à dire de niveau 3 et 4 (CAP, bac pro, mention complémentaire..).

Il s'agit par exemple, pour Adrien Pégourdie, de la correspondance entre la formation et l'emploi. “La majorité des diplômés de LP, écrit-il, ne travaille pas dans le secteur de leur formation et le taux d'adéquation entre formation et emploi est plus faible pour ces diplômes que pour les diplômes de l'enseignement supérieur.“ Nadia Lamamra décrit quant à elle une situation Suisse en “demi-teinte“, où la voie professionnelle “est certes mieux reconnue, plus fréquentée qu'ailleurs, plus mixte socialement, sans pour autant être moins inégalitaire.“

La question de l'apprentissage est traitée par Prisca Kergoat, qui explique en quoi sa progression “résulte quasi exclusivement de sa percée dans l'enseignement supérieur“. Or, son public, “loin de s'apparenter à celui des apprentis qui préparent un ‘petit‘ diplôme, partage les caractéristiques scolaires et sociales de leurs camarades étudiant.e.s : ils et elles appartiennent plus souvent aux classes intermédiaires et supérieures et sont majoritairement titulaires d'un baccalauréat général.“

Au contraire, estime la professeur de sociologie, “loin de faire mieux que l'école, les apprentis titulaires d'un bac pro poursuivent moins souvent que les autres dans l'enseignement supérieur“ (37 % contre 50 % pour ceux issus d'un bac pro passé sous statut scolaire). Par ailleurs, “l'apprentissage du ‘bas‘ ne manque pas de candidats, il manque de places : 30 % des élèves de LP souhaitent trouver une entreprise d'accueil mais n'en trouvent pas“. Dès lors, conclut l'auteure, “cette aspiration de l'apprentissage ‘vers le haut‘ contribue à détourner la vocation première des ‘petits diplômes‘ : celle de permettre à des jeunes issus des classes populaires de s'émanciper de leur condition, d'acquérir un titre et par-delà un métier qu'ils et elles n'auraient peut-être pas pu acquérir autrement.

Idées reçues sur les “petits diplômes“, dirigé par Séverine Depoilly, Gilles Moreau, Adrien Pégourdie et Fanny Renard, éditions Le cavalier bleu, 184p., 21€.

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