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Comment les jeunes peu qualifiés apprennent-ils dans le travail, et quelles reconnaissances en tirent-ils ? (CEREQ)

Paru dans Orientation le vendredi 28 avril 2023.

Quels leviers sont favorables au développement des apprentissages dans le travail de jeunes sortis du système éducatif peu qualifiés ou sans qualification ? Et quelles sont les modalités de reconnaissance des compétences ainsi acquises ? Le CEREQ se penche sur cette question par le biais d'une étude de l’Agence française du développement (AFD) comparant les situations dans le BTP entre Argentine, France, Maroc et Sénégal.

En France, parmi les 320 000 nouveaux entrants dans le secteur en 2020, 71 % n’avaient jamais travaillé dans le BTP et 21 % étaient âgés de moins de 25 ans. Si les motifs d’entrée dans le travail et de développement des compétences sont multiples, “tous soulignent la motivation nécessaire à l’engagement dans un parcours formateur“, cependant, cette motivation nécessaire “peut être contrariée lorsque le jeune s’est engagé dans le BTP en tant que ‘voie de garage‘, expliquent les cinq auteurs de cette étude.

Jérémi : “Mon père était mécano, mes parents m'ont toujours dit non tu ne feras jamais ça, ça ne paye pas, tu feras des études et tu feras un meilleur métier. Je ne sais pas vraiment quel métier mais au final il n'y a pas vraiment de meilleur métier, c'est le métier qu'on aime faire qui est le meilleur.“

Dans les entretiens conduits, “les formations organisées sont très peu, voire pas du tout, évoquées sauf quand l’enquêteur insiste et que ressort un moment de formation, généralement obligatoire“, constate le Centre d'études et de recherches sur les qualifications. Ainsi l’essentiel du développement des compétences tient dans “les apprentissages dans le travail“. Ils sont vus comme “essentiels, d’autant que l’entrée dans le secteur s’opère assez souvent par le recrutement de jeunes en contrat d’alternance.“

Plusieurs canaux d'apprentissage sont alors mobilisés, mais “le principal mis en avant est sans conteste l’interaction avec un travailleur expérimenté“. Il peut consister en un acte de mimétisme et il s’agit alors de reproduire un geste, ou en un échange verbal. Il s’agIt alors de rendre explicite l’acte à réaliser en utilisant si nécessaire un langage technique approprié ou simplement de donner une consigne. Le plus souvent, les deux modalités se conjuguent.

En deuxième lieu vient l’exercice de retour sur le travail effectué, qui permet au jeune d’engager une démarche de réflexion sur son travail. Ce temps peut être inopiné, il advient parce que le jeune se pose une question sur le travail réalisé ou qu’un collègue ou son employeur ouvre un temps de commentaire. Seulement, “si cette réflexivité existe sur le lieu de travail, certains employeurs ayant recours au contrat en apprentissage déplorent toutefois qu’il n’y ait pas une meilleure coordination des apprentissages entre l’entreprise et le lieu de formation (Centre de Formation des Apprentis, école...), ces deux sphères restant assez hermétiques l’une de l’autre.“

Parmi les moyens mentionnés par les jeunes, le CEREQ indique que le recours à Internet “occupe une place mineure. Si tous usent, voire abusent des réseaux sociaux, (notamment Instagram), peu d’entre eux ont l’habitude de rechercher sur le Web, sur des sites ou sur des forums, les réponses aux questions que le travail les amène à poser.“

Certaines conditions sont favorables aux apprentissages dans le travail, comme la dynamique du secteur et le besoin de main d’œuvre, l’environnement de travail ou la diversité des situations et des activités. Les auteurs estiment que les apprentissages tiennent aussi aux “tentatives“ que le jeune engage. L’originalité d’un nouvel exercice, imposé par un objectif, une situation, inédits jusque-là, stimule la recherche de solutions à partir des acquis et impulse des progrès. C'est là “que réside le plaisir du travail et de là que ressortent de nouvelles compétences. Ainsi, ne suffit-il pas de reproduire ou de communiquer, la nouveauté, aussi, stimule le développement des compétences.“

Sont encore soulignés les prérequis aux apprentissages dans le travail tels les dispositions comportementales, la motivation ou le socle de connaissances. Parmi les compétences “de base“, le calcul est la plus souvent mentionnée par les employeurs comme par les jeunes. En peinture comme en maçonnerie, il est nécessaire de calculer des surfaces, des volumes, le nombre de pots d’enduit nécessaires. Lire et écrire sont également mentionnés, notamment quand il s’agit d’accéder à des consignes ou de rendre compte par écrit du travail réalisé. Et “si le socle est mince, des progrès sont toujours possibles.“

Le CEREQ tente enfin de saisir les éléments de reconnaissance des compétences acquises via les apprentissages dans le travail. Concernant la validation des acquis de l’expérience (VAE), bien que le dispositif ait été mis en place il y a vingt ans déjà, il reste “très loin d’être pleinement mobilisé dans le secteur du BTP).

Moussa : “Non, je ne connais pas du tout...“

Il note que “très peu de jeunes interviewés étaient informés de l’existence du dispositif“, alors que la question de leur connaissance de la VAE ou de tout autre dispositif visant à reconnaître les compétences acquises leur a tous été posée. La plupart des employeurs “ont eu vent des possibilités ouvertes mais l’avantage de la VAE du point de vue des employeurs n’est pas éclatant, loin de là“, même si certains conviennent de la pertinence du dispositif. Pour eux, se pose entre autres la question de la mobilité potentielle du jeune, tenté d’aller faire reconnaître ailleurs ses compétences si l’entreprise qui l’emploie ne se montre pas à la hauteur de ses espérances. Du côté des acteurs institutionnels, la VAE est vue comme valorisante pour la personne, au-delà des avantages matériels qu’elle peut engendrer. Elle présenterait l’avantage majeur de ne pas repositionner le candidat en situation scolaire, sachant que nombre de jeunes non diplômés gardent un souvenir dissuasif de leurs années sur les bancs de l’école.

Quant aux autres formes de reconnaissance, elles s’expriment d’abord dans la rémunération, sauf que “la progression de la rémunération tient à la qualité du travail beaucoup plus qu’au diplôme.“ Mais la reconnaissance s’exprime aussi en dehors de la rémunération directe. Est constaté que la satisfaction personnelle éprouvée à l’issue d’un chantier n’est pas un vain mot. Le regard de l’autre, et plus particulièrement du client et de l’employeur, est souvent mentionné par les jeunes comme un bénéfice non négligeable et stimule l’envie de “faire encore mieux“.

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