“100 % transition“, un dispositif qui redonne du sens au parcours des jeunes NEET, mais limité (CEREQ)
Paru dans Orientation le mercredi 12 juin 2024.
“Ce qui m’a étonnée, c’est que les jeunes n’étaient jamais absents“, explique cette directrice d'une Maison de l'emploi, interrogée sur le dispositif “100 % transition“ destiné à aider des jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET) à trouver leur voie.
Après trois années d'expérimentation, le CEREQ propose, dans une note publiée le 11 juin, une restitution de l'évaluation du programme qui a bénéficié à 306 jeunes de 16 à 25 ans (6 % étant en situation de handicap, 12 % vivant en quartiers prioritaires de la ville et 30 % en zone de revitalisation rurale) dans quatre régions.
Cette expérimentation a pour particularité d'intégrer les projets d’emploi et/ou de formation “dans la notion plus large de projet de vie, et d'inscrire celui-ci dans le cadre global du projet de transformation sociétale porté par la transition écologique". En effet, cette dernière est “porteuse de nouveaux métiers et de nouvelles compétences, mais aussi de nouveaux critères de réussite professionnelle : avoir une activité qui a du sens plutôt qu’un salaire important par exemple.“ Il s'agit donc, au-delà des dimensions strictement professionnelles, d'aider les jeunes “à définir un futur en accord avec leur personnalité‘, et à identifier ce qui peut les motiver à agir.
Au départ, chaque responsable de programme rencontre les jeunes pour leur expliquer l’intention et le déroulé de l’accompagnement, et les invite à participer à la “Fabrik à Talents“, qui permettra pendant 3 jours de “tester et se rendre compte concrètement de l’état d’esprit et de l’engagement qui va leur être demandé“. Les jeunes qui l'ont vécue parlent d'un “changement d’état d’esprit“ précurseur de leur expérience.
Parcours
Pendant 6 à 9 mois, trois jours par semaine se passent en service civique, “pour assurer un revenu aux participant.es et tester leur projet professionnel“. Il est réalisé dans une collectivité territoriale ou une structure de l’économie sociale et solidaire, le site étant choisi en partant du souhait des jeunes, “libres d’explorer ce qui les intéresse, sans que cela soit nécessairement lié à la transition écologique“.
Le reste de la semaine un accompagnement s’emploie à créer un cadre “bienveillant“, c’est-à-dire “convivial, aidant et désinstitutionnalisé (pas de jugement normatif, écoute de la parole du jeune), permettant d’aborder tous les sujets en confiance, de reconnaitre et valoriser les savoir-faire tirés de l’expérience, de positionner les échanges autour et sur le projet de vie.“
L’accompagnement peut consister à aider les jeunes à identifier ce qui a du sens et de l’importance pour eux, “à l’inverse des logiques qui ont prévalu dans leur parcours scolaire et/ou d'insertion antérieur“. En cela, il implique également “un changement de regard, de représentations et des pratiques d'orientation des professionnels de la formation et de l’emploi“, et plusieurs approches pédagogiques sont évoquées : éducation populaire, intelligence collective, "théorie en U" (voir Wikipédia ici), coaching…
Le Centre d'études et de recherches sur les qualifications fait valoir que du point de vue des jeunes, l’accompagnement a “pleinement rempli ses objectifs“, tandis que les ateliers proposés et/ou les expériences en service civique “ont contribué à une prise de conscience“ pour bon nombre d'entre eux.
Résultats
Une des limites du dispositif a été son implantation sur des territoires où l’association qui le portait et sa philosophie d’action “n’étaient pas connues“, c'est pourquoi mobiliser des partenaires eux-mêmes déjà impliqués dans des dispositifs d’accompagnement de jeunes “s’est révélé difficile“. Ainsi sur plusieurs territoires envisagés, les équipes déjà présentes (Missions locales, Maisons de l'emploi, etc...) “sont restées repliées sur les collaborations déjà existantes, et le programme a rencontré des difficultés à s’implanter et à se déployer.“
En revanche là où il a pu s'opérer, 76 % des jeunes engagés étaient en situation de reprise d’études, en formation ou en emploi à la sortie de l'accompagnement. 54 % ont intégré des projets de formation ou d’insertion en lien avec les problématiques de la transition écologique. Le CEREQ constate en définitive que si “l’ambition systémique de cette expérimentation n’a pas totalement réussi, la majorité des jeunes ayant participé ont vécu une transformation“, évoquant eux-même la joie, l'espoir ou l'audace retrouvés.
Cependant, pour les professionnels impliqués, quitter le programme revient pour certains jeunes “à retrouver les cadres initiaux et impasses dans lesquels ils évoluaient auparavant“, et les bénéfices qu’ils ont acquis (confiance en soi, compétences comportementales…) “sont fragilisés à leur sortie, ils se retrouvent à nouveau en situation de vulnérabilité“. Un décalage qui traduit à la fois la force et la limite principale du programme, à savoir “sa capacité à entraîner un changement qui le dépasse“.
Le Bref n° 453 ici