La Lettre de ToutEduc n° 623
Paru dans La lettre le mercredi 17 août 2022.
Editorial. "Qu’est-ce qui pourrait vraiment faire changer l’école ?", demande Abdennour Bidar. Le philosophe s'entretient avec un autre philosophe, Philippe Meirieu, dans un ouvrage qu'ils cosignent, "Grandir en humanité". Ils s'accordent en effet sur cette expression lorsqu'ils s'interrogent sur la mission de l'Ecole, faire grandir en humanité les enfants et les jeunes qui sont confiés à notre système scolaire. Et il est bon de dire que "nous avons progressivement réduit le projet de notre école à celui d’une formation à un ensemble de techniques et de comportements standardisés", comme le souligne P. Meirieu qui ajoute que, dans un système "piloté par les résultats", où il faut "pouvoir tout quantifier", beaucoup d’acteurs sont "profondément malheureux". Il pense aux enseignants, mais il pourrait aussi bien parler des élèves, dont il est finalement assez peu question dans l'ouvrage.
Les deux auteurs semblent attendre de l'Ecole qu'elle contribue à redresser la situation "anthropologique" de notre société. P. Meirieu évoque le "chaos que nous voyons se développer aujourd’hui quand la confusion des rôles l’emporte partout, quand l’adulte se fait enfant en basculant dans l’infantile, quand le fils ou la fille sont contraints de devenir les parents de leurs parents, quand l’élève ne distingue plus le rôle du professeur de celui du copain ou de la copine". Abdennour Bidar voudrait "savoir s’il y a des institutions qui ont encore un sens aujourd’hui, alors même que toutes semblent s’écrouler, et si l’école en particulier a un avenir"; il en appelle à une forme de transcendance lorsqu'il écrit que "ce qui vaut la peine d’être enseigné, c’est l’ensemble des activités qui libèrent en nous l’expression d’une humanité toujours plus haute". Il se réfère à un état antérieur de la civilisation, "lorsque les mythologies et les religions disaient de l’homme qu’il a une double origine, divine et humaine" tandis que "l’école, dans le droit fil de la modernité rationaliste a réduit l’élève à un homme rationnel, laissant en friche ses autres facultés".
Philippe Meirieu préfère revenir sur les fondamentaux de l'éducation, apprendre à un enfant à surseoir à ses pulsions et à "transformer l’angoisse de la frustration en promesse de satisfactions futures", à s'ouvrir à autrui, avant de "contribuer, par son métier ou son engagement, à une œuvre collective, à une amélioration de la société, à un progrès humain".
Mais nos deux philosophes se heurtent à une aporie : "une société peut-elle déléguer entièrement à son école la charge d’éduquer ses enfants" quand ses pratiques viennent contredire "ce que cette école est censée transmettre" ? Et de décrire une société où la publicité propose comme idéal aux adultes la satisfaction immédiate de leurs caprices, où l'égoïsme est la norme, où la loi du plus fort oublie la protection du faible. Ils lancent bien des appels à des pratiques pédagogiques coopératives, mais doivent se résoudre à "oeuvr(er) au quotidien (...) à être des Sisyphe heureux". Peut-être aurait-il fallu que nos deux penseurs marquent davantage leurs différences, au lieu d'un forme consensuelle un peu molle et peut-être aurait-il fallu qu'ils nomment les choses pour sortir des généralités sympathiques, portées très intelligemment, mais finalement improductives, peut-être aurait-il fallu dire explicitement que quand la lecture se réduit à la fluence, que quand la course aux notes est devenue la préoccupation majeure des élèves, parfois la seule, contrôle continu et dossiers "parcoursup" obligent, l'Ecole perd son sens, mais qu'il est possible par de petites révolutions, sans vouloir avec Sisyphe monter chaque jour tout en haut de la montagne, de vaincre l'ennui qui gagne les salles de classe, de redonner du goût aux savoirs. A la veille de la rentrée, les acteurs de l'éducation ont besoin de l'optimisme du quotidien.
LES DEPÊCHES
Le système
Pap Ndiaye prend discrètement ses distances avec les réformes Blanquer (la dépêche)
Budget 2023 : augmentation des salaires mais baisse probable des effectifs pour les enseignants (G. Attal, Les Echos) (la dépêche)
Revue de la presse et des sites, ouvrages
“Grandir en humanité“ : Entre P. Meirieu et A. Bidar, un dialogue pour s'interroger sur l'avenir de l'école (ouvrage) (la dépêche)
Québec : le contrôle continu mis en cause (Le journal de Québec) (la dépêche)
Officiel
Au JO du 12 au 14 août : les élèves atteints de cancer, le BTS, le permis de conduire (la dépêche)
Au JO des 10 et 11 août : les AED et des "alternants contractuels", C. Grandjean, la PJJ, Parcoursup, la territoriale... (la dépêche)
Au JO des 6 et 7 août : la représentativité syndicale, l'ASE, la mobilité des lycéens, des DASEN et DAASEN, les diplômes sportifs... (la dépêche)
Au JO du 2 au 5 août : L'enfance, le bac pro, plusieurs nominations, le permis de conduire (la dépêche)
A l'agenda
Du 22 au 25 août - Aix-les-thermes- Ludovia
Du 22 au 25 août - Vénissieux - 14ème université d'été du Secteur Langues du GFEN
Le 9 septembre - Lyon - La "forme scolaire" aujourd'hui (colloque)
Les 29 et 30 septembre - Lyon - "Apprendre à parler, parler pour apprendre" (colloque de la FNAME)
Le 8 octobre - Paris - Salon LIBSCO
Du 12 au 16 octobre - Marche-en-Famenne (Belgique) - Salon Educ
Les 20 et 21 octobre - en ligne - La formation à distance, résolument ? (colloque international)
Du 29 octobre au 1er novembre - Bruxelles - 3ème biennale internationale de l'éducation nouvelle
Du 25 au 27 novembre - Paris - Salon européen de l'Education
Du 29 novembre au 3 décembre - Évreux - Festival international du film d'éducation
Du 30 novembre au 2 décembre - Educatec - Educatice
Du 7 au 9 décembre - Evian - "Agir pour l'Egalité des genres" (Congrès de l'ANDEV)
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