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CEF : "Il est temps de mettre fin à la politique de l'enfermement" des jeunes, estime le syndicat FSU des éducateurs de la PJJ

Paru dans Justice le jeudi 14 mars 2013.

"Les droits des mineurs sont mieux garantis en prison que dans les CEF." Dans le numéro de mars du Journal du Droit des jeunes, le Syndicat national des personnels de l’éducation et du social de la PJJ (FSU) tire un bilan de l’efficacité des centres éducatifs fermés (CEF) depuis leur création en 2002. Ce "bilan" prend la forme d’un réquisitoire visant à mettre fin à "la politique de l’enfermement" scandée par les CEF. "Le travail dans les CEF se réduit de plus en plus en plus à du gardiennage favorisant la profonde défiance que les adolescents placés ont toujours nourrie, vis-à-vis des adultes peu fiables ayant jalonné leur vie", estime le syndicat.

Il juge que ces centres dérivent d’une commande "strictement politique et administrative" qui érige "des méthodes de contention en pratiques éducatives". Les CEF sont devenus "le modèle quasi unique de la prise en charge" en même temps que l’action de la PJJ était recentrée "du côté du pénal". Dès lors, "le placement a perdu sa dimension de protection au profit d’une dimension punitive et de mise à l’écart", condamne le syndicat, pour qui l’appauvrissement des solutions parallèles a conduit à la mise en place de "réponses stéréotypées".

En janvier dernier, pour montrer que la justice des mineurs était la "priorité" du ministère de la Justice, François Hollande a confirmé vouloir doubler le nombre de CEF (lire ToutEduc ici). 

Intimité

Pourtant, les CEF conduisent à l'appauvrissement des solutions éducatives proposées aux jeunes placés, regrette le syndicat. En cherchant à mettre les jeunes à l’écart, les CEF adoptent une "approche comportementaliste" et se définissent comme une solution qui se suffit à elle-même. Ils éloignent les jeunes, mais aussi les professionnels, des familles et des autres acteurs éducatifs, alors que "c’est en permettant au jeune de préserver les liens avec son environnement et les professionnels qui ont fait référence pour lui que l’on peut éviter la reproduction des ruptures".

La protection de l’ordre public et l’action éducative devraient relever de deux logiques différentes, affirme le syndicat. Or les CEF confondent le champ du pénal et celui de l’éducation : la peine et les "systèmes de punition humiliants et inefficaces" y constituent "le levier du travail éducatif". Le syndicat accuse "de nombreux CEF" de porter atteinte aux droits des jeunes placés sous prétexte de les éduquer. Lecture des courriers, écoute des communications téléphoniques, violation de l’intimité, systèmes de vidéosurveillance seraient "des pratiques fréquentes dans nombre de CEF".

Loi du silence

Pour le syndicat, il ne s’agit pas de dérives mais de pratiques " intrinsèquement liées au cadre de l’enfermement" qui découlent du "caractère hybride des CEF". Pourtant dénoncées par plusieurs études et, récemment, par le contrôleur général des privations de liberté (lire ToutEduc ici), ces pratiques n’ont pas évolué. En juin dernier, dans un entretien accordé à ToutEduc, Fabienne Quiriau, directrice générale de la CNAPE, regrettait l'absence d'évaluation des CEF alors qu'une convention entre la CNAPE et la PJJ prévoyait d'évaluer ce dispositif en 2010.

Pour le SNPES, les CEF font l’objet "d’une sorte de cordon sanitaire favorisant la loi du silence". Il s’agit d’un sujet sensible car "marqué politiquement". Pour le syndicat, la généralisation de ces structures participe d’un choix politique, et elles n’ont connu aucune remise en question malgré leurs dysfonctionnements et la suppression parallèle de postes et d’autres centres de la PJJ. Les cahiers des charges de 2003 et 2008 sensés définir le dispositif porteraient d’ailleurs "davantage l’empreinte de la commande politique que de l’expérience des professionnels".

Inacceptable

Au-delà de ces pratiques internes, le passage en CEF risque aussi d’ "aggraver le parcours pénal du jeune", qui peut être incarcéré en cas de fugue. Le syndicat juge cette possibilité "inacceptable à plusieurs titres". Elle fait problème au niveau juridique, car contradictoire avec le statut de la fugue, qui n'est pas un délit, et le principe de l'incarcération, qui doit rester "exceptionnelle". Le syndicats rappelle aussi que l’incarcération des pensionnaires fugueurs rend possible la détention provisoire des mineurs de 13 ans.

Le syndicat rappelle que cette possibilité, laissée à l’appréciation du juge, a des effets négatifs même lorsqu’elle n’est pas appliquée. Une menace qui n'est pas suivie d'effets aurait "des effets négatifs sur le comportement des jeunes". Elle conduit aussi les jeunes placés à douter de la parole des professionnels. Dès lors, les relations entre les jeunes et les professionnels sont marqués par "des rapports de force" et "une confrontation permanente".

Revendications

Au-delà de la condamnation du système actuel, le syndicat défend deux revendications. D’une part, il affirme que "la durée de la prise en charge est une donnée incontournable dans l’évolution du jeune" et veut "remettre en cause ce programme qui prévoit une prise en charge limitée dans le temps". Pour les mineurs qui restent moins de quatre mois, le taux de réitération avant le CEF et après n’est pas significativement différent.

Pour autant, la "non-réitération" n’est pas un indicateur suffisant de la réussite de la prise en charge des jeunes, affirme le syndicat. A la suite d’un rapport sénatorial de 2011, il soutient que "la réinsertion des mineurs dans un dispositif de droit commun à l’issue du placement serait un indicateur plus performant". Actuellement, les jeunes passés par un CEF sont "stigmatisés", et leur orientation vers des centres ouverts ou des dispostifs de droit commun est "une mission quasi impossible".

Le numéro de mars 2013 du Journal du Droit des Jeunes est disponible ici.

 

Raphaël Groulez

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