Justice » Recherches et publications

Délinquance des jeunes filles mineures : "un grand nombre a été victime de violences" (étude)

Paru dans Périscolaire, Justice le vendredi 01 avril 2016.

Alors que les filles ne représentaient que 17 % des condamnations de mineurs en 2013, leur nombre ne cesse de croître depuis une dizaine d’années : +40 % de condamnations au pénal pour les filles mineures entre 2003 et 2013, contre +3% pour les garçons (selon les données du ministère de la Justice). Deux sociologues, Dominique Duprez et Élise Lemercier, et une psychologue, Cindy Duhamel, tentent d'analyser cette déliquance féminine et sa prise en charge, dans une étude rapportée par la Lettre de la Mission de recherche Droit & Justice le 29 mars.

Les chercheuses ont mené des entretiens semi-directifs auprès de 31 jeunes filles faisant l’objet d’une sanction pénale (en milieu ouvert, en centre éducatif fermé et en maison d’arrêt), complétés par des entrevues avec des professionnels de ces établissements. Première observation : un grand nombre d’entre elles a été victime de violences morales, physiques et/ou sexuelles, au sein de leur famille, de leurs réseaux amicaux ou de l’espace public. Cependant, "elles n’ont toutefois été que rarement reconnues dans leur statut de victime, et ce, malgré un parcours institutionnel parfois long", remarque l'étude.

Leurs familles n'incarnent que très rarement une ressource

"Marquées par des relations conflictuelles, des vécus de carences et de ruptures", leurs familles n'incarnent que très rarement une ressource pour faire face à leurs difficultés. En revanche, "leurs ancrages amicaux et territoriaux leur permettent d’expérimenter de nouveaux possibles (mobilité, fête, consommations ostentatoires...)", via notamment l'accès à "la place de fille dans la bande de garçons". Néanmoins, le début des expérimentations des relations affectives et sexuelles s'avère décevant : "bien que valorisée par la plupart des filles, l’expérience du couple ne se révèle que rarement aussi protectrice qu’elles ne l’espèrent".

Les chercheuses ne relèvent aucune singularité dans les actes commis par ces adolescentes. "Si singularité il y a, elle est à rechercher dans la réaction sociale qu’ils suscitent." L'étude souligne une forme d'inégalité de traitement face à la justice : les jeunes filles "ethnicisées comme 'Roumaines'" feraient plus souvent l’objet d'une sur-pénalisation. Les autres sont maintenues plus longuement dans un parcours de protection de l’enfance. "Elles accumulent les passages à l’acte et les prises de risques, souvent durant des fugues de foyers. Ceci conduit la plupart du temps à un déplacement vers un nouveau foyer où la fugue se répète jusqu’à un passage à l’acte perçu comme plus grave (agression d’un professionnel, acte de barbarie, séquestration...), qui conduit finalement à l’enfermement", constatent les chercheuses.

Alternativement victimes et auteures d’actes de délinquance

Les structures fermées accueillant des filles restent rares, éloignées de leur environnement familial et social, "rendant plus délicat le maintien des liens avec la famille, ainsi que la construction d’un projet pour leur sortie et leur réinsertion sociale". Quant aux professionnels de l’administration pénitentiaire et du secteur socio-éducatif, ils perçoivent le travail auprès des filles délinquantes comme "moins gratifiant et plus difficile".

"Ce ressenti d’une plus grande 'complexité' de leur prise en charge peut être éclairé par la rareté des formations et des outils professionnels adaptés aux singularités des jeunes filles qu’ils ont en face d’eux", avancent les chercheuses. Par singularités, elles entendent "la prise en compte de la singularité de chacun de leur parcours, au croisement des rapports de genre, ethnique, de classe et de classe d’âge, qui les conduit, par exemple, à être alternativement (et parfois simultanément) victimes et auteures d’actes de délinquance".

La Lettre de la Mission de recherche Droit & Justice est consultable ici

Diane Galbaud

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →