La justice des mineurs: en accepter les limites (le témoignage d'un juge)
Paru dans Justice le mercredi 08 juin 2011.
Laurence Bellon, juge des enfants depuis presque 30 ans publie "L'atelier du juge" chez Erès, "bien plus qu’un témoignage", estime Véronique Le Goaziou qui en rend compte sur le site de Laurent Mucchielli. Elle analyse en effet "l’inquiétude croissante et de la réprobation que suscitent certains comportements juvéniles aujourd’hui, en particulier lorsqu’ils touchent à la sexualité", qui font que son cabinet est encombré d'affaires "qui, il y a encore quelques années, n’auraient sans doute pas été portées à la connaissance de la justice". Un acte impliquant comme auteur et vicitme des enfants de 10 ans, "peut mobiliser la brigade des mineurs, un procureur, un juge des enfants, des avocats et nécessiter une enquête de police, une mise en examen, une commission rogatoire et une audience de jugement". Pourquoi certains éducateurs saisissent-ils systématiquement les autorités judiciaires au lieu de jouer leur rôle?
La justice pénale ne peut se substituer à eux, elle est loin d’épuiser le sens des comportements dont elle est saisie. Une émeute dans un quartier sensible ne peut se fondre dans "une somme de délits". "Certains actes sont au fond et en réalité si complexes que la prise en charge des auteurs comme celle des victimes ne sauraient s’épuiser sous le seul registre de la culpabilité et de la punition."
Enfin, comment réagir lorsqu'un adolescent ne respecte pas les obligations qui lui sont faites durant l’instruction d’une affaire? Si le mineur ne respecte pas le règlement de l’établissement dans lequel il a été placé, faut-il y voir un échec, provisoire, ou comme un manquement à une obligation pénale qui peut le conduire en détention alors qu'il n’a pas commis de nouvelles infractions… La justice des mineurs doit accepter les "tremblés" et les "peut-être", même si notre société rêve de solutions clé en main, rigides et calibrées.