Justice » Recherches et publications

Violences scolaires: une synthèse des recherches (INRP)

Paru dans Scolaire, Justice le jeudi 20 mai 2010.

"Une simple formule de politesse, appuyée à l'excès, peut être plus blessante [pour l'enseignant] qu'une injure proférée sous le coup de la colère." Ce constat témoigne de la diversité des formes de la violence scolaire, et de la difficulté que rencontrent les chercheurs et les administrations pour la caractériser et la quantifier, alors que "l'émergence d'actes de violence physique au sein d'établissements scolaires ou aux abords des écoles a été largement médiatisée" ces dernières années. L'INRP présente une synthèsede la littérature scientifique mondiale sur le sujet, dont voici quelques éléments, plutôt qu'une synthèse.

DEFINITIONS. Le seuil du comportement acceptable à l 'école diverge d'un pays à l'autre. Des comportements informels, un langage familier peuvent être acceptés aux États-Unis, par exemple, alors que beaucoup d'enseignants français les interprèteraient comme un manque de respect (...) Au Danemark et en Finlande, où les enseignants sont moins préoccupés par la discipline, l'engagement des élèves dans les apprentissages et le climat de la classe sont favorables aux apprentissages. Cependant, cette relative tolérance n'a pas d'effet réducteur sur le nombre de violences constatées (...) La violence verbale a diverses facettes : il peut s'agir d'insultes ou d'invectives, du domaine de l'agression; de joutes oratoires ou "vannes", d'ordre ludique; de décalages stylistiques intra-verbaux ou situationnels qui témoignent souvent d'une mauvaise maîtrise de la langue; de détournements, d'emprunts à l'arabe, au turc. (...) Un ton moqueur, un regard ou une attitude insolente, une insulte inaudible pour l'enseignant mais pas pour les copains sont autant de provocations commises par des élèves qui maîtrisent les règles du jeu de l'institution.

ENSEIGNANTS. Une enquête de l'OCDE, à laquelle la France n'a pas participé, montre que pour 28 % des enseignants, il est nécessaire en début de cours "d'attendre un temps relativement long avant que le calme ne s'établisse". D'autres études dressent une typologie des comportements "vécus comme problématiques par les enseignants", de la perturbation des cours aux insultes (...) Le statut social de l'enseignant ne peut plus se revendiquer d'une autorité naturelle fondée sur le savoir transmis (...) Quand les élèves refusent d'obtempérer, les enseignants le ressentent comme une mise en cause affective d'eux-mêmes (...)

ETABLISSEMENT. Les agressions verbales et l'indiscipline sont des facteurs de stress et de désengagement professionnel beaucoup plus forts que les violences physiques. Ces situations tendent à s'améliorer dans un contexte de travail coopératif entre collègues et d'implication forte des chefs d'établissement dans la gestion des conflits.

ELEVES. Les brimades à répétition (bullying), phénomène étudié pour la première fois en Norvège, au début des années 1980, font l'objet de nombreux travaux car ces actes sont constatés un peu partout, en Amérique du Nord, en Europe, en Asie ou en Australie (...) Certains élèves cherchent à se dégager de l'emprise scolaire ou contestent les dispositifs de régulation en empêchant le déroulement du cours, en cherchant à atteindre le professeur dans sa fonction, son statut plutôt que sa personne.

INJUSTICE. Certains actes d'incivilités ou de violence sont motivés par un sentiment d'injustice ou d'échec. Lorsqu'on interroge les élèves, ils font référence aux enseignants qui montrent une préférence pour tel ou tel élève, pour un groupe d'élèves. Leur sentiment d'injustice les incite à ne pas participer à la régulation de la vie de l'établissement ou de la classe (...) Dans les écoles aux scores de violence élevés, 61,8% des enfants disent avoir déjà été punis contre 38,6% ailleurs (...) les punitions collectives y sont surreprésentées; les élèves jugent que les sanctions ne sont pas conformes au règlement intérieur ou ne sont pas appliquées équitablement.

PARENTS. Le rôle des familles est évidemment essentiel, mais "les relations parents-enseignants ne sont pas si simples et reposent bien souvent sur l'appréciation de l'autorité des uns ou des autres", et les résultats diffèrent selon que "les enseignants reprochent aux parents un déficit d'autorité", que ceux-ci "transmettent à leur enfant une représentation qui disqualifie l'autorité de l'enseignant", ou que s'installe "une certaine complémentarité, sur laquelle l'enfant peut s'appuyer pour construire sa relation à l'autorité".

SANCTION. Pour être éducative, une sanction doit avoir un triple but : éthique, social et politique (...) Il convient de réfléchir sur la qualité de la loi qui doit faire sens et ne pas être un outil de domination (...) Une sanction éducative doit s'adresser à un sujet (explicitation) et elle doit porter sur des actes et des comportements (l'individu ne doit pas être pointé comme un tricheur mais comme ayant commis une tricherie).

PEDAGOGIE. On assiste actuellement "à un déplacement du rapport au savoir", et une école de Mons-en-Baroeul, investie par une équipe "Freinet", a perdu sa réputation d'établissement violent quand les élèves ont été associés "à la production de normes et à la régulation des déviances" (...) Les refus d'entrer dans une tâche ou de suivre les consignes de l'enseignant sont moindres lorsque les activités se font sur un mode coopératif et en petits groupes. (...) Travailler sur un mode coopératif, c'est aussi apprendre le respect, pratiquer implicitement la non-violence (...)

Quand il entre à l'école maternelle, l'enfant "découvre qu'un adulte peut aussi être quelqu'un qui pose des questions, et attend une réponse connue (par l'adulte). L'enseignant doit donc expliciter ce qu'il fait, quel est le but de sa question, donner des repères par rapport aux activités précédentes, à ce que l'élève connaît". Lorsqu'il arrive au collège, il est confronté à des élèves de plus de quatorze ans: plusieurs études américaines montreraient que les plus jeunes seraient plus perturbateurs, voire commettraient plus d'actes répréhensibles que les plus âgés, parce que plus impressionnables et parce que moins surveillés que leurs aînés (...)

La civilité ne peut s'enseigner comme une matière scolaire, allant de soi, par des leçons de morale assénées chaque matin (...) [Il faudrait] faire en sorte que le vivre ensemble soit rythmé, par exemple, par des rituels qui construisent une organisation collective, en groupe, "dans laquelle chacun peut intervenir et se construire individuellement".

POLITIQUE. Les États-Unis sont sans doute les leaders en matière de développement de programmes pour améliorer le climat scolaire et prévenir les violences. Certains sont inopérants voire contraires au but recherché (...) Il y a d'abord des programmes pour gérer la classe (organisation, meilleure prise en compte des élèves, de leurs compétences, de leur bien-être), pour gérer les groupes à risques ou pour former à la gestion des comportements déviants. Des programmes proposent des stratégies pour contrer l'indiscipline ou intègrent la prévention dans un curriculum enseigné en classe. Certains programmes s'intéressent à la résolution de conflits, à la médiation entre pairs et d'autres sont organisés hors la classe pour les élèves ayant des comportements à risque.

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →