Conflits entre ados et parents: Et si tout venait du cerveau?
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice, Orientation le mardi 09 mars 2010.
La compréhension des adolescents et la communication entre ados et parents pourraient-elles être facilitées par les dernières découvertes en neurosciences? Sheryl Feinstein, docteur en éducation, présente dans un récent ouvrage publié aux Éditions Fabert, les dernières découvertes des neurosciences. L'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMF) et la tomographie par émission de positrons (TEP) permettent d'observer un cerveau en pleine activité. Ces techniques montrent que le cerveau d'un adolescent est un grand chantier en cours et que les sautes d'humeur, l'hypersensibilité ou l'agressivité, qu'on attribuait jusque là aux fluctuations hormonales, relèveraient bien plutôt de changements intervenant dans le cerveau à la puberté, en particulier l'abondante production de connexions neuronales. En clair, la puberté commencerait dans le cerveau, pas avec les hormones.
Les lobes frontaux, la région du cerveau en charge du raisonnement abstrait et de la prise de décision, mûrissent tout au long de l'adolescence. A mesure de ce mûrissement, la qualité de la pensée du jeune, la capacité à prendre des décisions logiques, s'améliorent. Par ailleurs, à la puberté, le phénomène de la myélination (une substance grasse isole les neurones) rend plus efficace la communication entre les différentes zones du cerveau et multiplie par près de cent la capacité de communication de l'ado.
"L'adaptation aux nouvelles aptitudes que lui confèrent ses lobes frontaux ne se fait pas du jour au lendemain. La désorganisation et la prise de décisions malheureuses sont des effets collatéraux du passage du cerveau d'enfant à celui d'adulte", précise cependant l'auteur de l'ouvrage. C'est ainsi qu'un collégien aura tout le mal du monde à s'organiser, faire son sac, ordonner sa chambre, etc., et qu'un ado n'interprétera pas l'information de la même manière qu'un adulte. En clair, si l'ado agit et ne pense pas comme un adulte, c'est parce que son cerveau est physiologiquement différent.
Le cerveau adulte, à maturité, déduit le sens des choses de ses lobes frontaux, siège de la réflexion. Le cerveau adolescent, en construction, est encore largement sous le contrôle de l'amygdale, le centre émotionnel cérébral, ce qui entraîne chez le jeune une exacerbation de la sensibilité.
Le cerveau du jeune se caractérise en outre par un niveau accru de dopamine et, au contraire, une faible présence de sérotonine (l'hormone de l'apaisement). L'adolescent éprouve ainsi ses envies plus intensément que l'enfant ou l'adulte, se montrant avide de sensations nouvelles et intenses.
Existe t-il pour le cerveau adolescent un mode éducatif plus efficace qu'un autre? A l'instar d'un muscle qui gonflerait à force d'exercice physique, le développement du cerveau adolescent serait proportionnel à son vécu. Les jeunes qui connaissent de nombreuses expériences et relèvent des défis enrichissants se forgeraient un cerveau plus efficace, plus complexe que les autres. D'où les avantages, pour l'auteur de l'ouvrage, de mettre en place dans les foyers un mode éducatif démocratique, favorisant l'échange, le débat, et la prise d'indépendance progressive.
Sheryl Feinstein, Cerveau en construction, Pourquoi les ados ne raisonnent pas comme nous, Éditions Fabert, 2010.