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Le syndicat FSU de la PJJ dénonce une politique qui privilégie la répression et l'enfermement

Paru dans Justice le vendredi 05 avril 2024.

“Pour la première fois depuis 50 ans, en Ile-de-France il y aura l'année prochaine plus de places en centre fermé et en détention qu'en lieu d'hébergement protecteur pour les adolescents“ s'émeut Maria Laxalte, secrétaire régionale du SNPES-PJJ-FSU rencontrée par ToutEduc jeudi 4 avril lors de la mobilisation des acteurs du travail social à Paris.

Car si les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) relèvent du ministère de la justice, l'organisation syndicale “se revendique du socio-éducatif“ en vertu de son intervention, dans le cadre de la protection de l'enfance, auprès de mineurs délinquants mis en cause dans des procédures pénales.

Que ce soit côté public ou privé, ces personnels dénoncent notamment le mécanisme qui consiste à “individualiser les salaires en ajoutant une partie au mérite pour répondre à des objectifs qui ne sont pas au service des usagers auprès desquels on intervient“, estime la représentante du Syndicat FSU des personnels PJJ de l’Education et du Social. En somme, l'accompagnement éducatif et social est “de plus en plus soumis à des priorités budgétaires“ au lieu d'être destiné à “un investissement sur des populations qui peuvent être en difficulté, mais sont l'avenir aussi de la société“.

Le désaccord porte aussi sur une orientation de l'action des personnels “vers la répression“ et un budget de plus en plus dirigé vers la détention, notamment dans la région Ile-de-France qui contiendra en 2025 plus de 300 places (en CEF, centres éducatifs fermés et en prisons pour mineur) après l'ouverture de l'unité de la maison d'arrêt de Chauconin-Neufmontiers en Seine et Marne qui créera 60 nouvelles places.

Or, “les CEF coutent très très cher“, poursuit l'éducatrice officiant à Meaux, qui évoque plusieurs millions d'euros par ouverture et 700 euros par jour par enfant, “des moyens en moins pour l'hébergement en milieu ouvert et pour l'insertion“. Pourtant, il existe des dispositifs d'insertion pour adolescents déscolarisés mais pour lesquels “l'Etat a retiré des moyens“, tout comme il manquerait des psychologues ainsi que des assistantes de service social “alors que la santé et l'accès au droit administratif sont un des premiers empêchements à l'accès à l'insertion, à l'emploi et à la formation pour les jeunes“.

Mais “là où l'administration a un biais, c'est qu'elle crée de plus en plus de mesures probatoires. Elle ouvre un panel de mesures aux magistrats qui sont plus des mesures de contrôle que d'accompagnement, et on sait qu'elles prennent de l'ampleur, en Ile-de-France on est à plus de 45 % de mesures probatoires là où auparavant on avait beaucoup de mesures d'accompagnement éducatif (c'est à dire repérer les besoins en termes de santé, de scolarité, de communication des difficultés familiales) qui sont pourtant le cœur de notre métier.“

Il est ainsi davantage question de “contrôle“, d' “imposer des obligations et des interdictions“, par exemple après les évènements qui ont suivi la mort du jeune Nahel, qui n'ont pas été traités sous le prisme de la PJJ : “on a évoqué le pouvoir du parquet, de la justice à pouvoir mettre fin ou réprimer ces révoltes urbaines, en choisissant d'en parler en tant qu'émeutes et non pas en tant que peut-être un mal-être social.“

Maria Laxalte souligne encore “des dysfonctionnements dans l'administration“ majoritairement dus à des manques en termes de ressources humaines, avec en conséquence des éducateurs et des psychologues surchargés par des normes qui ne correspondent pas à la réalité des prises en charge : “On ne peut nous demander d'intervenir auprès des adolescents en difficulté et de n'avoir que 50 minutes par mois à leur accorder à eux et à leurs familles“.

Faute de temps, la réforme du CPJM (justice des mineurs) qui “ne concilie pas le temps de l'accompagnement éducatif et celui de la procédure pénale“ faute d'avoir été pensée avec les professionnels, ne permet pas “de rencontrer le jeune et sa famille, de créer une relation de confiance, une rencontre entre l'institution et des personnes qui peuvent être en grande difficulté avant que l'audience sur la culpabilité n'arrive“. Le ministère de la justice “a répondu par un changement de procédure là où nous pensons que c'est des moyens RH qui manquaient. On a pressurisé le temps des magistrats.“ Quant aux éducateurs, ils se retrouvent convoqués en audience toutes les semaines, écrivent des rapports sur leur temps personnel dans une sorte de “bénévolat“ pour répondre a une commande judiciaire.

Pour la représentante syndicale, la crise d'attractivité du métier d'éducateur est liée à la fois à la question des rémunérations mais aussi à un climat social et professionnel qui est très dégradé“, avec également des conditions de travail indécentes (cafards, inondations, eau contaminée au plomb...). Elle pointe la situation en Ile-de-France, "un secrétaire administratif de la DRH devant gérer 300 dossiers de personnels là où dans le Sud-Ouest il va en gérer 70." Une dernière problématique porte sur les 30 % de contractuels que compte la région Ile-de-France, des personnels en situation précaire et soumis à plus de pression que les titulaires, pouvant également créer des difficultés au niveau des équipes éducatives, et désorganiser certains services. De quoi demander “une réflexion sur un plan de titularisation et d'accompagnement de ces contractuels dans la fonction et l'intégration dans la fonction publique pour pouvoir stabiliser les équipes“. L'organisation syndicale FSU des personnels de la PJJ d'Ile-de-France devrait être reçue la semaine prochaine par la directrice de la PJJ.

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