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La présence de l'avocat auprès de l'enfant victime de violences doit-elle être systématique ? (Table-ronde, Assemblée nationale)

Paru dans Justice le jeudi 21 décembre 2023.

“Vous allez demander à l'avocat d'avoir ou de porter un regard subjectif sur ce dont l'enfant a besoin“ estimait mercredi 20 décembre l'avocat Alexandre Sylva, auditionné lors d'une table-ronde organisée par la délégation aux droits des enfants de l'Assemblée nationale autour de la prise en charge des violences sur mineurs.

L'essentiel du débat a tourné autour de leur présence auprès d'un mineur victime de violences. Si la loi n° 2022-140 du 7 févr. 2022 (voir ici) a en effet confié au juge la décision de désigner un avocat pour l’enfant capable de discernement si son intérêt l’exige, cette présence doit-elle systématique ?

La majorité des avocats s'est prononcée pour cette définition, mais pas pour les mêmes raisons. Le représentant du Conseil national du barreau, très actif sur le sujet, estime qu'il n'y a pas d'âge pour avoir un avocat et que chacun a le droit d'avoir ses intérêts défendus : “si le juge assure la protection des intérêts de l'enfant, l'avocat en assure la défense“, déclare-t-il. Arnaud de Saint-Remy explique par ailleurs que “l'intérêt“ supérieur exige toujours cette présence, c'est pourquoi la loi précitée “est au milieu du chemin“, ce que récuse son confrère Alexandre Sylva. Ce dernier considère que “le système a bien été pensé jusqu'alors“, car si le mineur “n'est pas capable de comprendre la situation dans laquelle son intérêt exclusif est privilégié, et ce qu'est un avocat, alors à quoi sert un avocat? (..) Comment savoir porter la parole de l'enfant devant un juge si il n'est pas possible d'échanger avec lui ?“ A l'inverse, poursuit-il, si la présence de l'avocat est rendue systématique, les parents seront mis de côté, vus comme défaillants, ce qui équivaut à “une remise en cause du principe de l'autorité parentale“.

Il précisera par la suite que cette question vaut majoritairement pour la demande de placement de l'enfant, alors que beaucoup d'audiences de juge des enfants concernent des Actions éducatives en milieu ouvert (AEMO) “avec un exercice de l'autorité parentale qui est maintenu, pas discuté et pas remis en question“.

“Pour qu'il y ait besoin de divers avocats, encore faut-il que les intérêts divergent“. L'avocate Lucile Bertier, également défavorable à la mesure, pense d'ailleurs que dans ces cas d'AEMO “l'intérêt d'un parent n'est pas toujours en conflit avec celui de son enfant, or un même avocat peut parfaitement représenter plusieurs clients s'il n'y a pas de conflit d'intérêt“. S'agissant plutôt d'un accompagnement de la famille, d'un travail commun, dès lors “demander systématiquement de faire tiers dans la relation parent-enfant peut être source de défiance, voire contreproductif et parfois conflictualiser certaines situations“, souligne-t-elle par ailleurs.

Mais au-delà, c'est surtout la “célérité des procédures“ qui l'inquiète, racontant l'histoire d'un petit Jules, “qui a porté plainte pour des faits d'inceste il y a bientôt 4 ans, et n'a toujours pas été entendu par le juge d'instruction“ car celui-ci n'a pas le temps. Surtout que “l'enfant n'est pas un client comme un autre“ a pour sa part souligné Elisabath Audouard, qui a plaidé pour un Code de l'enfance, et non pas “un code pénal et des dispositions à côté“, doublé d'une réflexion sur le statut de l'enfant à protéger, “donc une évolution législative et réglementaire sur ce point-là“. Elle aussi pense que l'avocat doit être présent immédiatement auprès de l'enfant victime, pour permettre “que l'enfant s'exprime en toute liberté“.

L'importance d'une formation particulière de l'ensemble des acteurs de l'enfance a été mise en avant par plusieurs intervenants, tous présentant des exemples concrets de ce qu'ils ont pu mettre en place : “on a de plus en plus de jeunes intéressés par la question du droit des enfants“, a témoigné Carole Sulli.

Cependant, le tableau final de la situation de la protection de l'enfance dressé par Elisabeth Audouard se voulait sombre, au regard de sa description d'une “dégradation évidente des situations, dans la prise en charge des mineurs, dans le cadre de la protection sur tous les départements“. Elle signale des “travailleurs sociaux de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) en grande difficulté“ en raison d'un manque de moyens, de formations, “ça c'est dégradé très vite ces 10 dernières années“. Et alors que “la prévention est essentielle“, s'avérant par le passé “très très offensive dans tous les départements“, elle “n'existe quasiment plus“, déplore-t-elle, avec un manque de réflexion autour de la prostitution des mineurs et du travail forcé dans le cadre du trafic de stupéfiants.

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