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Délinquance juvénile: comment limiter le risque de récidive ? (Observatoire de la récidive et de la désistance)

Paru dans Justice le jeudi 04 janvier 2018.

"Plus un condamné est jeune (moins de 26 ans), plus il aura de risque de récidiver et plus il le fera rapidement." C'est l'un des constats que fait l'Observatoire de la récidive et de la désistance [l'arrêt d'un parcours de délinquance] dans son tout premier rapport annuel rendu, le mois dernier, par Henriette Chaubon, sa présidente, à la ministre de la Justice. Cet observatoire, créé par un décret de 2014 et installé en 26 avril 2016, a pour vocation de mieux mesurer ces phénomènes, "mais surtout de mieux les comprendre" afin de "trouver les réponses les plus adaptées" pour réduire la récidive et favoriser la désistance alors que l'observatoire constate "un manque d'étude des parcours délinquants", en priorité sur les courtes peines d'emprisonnement ou sur les alternatives aux poursuites. Il soutient un projet d'enquête nationale "d'envergure" sur les sorties de délinquance, à l'instar des travaux menés par les anglo-saxons sur ce sujet depuis déjà une cinquantaine d'années.

Les mineurs et les jeunes adultes constituent l'une des cibles prioritaires de ces études à mener car, constate l'observatoire, l'âge est "un des facteurs explicatifs les plus significatifs de la récidive". Ainsi, les travaux de la sous-direction de la statistique et des études montrent qu'un condamné qui est mineur lors de l'infraction initiale "a 1,5 fois plus de risques de récidive qu'un condamné âgé de 18 à 25 ans et 2,2 fois plus qu'un condamné ayant entre 30 et 39 ans". Ainsi, 2 mineurs sur 10 incarcérés passent leur majorité en détention et une enquête de 2011 montre que 78 % des mineurs libérés étaient recondamnés dans les cinq années suivant leur libération (68 % à de la prison ferme), alors que ces taux étaient respectivement de 63 % et 49 % pour les 18-29 ans.

Éviter une rupture dans la prise en charge d'un service à l'autre lors du passage à la majorité

Pour autant, constate l'observatoire, près de 80 % des mineurs confiés à la PJJ commettent une infraction isolée et font l'objet d'une alternative aux poursuites ou d'une mesure judiciaire unique. Autre constat, la décision d'incarcérer un mineur est exceptionnelle (ils représentent 1 % des détenus en France et 2 % du public suivi par la PJJ en milieu ouvert), la décision d'incarcérer un mineur étant "une réponse à une délinquance réitérative, après avoir épuisé toutes les modalités de prise en charge éducative en milieu libre". De plus, l'essentiel des jeunes suivis dans le cadre pénal le sont en milieu ouvert (environ 90 %) et quand ils sont incarcérés, plus de 8 mineurs sur 10 sont suivis par les services éducatifs de la PJJ au moment de l'incarcération.

Les auteurs du rapport font néanmoins, au regard d'enquêtes et travaux concernant ce public, deux grands types de recommandations : ils soulignent d'une part, pour des jeunes placés en centre éducatif fermé (CEF), l'importance d'un maintien du placement "malgré la survenue d'incidents au cours de la première phase de placement ou du retour dans la même structure après un épisode en détention suite à un incident" parce que des travaux montrent que les mineurs qui restent plus de 170 jours en CEF réitèrent moins que les autres ; d'autre part, l'effet de l'âge sur la criminalité impose "d'éviter, autant qu'il est possible, une rupture dans la prise en charge d'un service à l'autre lors du passage à la majorité". Les auteurs indiquent d'ailleurs que plusieurs expérimentations qui ont été consacrées à la continuité et à l'individualisation des parcours peuvent être prises en exemples parce qu'elles ont mis en exergue des pratiques "contribuant à la réalisation de cet objectif" : pratiques telles que "l'évaluation systématique pluridisciplinaire en début de prise en charge, identifiant les besoins du mineur auxquels le projet personnalisé doit répondre", "la conduite d'une action éducative privilégiant l'environnement naturel de l'enfant (milieu ouvert renforcé, placement à domicile)" ou encore le recours à un champ élargi de ressources (internes et externes) disponibles sur le territoire grâce à la mise en place de commissions partenariales.

Encourager des recherches qui se penchent sur les parcours individuels

L'enquête d'envergure nationale préconisée par l'observatoire pourrait fournir à ce titre d'autres éléments de réponse puisqu'il s'agirait de compléter une approche quantitative des phénomènes de récidive et de désistance par des études de parcours individuels. C'est "en prenant en compte les réalités humaines, personnelles mais aussi économiques et sociales, qui participent à la construction de la trajectoire des délinquants ou à l'abandon de cette trajectoire, que l'on pourra identifier les ressorts d'une resocialisation", écrit l'observatoire.

L'autre priorité avancée par l'observatoire, mener des travaux sur les courtes incarcérations (qui ont toutes augmenté entre 1990 et 2014, à l'exception des peines d'un mois ferme), se justifie d'autant plus que leur efficacité "est mise en cause autant par ceux qui soutiennent qu'elles sont trop courtes pour être dissuasives, que par ceux qui les estiment néfastes, ne serait-ce que parce qu'elles ne permettent pas de faire un projet de réinsertion". Il s'agirait autant d'interroger les effets sur l'emploi, la formation, les relations familiales, le logement, la poursuite de soins que les effets sur l'entourage familial lui-même (santé du conjoint, des enfants, résultats scolaires..)."

Vérifier la validité de l'influence de certains processus sociaux soumis à des changements structurels

Pour tous ces travaux, l'observatoire préconise, sur le plan méthodologique, d'interroger "l'ensemble des acteurs concernés", donc au-delà de l'institution, les personnes condamnées (une seule fois ou ayant réitéré), voire les victimes. Ces travaux de recherche sont d'autant plus nécessaires, estime l'observatoire, que certains processus sociaux, comme le mariage ou le fait de trouver un emploi, reconnus comme ayant un rôle positif sur les processus de sorties de délinquance, subissent actuellement des changements structurels. Ainsi, par exemple, concernant le marché de l'emploi, "on constate le maintien d'un taux de chômage élevé, qui touche particulièrement les jeunes et les populations des quartiers populaires", éléments qui rendent nécessaire de revisiter cette théorie dite "du contrôle social informel" et "son influence sur les possibilités de désistance".

L'observatoire invite néanmoins à ce que lui soient octroyés, "en urgence", des moyens pour engager ces recherches "de manière indépendante" et transmettre ces connaissances, via notamment la création d'un site dédié à ces questions et l'instauration d'une journée de sensibilisation destinée au grand public.

Le rapport ici

Camille Pons

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