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PJJ : il faudrait d'autres structures non-mixtes pour les filles et travailler sur une meilleure gestion de la mixité (Sénat)

Paru dans Justice le mardi 05 décembre 2017.

Pourquoi ne pas ouvrir d'autres structures non-mixtes dédiées à la prise en charge des jeunes filles par la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse), centres qui s'ajouteraient aux trois actuellement existants, un CEF (Centre éducatif fermé) et deux CER (Centres éducatifs renforcés), afin "d'offrir un cadre plus sécurisant et une prise en charge plus personnalisée à des jeunes filles" ? Telle est l'une des recommandations émises par Josiane Costes (groupe Rassemblement démocratique et social européen, RDSE), dans son avis sur le projet de loi de finances 2018 de la PJJ, déposé le 23 novembre 2017 au sénat. En effet, constate la sénatrice, "les lieux d'hébergement ne sont souvent pas adaptés et le personnel n'est pas suffisamment préparé à composer avec des publics mixtes". Alors que les jeunes filles restent sous-représentées, "ces difficultés ne peuvent plus être considérées comme marginales". L'accueil dans un lieu non-mixte peut permettre "de favoriser la sécurité psychique des jeunes filles, garantir leur intimité et servir leur reconstruction". La mesure doit néanmoins s'accompagner d'une meilleure prise en charge de la mixité par ailleurs, principe qui est la règle (il est prévu par le décret du 6 novembre 2007 et rappelé dans une note du 15 mai 2015) et qui a pour objectif "de donner aux lieux de vie une dimension 'familiale' et sécurisante" et de "permettre un travail de resocialisation fondé sur l'apprentissage de la vie en collectivité, la reconnaissance et le respect de l'autre". Pour Josiane Costes, l'amélioration de la prise en charge des jeunes filles devra constituer une priorité de l'action de la PJJ dans les années à venir pour faire face à la hausse continue, depuis 2013, de l'effectif global de mineures suivies à titre pénal et civil, "afin d'offrir des solutions adaptées à ce public particulièrement fragile".

La sénatrice suggère notamment la création d'un second CEF non-mixte, qui s'ajouterait à celui de Doudeville (Seine Maritime) créé en 2007, et une implantation "au sud de la France, afin de permettre une meilleure répartition géographique des jeunes filles". Elle rappelle que la mission d'évaluation des CEF de 2013 estimait déjà "nécessaire" de créer une structure spécifiquement dédiée à l'accueil des filles.

Des filles sous-représentées en structures mixtes

Les filles ne représentent que 10 % des prises en charge judiciaires, 3,9 % des mineurs incarcérés et les places qui leur sont dédiées sont éclatées à travers la France (3 des 6 établissements pénitentiaires pour mineurs leur sont ouverts, ce à quoi s'ajoutent des places réservées dans 4 établissements pour femmes). "Ce qui soulève des interrogations sur leur intégration dans les structures collectives majoritairement masculines et peut faire obstacle aux principes d'individualisation et de continuité de la prise en charge", poursuit la sénatrice. Elle soulève aussi d'autres "difficultés majeures", en plus de l'éventuel éloignement de la famille ou de l'éducateur de milieu ouvert qui doit préparer la sortie, comme celle d'être exposées "à des invectives permanentes qui pèsent sur le climat de la détention".

En parallèle, l'avis invite aussi à la mise en œuvre des préconisations qui avaient déjà été faites dans un document du ministère de la justice, "la mixité garçons-filles dans les établissements et services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse", pour tendre vers une meilleure gestion de la mixité. Au-delà d'un nécessaire travail sur l'architecture des locaux "pour aménager des espaces qui garantissent à la fois la sécurité, l'intimité et le partage de l'espace collectif", les principales recommandations visent à mieux organiser le placement des filles afin qu'elles ne soient pas isolées dans les structures : introduire des places dédiées (3 ou 4) dans au moins un établissement de placement éducatif territorial, anticiper les placements "afin de permettre la présence simultanée d'un nombre suffisant de filles au sein du groupe de jeunes" et organiser un schéma inter-régional de placement en réservant des places aux jeunes filles dans des établissements "où la notion de mixité serait abordée dans les projets de service".

Poursuivre les échanges de pratiques autour de l'accueil en mixité

La sénatrice encourage aussi l'échange autour des pratiques, même si elle fait le constat de "la détermination" des services de la PJJ à mieux "prendre en compte" la mixité et la prise en charge des filles. Ainsi, en 2017, aux formations proposées par l'École nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ), s'est ajoutée la diffusion d'un document thématique à l'appui des pratiques professionnelles ("La mixité garçons-filles dans les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse") à l'ensemble des agents des établissements et services de la PJJ. Dans les services en milieu ouvert et certaines directions territoriales ont été organisés des débats, groupes de discussions et créés des affiches, flyers, courts-métrages, événements artistiques, culturels ou sportifs qui permettent à la fois "de sensibiliser les jeunes et d'offrir des opportunités d'échange aux responsables locaux de la PJJ".

Entre 2002 et 2016, la part des jeunes filles délinquantes a augmenté chez les mineurs de 12 à 15 % et le nombre de celles "mises en cause" a augmenté "fortement" (+ 32 %) alors que celui des garçons est resté relativement stable (+ 1 %). Les évolutions les plus prononcées concernent les violences : le nombre de filles qui en sont auteurs a presque triplé (+ 165 %) et la part des filles dans le total des mineurs mis en cause pour violences est passé de 12 à 19 %. La radicalisation est l'un des phénomènes qui a contribué à la hausse du nombre de mineures délinquantes, selon la sénatrice. Parmi les 11 500 personnes considérées comme radicalisées en France, un quart serait des femmes, souvent mineures. Et, depuis 2012, sur les 66 personnes ayant fait l'objet d'une mesure mise en œuvre par la PJJ dans le cadre de procédures pour des faits d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste commis pendant la minorité, 23 étaient des filles.

L'avis ici

Camille Pons

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