Jurisprudence

Révocation d'un fonctionnaire : quel conseil de discipline doit-il être consulté ? (une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le jeudi 16 mars 2023.

A la suite de plusieurs rapports de sa cheffe d’établissement et de plaintes du personnel de son établissement, une attachée d’administration, gestionnaire adjointe dans un collège, a fait l’objet d’une mesure de révocation prise par arrêté du ministre de l’éducation nationale. Elle a présenté un recours contre cette décision devant le TA de Melun, assorti d’une demande de référé-suspension, favorablement accueillie par le juge des référés de ce tribunal, qui lui a accordé la suspension de la mesure et a enjoint à l’administration de la réintégrer provisoirement. Le ministre s’est pourvu en cassation contre cette décision. Et le Conseil d’Etat, dans une ordonnance du 8 mars 2023, éclairée par les conclusions du rapporteur public Thomas Pez-Lavergne, annule celle du juge des référés de Melun.

On rappellera que, dans la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires, le statut de la fonction publique a créé quatre groupes de sanctions et que la révocation, qui constitue la sanction la plus grave fait partie du groupe 4. Les sanctions sont prononcées par l’autorité hiérarchique, mais le ministre peut déléguer ses pouvoirs en la matière aux recteurs et il l’a fait, s’agissant des attachés d’administration de l’Etat, pour prononcer les sanctions des premier et deuxième groupes. Dans le cas présent, où une révocation a été prononcée, le ministre restait donc l’autorité compétente.

Lorsque l’administration souhaite infliger une sanction des 2ème, 3ème ou 4ème
 groupes à un fonctionnaire, elle doit solliciter au préalable l’avis du conseil de discipline. Pour les fonctionnaires, le conseil de discipline est une formation particulière de la commission administrative paritaire dont relève le fonctionnaire poursuivi. Le conseil est constitué en nombre égal de représentants du personnel de la même catégorie que le fonctionnaire poursuivi et de représentants de l’administration. L’avis du conseil n’a qu’un caractère consultatif qui ne lie pas l’autorité hiérarchique. Il n’est donc pas susceptible de recours, puisqu’il ne constitue pas une décision, mais l’irrégularité de sa consultation est susceptible d’affecter la légalité de la sanction prononcée.

En l’espèce, le juge des référés de Melun a estimé qu’il y avait bien irrégularité, dans la mesure où la décision du ministre a été précédée par une consultation de la commission paritaire académique, alors qu’elle aurait dû l’être par une consultation de la commission paritaire nationale. Il a donc estimé qu’il existait un doute sérieux sur la légalité de la décision du ministre, ce qui justifiait sa suspension. Estimant que  cette appréciation était constitutive d’une erreur de droit et que la commission académique était bien compétente, le ministre a porté l’affaire devant le Conseil d’Etat.

Rappelant les termes de l'article R. 911-87 du code de l'éducation, le conseil souligne que "les délégations de pouvoirs (…) donnant compétence aux autorités déconcentrées sont subordonnées à la mise en place de la commission administrative paritaire locale compétente auprès de ces autorités" et que "peuvent être consultées la commission administrative paritaire locale ou à défaut de constitution de cette commission, la commission administrative paritaire nationale". 
Il résulte des textes que les recteurs d'académie ont compétence pour instruire les dossiers disciplinaires et saisir la commission administrative paritaire académique pour l'ensemble des sanctions disciplinaires susceptibles d'être infligées aux attachés d'administration de l'Etat, quel que soit le groupe auquel elles se rattachent et pour prononcer des sanctions des premier et deuxième groupes à l'encontre de ces fonctionnaires, le ministre gardant compétence pour prononcer à leur encontre une sanction des troisième ou quatrième groupes. Il en résulte également que la commission administrative paritaire académique, lorsqu'elle a été mise en place, est compétente pour rendre un avis préalablement au prononcé de l'une quelconque des sanctions des deuxième, troisième ou quatrième groupes, que la sanction soit prononcée par le recteur d'académie ou par le ministre.

"Dès lors, conclut le Conseil, en jugeant qu'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision du ministre de l'éducation nationale prononçant la sanction de révocation à l'encontre de Mme B... le moyen tiré de ce qu'elle avait été précédée de la consultation de la commission administrative paritaire académique, et non de la commission administrative paritaire nationale, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a entaché son ordonnance d'erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, le ministre est fondé à en demander l'annulation."

La décision 462848 du 8 mars ici

André Legrand

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