Jurisprudence

Droit de retrait : le danger doit être à la fois grave et imminent, au moment précis où il est exercé (CAA de Nantes)

Paru dans Scolaire le lundi 03 avril 2023.

Au mois de mars 2015, "un climat de violence" règne dans un collège du Maine-et-Loire classé REP+ et "un certain nombre d'enseignants ont fait l'objet de menaces, de violences physiques et verbales" selon un procès-verbal du comité d'hygiène et sécurité et des conditions de travail. L'inspection du travail estime que "la pression est plus importante depuis environ six mois". L'un des enseignants de ce collège a reçu "des menaces de mort de la part d'élèves de l'établissement au mois d'avril 2009 puis en novembre 2014 et janvier 2015, événements à l'origine de deux dépôts de plainte". Il consulte son médecin qui lui propose un arrêt de travail "à raison d'un risque de décompensation anxio-dépressive", mais il le refuse et exerce son "droit de retrait" du 31 mars au 9 avril 2015. Le DASEN ne pas reconnaît pas comme fondé l'exercice de son droit de retrait et son salaire est suspendu.

Il conteste la décision du DASEN. Sa requête est rejetée par le tribunal administratif. Elle est à nouveau rejetée par la Cour administrative d'appel de Nantes. Celle ci note que le directeur académique des services de l'Education nationale a estimé, "après audition des personnels par le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail", que "la gravité d'un danger et l'imminence de celui-ci n'étaient pas cumulativement réunis". L'enseignant ayant déposé plainte au mois d'avril 2009 puis de janvier 2015, il n'y avait "pas de raison de penser, lorsqu'il a cessé ses fonctions le 31 mars 2015, que la situation au travail du requérant présentait un danger grave et imminent". Le DASEN a ajouté que "c'était sa capacité personnelle à supporter ses conditions de travail qui s'était dégradée au fil du temps". Sa décision était donc motivée.

Le DASEN, prévenu d'une divergence d'appréciation entre le chef d'établissement et le comité d'hygiène et de sécurité sur la réalité du danger n'aurait-il pas dû saisir l'inspection du travail ? Il ne l'a pas fait et "cette circonstance constitue une irrégularité susceptible de priver le requérant d'une garantie", mais l'inspection du travail, alertée par des enseignants du collège le 2 avril "a livré au directeur académique des services de l'Education nationale de Maine-et-Loire des constats et préconisations précis". L'enseignant n'a donc pas été privé de la garantie que représente la saisine de l'inspection du travail.

Certes, le décret du 28 mai 1982 prévoit qu' "aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un agent ou d'un groupe d'agents qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux". Certes "la situation de travail des personnels au sein du collège (...) était particulièrement difficile et s'était dégradée", et elle "pouvait présenter un caractère de gravité, notamment pour M. C...". Mais il n'est pas fait état d'éléments "de nature à caractériser un risque imminent pour lui au moment où il a exercé son droit de retrait".

La décision de la CAA aurait-elle été différente si cet enseignant avait exercé son droit de retrait au mois de janvier, lorsqu'il a reçu des menaces de mort ? Ou si ses collègues n'avaient pas adressé au DASEN des éléments d'appréciation de la situation ? La cour administrative d'appel ne le dit pas.

La décision de la CAA de Nantes du 28 mars, n° 21NT01808 ici

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